Plan de rigueur : le gouvernement cède sur les plus-values immobilières

Par Clarisse Jay  |   |  708  mots
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L'Assemblée nationale se penche ce mardi sur le collectif budgétaire et les premières mesures du plan de rigueur. Depuis une semaine, députés de la majorité et gouvernement s'affrontent sur les niches fiscales. Concernant l'hôtellerie de luxe, il s'agirait désormais de taxer les chambres en fonction de leur prix. Le délai sur les plus-values immobilières est porté à 30 ans. La taxation des cessions de brevets est abandonnée.

Que vont-ils encore sortir de leur chapeau ? L'examen en séance à l'Assemblée nationale ce mardi du projet de loi de finances rectificative pour 2011 s'annonce plus que tendu. Depuis que le gouvernement a décidé d'intégrer au collectif budgétaire, à l'origine dédié au plan d'aide à la Grèce (lire également en page 2), les mesures anti-rigueur annoncées pas François Fillon fin août (lettre rectificative), les députés de la majorité n'ont de cesse de préserver certaines niches fiscales. En face, le gouvernement ne compte pas s'éloigner d'un centime d'euros de son plan de marche. Il lui faut dégager 11 milliards d'euros d'économies en 2012 et surtout 1 milliard dès cette année pour tenir ses objectifs de réduction du déficit public à 5,7% cette année et 4,6% en 2012. La révision à la hausse du déficit de l'Etat à 95,7 milliards d'euros n'a pas simplifié la donne même si le gouvernement escompte de meilleures recettes de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales.

Le premier coup de semonce est venu de l'examen mardi dernier par la commission des finances de l'Assemblée qui a rejeté la désormais fameuse hausse du taux de TVA sur les parcs à thème de 5,5% à 19,6 %. Devant le tollé provoqué, notamment au sein de la majorité, le chef de l'Etat serait prêt à renoncer à cette disposition, qui ne devait rapporter "que" 90 millions d'euros en année pleine. Mais "toute abandon ou modification de mesure doit être compensé à l'euro prêt et être compatible avec l'esprit du plan, c'est-à-dire le soutien à la croissance et l'équité fiscale", insiste-t-on à Bercy Dès lors, les députés de la majorité se creusent la tête pour trouver des solutions de remplacement. Le rapporteur général du budget Gilles Carrez plaide pour une taxation supplémentaire de l'hôtellerie de luxe.

Après qu'ont été étudiées une hausse de la TVA de 5,5% à 19,5% puis une taxe forfaitaire (entre 50 et 300 millions d'euros auraient pu être dégagés en fonction des catégories taxées), solutions combattues par la profession, un consensus se dégage désormais autour d'une taxe directement appliquée au prix des nuitées, à partir d'un certain seuil (probablement 2 % au-delà de 150 à 200 euros). Cette solution aurait l'avantage d'éviter les effets de seuil et que certains hôtels de luxe soient tentés de se faire déclassés pour échapper à la taxe.

la taxe sur les cessions de brevets écartée

Concernant l'assouplissement de la suppression de l'abattement sur les plus-values immobilières (qui doit rapporter 2,2 milliards en année pleine), les discussions se poursuivies encore ce lundi après-midi entre le ministre de l'Economie François Baroin, la ministre du Budget Valérie Pécresse et Gilles Carrez.  C'est finalement la solution d'une exonération au-delà de 30 ans de détention et non plus 15 ans (l'abattement fiscal passant lui de 10 % à 5 % à partir de cinq ans) qui aurait été retenue, selon Bercy. Reste désormais à trouver une solution, du côté de l'impôt sur les sociétés, pour compenser les 150 millions d'euros de manque à gagner généré par cet abattement, l'idée de taxer à un taux normal de 33,3% (contre 15% aujourd'hui) les redevances de concession de brevet (La Tribune du 5 septembre 2011) ayant été écartée. De fait, Bercy ne souhaite pas toucher à l'innovation et estime cette mesure anti-compétitive.

"Il y a une certaine fébrilité avant l'examen dans le camps de la majorité UMP qui ne semble pas disposée à voter le plan de rigueur tel quel", commente Jérôme Cahuzac, le président PS de la commission des Finances, s'alarmant de la situation actuelle, notamment le niveau exceptionnellement élevé des CDS (contrats de couverture contre le défaut de paiement) attachés à la dette française. L'opposition fourbit pour sa part ses amendements pour supprimer un dizaine de milliards d'euros de niches (niche Coppé, défiscalisation des heures supplémentaires, emplois à domicile...). Pour les députés PS, les mesures du gouvernement sont trop timides, d'autant plus depuis que le Conseil des prélèvements obligatoires et l'inspection générale des finances ont listé "les niches absurdes", à commencer par la défiscalisation des heures supplémentaire, estime l'un d'eux.