Hollande réussit son premier grand oral en mettant le cap à gauche

Par Ivan Best  |   |  743  mots
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Le candidat socialiste a répondu hier au Bourget à l'attente des militants socialistes avec un discours très offensif, axé sur l'égalité, l'Europe et la République. Sans jamais citer Nicolas Sarkozy, il a fait de la finance "son véritable adversaire" et a commencé à dévoiler son programme qui sera détaillé jeudi.

C'est peu dire que le discours prononcé par François Hollande, ce dimanche au Bourget, devant quelque 25.000 personnes, était attendu. Nombre de ses partisans, inquiets, attendaient qu'il entre enfin en campagne, qu'il se jette dans la bataille et qu'enfin, il « fende l'armure ». Il a plutôt réussi l'exercice, suscitant l'enthousiasme des militants en se positionnant clairement à gauche, s'affirmant avec force comme le candidat de l'égalité et de la jeunesse, dans la lignée des grands leaders de la gauche - un camp « choisi, aimé, rêvé avec François Mitterrand » - devant pas moins de quatre anciens Premiers ministres PS (Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Lionel Jospin, et Édith Cresson).

S'agissant des institutions, le député de Corrèze a rappelé ses engagements sur le droit de vote des immigrés aux élections locales, le non-cumul des mandats, l'introduction d'une dose de proportionnelle aux législatives ou la baisse de 30 % de la rémunération du président et des ministres.

Sur l'Europe, il s'est engagé à renégocier l'accord européen du 9 décembre dans le sens de la croissance, et à élaborer un nouveau traité franco-allemand « en janvier 2013 », cinquante ans après le traité de l'Élysée.

Bonus fortement encadrés

Dans le domaine économique, dans l'attente de la présentation officielle de son projet présidentiel, jeudi 26 janvier - qu'il commentera ensuite, face à Alain Juppé, dans l'émission « Des paroles et des actes », sur France 2 -, il a attaqué bille en tête par cette phrase qui n'a pu que faire chaud au coeur des militants socialistes, et au-delà de la majeure partie de l'électorat de gauche : « Mon véritable adversaire n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il gouverne [...], c'est le monde de la finance. » Et de promettre une « réforme bancaire » et des « premières mesures contre la finance » aussitôt que possible, sans doute avant les législatives de juin. Il s'est rallié à l'idée défendue par d'autres candidats aux primaires d'une séparation entre la banque de dépôts et la banque d'investissement dite spéculative. Les stock-options seront supprimées, sauf exception pour les nouvelles entreprises innovantes, tandis que les bonus touchés par les traders seront fortement encadrés. La présence des banques françaises dans les paradis fiscaux serait tout simplement interdite, de même que la distribution de produits financiers dits « toxiques ». S'agissant de la taxe sur les transactions financières, François Hollande a moqué le simple retour à l'impôt de Bourse que prévoirait l'actuel gouvernement, pour préconiser une taxe d'une ampleur beaucoup plus grande. François Hollande a repris là nombre de propositions de Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg, marquant ainsi son discours à gauche. L'idée beaucoup plus consensuelle de créer une banque publique d'investissement dédiée aux PME a été reprise, elle, à Ségolène Royal.

À gauche, toujours, enfourchant la thématique de l'égalité, François Hollande a promis d'imposer jusqu'à 45 % les revenus des foyers fiscaux au-delà de 150.000 euros (« et qu'on ne vienne pas me dire que je vise là les classes moyennes », a-t-il lancé), ainsi qu'un plafonnement des niches fiscales à 10.000 euros par foyer (lire aussi ci-contre). Un « tarif progressif » de l'eau serait instauré, comme il existe un tarif social pour le gaz.

En revanche, s'agissant des finances publiques, le candidat PS n'a pas cédé à son aile gauche sur la question du nombre de fonctionnaires. Même si 60.000 postes seront créés dans l'Éducation nationale, au total, celui-ci « n'augmentera pas », a-t-il déclaré, récusant l'argumentaire d'un Henri Emmanuelli qui craint la suppression de postes d'infirmières ou de policiers. Des suppressions de postes auront bien lieu dans certains ministères, mais François Hollande mettrait fin à la « règle aveugle » du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Quant au cadrage des dépenses, là aussi l'aile gauche sera déçue : « Les dépenses de l'État seront maîtrisées, toute nouvelle dépense sera financée par des économies et le nombre total de fonctionnaires n'augmentera pas », a déclaré le candidat PS. Bref, un redressement financier « indispensable » mais mené « dans la justice ». Pour autant, les conditions d'un retour à l'équilibre des finances publiques restent encore floues. Et c'est finalement sur le logement que le candidat socialiste s'est montré le plus précis, sauf sur le financement des mesures annoncées.