Sarkozy fait sa campagne en Guyane sur les thèmes de la sécurité et du vote des étrangers

Par latribune.fr avec Reuters  |   |  1093  mots
Copyright Reuters
Nicolas Sarkozy, désormais ouvertement en campagne, renoue avec ses thèmes de prédilection. Il a réaffirmé dimanche à Cayenne son opposition au vote des étrangers n'appartenant pas à l'Union européenne lors d'élections locales en France, proposition défendue au même moment au Bourget, près de Paris, par le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande.

Le président de la République adressait de Guyane ses voeux aux départements et territoires français d'Outre-mer (Dom-Tom), où les étrangers représentent plus du tiers de la population.

"Nous formons une nation qui se reconnaît dans des valeurs communes, dans une histoire partagée, dans une communauté de destin", a-t-il déclaré devant quelque 1.200 personnes.

"Je me suis opposé à l'idée d'accorder le droit de vote aux étrangers non-communautaires, même pour les élections locales", a-t-il rappelé.

Il faisait allusion à la bataille lancée l'automne dernier par la nouvelle majorité sénatoriale de gauche, pour tenter de faire voter un texte en ce sens, déjà adopté par l'Assemblée nationale en 2000 sous le gouvernement du Premier ministre socialiste Lionel Jospin.

Le chef de l'Etat s'est demandé si ceux qui défendent cette proposition avaient "bien mesuré" ses conséquences en Guyane, à Mayotte ou à Saint-Martin, où les étrangers constituent respectivement 37%, 40% et 36% de la population.

Il a également cité le cas de la Nouvelle-Calédonie, où la question de la composition du corps électoral est hautement sensible dans une société à l'équilibre fragile entre partisans du maintien dans la République française et indépendantistes.

"J'aimerais que tous les responsables politiques, quand ils parlent de la République française, n'oublient pas que la République française c'est la métropole et les départements et collectivités d'Outre-mer", a ajouté le chef de l'Etat.

En 2005, Nicolas Sarkozy avait jugé utile un débat sur le droit de vote des étrangers non européens en France. "En ce qui me concerne, j'y suis favorable", avait-il déclaré sur France 2, alors que Jacques Chirac était président de la République.

LA SECURITE AUSSI

Nicolas Sarkozy a annoncé samedi à Cayenne un renforcement des dispositifs de sécurité en Guyane française, notamment contre les chercheurs d'or illégaux et la criminalité violente, deux maux persistants de ce département d'outre-mer (DOM).

Une façon pour le chef de l'Etat, en visite à l'état-major de l'opération Harpie lancée contre l'orpaillage clandestin en 2008, de répondre aux critiques émises lundi sur ce thème par le candidat socialiste François Hollande, de passage en Guyane.

Un règlement de compte entre chercheurs d'or illégaux brésiliens a fait neuf morts vendredi, près de la frontière de ce DOM avec le Surinam, et illustré une escalade de la violence qui a coûté la vie à un militaire français en juillet 2010.

Quelque 1.100 gendarmes et soldats français sont mobilisés en permanence contre cette activité encouragée par l'explosion des cours de l'or, qui recourt à des réseaux complexes de sortie du métal précieux du territoire guyanais et de ravitaillement en nourriture, en carburant et en matériel.

Les responsables de Harpie évaluent à environ 5.000 le nombre de clandestins impliqués à tout moment en territoire guyanais, avec des acteurs de plus en plus déterminés et violents, désormais équipés d'armes de guerre, et causant d'importants dégâts à l'environnement.

En trois ans, le nombre d'actions lancées chaque année par les militaires français contre des chantiers illégaux a pratiquement doublé, passant de 2.322 en 2009 à 4.127 en 2011.

Lors de sa visite à l'état-major de Harpie, samedi après-midi, Nicolas Sarkozy a fait état d'une diminution des chantiers actifs, passés de 110 en 2008 à 80 fin 2010, et d'un recul des surfaces déforestées, de 560 ha en 2008 à 87 en 2010.

ORPAILLAGE ILLÉGAL CONTENU MAIS PAS ÉRADIQUÉ

Cette diminution des surfaces déforestées pourrait cependant aussi s'expliquer par la tendance des orpailleurs illégaux à exploiter désormais l'or primaire sans défricher, à l'abri de la canopée, pour échapper au repérage aérien.

De l'aveu des autorités françaises, si l'opération Harpie a permis de contenir le phénomène, elle est très loin encore de l'avoir éradiqué, malgré la saisie de tonnes de matériel.

"C'est 200 pirogues, 400 moteurs, 200 quads, 300.000 litres de carburant mais seulement 12 kilos d'or saisis chaque année, alors qu'on estime la sortie d'or illégal à cinq à dix tonnes par an", a dit à Reuters le préfet de Guyane, Denis Labbé.

"Cela prouve qu'il y a un flux continu de sortie de l'or illégal et qu'il nous faut affiner nos renseignements", a-t-il ajouté. "Nos opérations permettent de réduire le nombre de chantiers mais pas suffisamment et il faut arriver à mieux connaître certains circuits, notamment ceux de sortie de l'or."

Nicolas Sarkozy a demandé une intensification des opérations de renseignement et une accélération de la destruction des installations des orpailleurs clandestins - en grande majorité Brésiliens mais souvent entrés en Guyane par le Surinam - afin qu'ils n'aient plus le temps d'amortir leur matériel.

Le chef de l'Etat a aussi annoncé plusieurs mesures pour renforcer la lutte contre la délinquance, souvent très violente, dans ce territoire de 83.500 km2 et de plus de 220.000 habitants - augmentation de 20% du nombre de patrouilles dans les rues de Cayenne, doublement des effectifs des brigades anti-criminalité, envoi de 60 gendarmes supplémentaires, création d'une brigade de prévention de la délinquance juvénile, etc.

DUEL À DISTANCE

"J'espère que chacun va bien comprendre que nous ne sommes pas ici pour plaisanter", a dit Nicolas Sarkozy, qui était venu trois fois en Guyane lorsqu'il était ministre de l'Intérieur entre 2002 et 2007, et dont c'est la troisième visite dans ce département depuis qu'il est président de la République.

Il a fait valoir que les effectifs de la police avaient augmenté de 50% en Guyane depuis 2002 et ceux de la gendarmerie de 20%. Selon lui, la Guyane a un gendarme pour 450 habitants, hors opération Harpie et sécurité du centre spatial de Kourou, alors que la moyenne nationale est de un pour 1.000.

Nicolas Sarkozy, probable candidat à sa propre succession, a ainsi poursuivi son duel à distance avec François Hollande à trois mois de l'élection présidentielle.

Lors de son bref séjour à Cayenne, lundi dernier, le candidat du PS avait brocardé la politique du chef de l'Etat en matière de lutte contre l'insécurité.

"On vous a fait des promesses, je ne sais plus qui mais on va le retrouver", avait déclaré le dirigeant socialiste aux habitants d'un quartier défavorisé.

"J'ai entendu votre appel et vous n'aurez pas besoin de dix ans pour me retrouver et me demander ce que j'aurai fait", avait-il ajouté. "Nous l'aurons fait avant, avec vous, et nous mettrons tous les moyens nécessaires."