Sarkozy défend son tournant européen et annonce un impôt pour les exilés fiscaux

Par latribune.fr (source AFP)  |   |  1300  mots
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Nicolas Sarkozy a défendu lundi soir sur TF1 sa volonté de renégocier les accords de Schengen pour empêcher que l'Europe se transforme en "passoire" et a annoncé sa volonté d'alléger les charges pesant sur les artisans ainsi qu'un impôt pour les exilés fiscaux.

Au lendemain du grand "show" qui a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de ses partisans à de Villepinte, le président a défendu lors de l'émission "Parole de candidat", les ultimatums lancés à ses partenaires européens, qui ont suscité autant de critiques parmi ses rivaux à la présidentielle que de réserves sur le Vieux-continent. "J'ai toujours été un Européen convaincu (...) mais si nous avons voulu l'Europe c'est pour que l'Europe nous protège", a-t-il plaidé, "si nous avons voulu Schengen, c'est pour que l'Europe soit défendue, pas pour qu'elle soit une passoire. A partir du moment où Schengen ne fonctionne pas, il est normal que nous refondions Schengen".

Dans son discours dimanche, il avait menacé Bruxelles de suspendre sa participation à l'Europe de Schengen si les contrôles en cas d'immigration massive à ses frontières n'étaient pas renforcés d'ici un an et assuré que la France prendrait, seule, des mesures pour protéger les entreprises européennes si ses partenaires ne le faisaient pas. Interrogé sur ses critiques contre son rival socialiste qui veut renégocier le nouveau traité renforçant la discipline budgétaire, Nicolas Sarkozy a balayé les critiques en assurant que ça n'était "pas la même chose". "La demande de protection, c'est une demande de tous les Français", a insisté Nicolas Sarkozy, qui a répété sa volonté de réconcilier la France "qui croit dur comme fer à son identité" et celle "qui rêve du grand large".

Exonérer les artisans

Le camp du candidat socialiste François Hollande a accusé lundi, par la voix du porte-parole du PS Benoît Hamon, d'avoir voulu "parler aux électeurs du Front national" sur l'immigration. La candidate du FN Marine Le Pen a crié au double langage sur Schengen et celui du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon l'a accusé de s'être inspiré de son "principe de désobéissance à l'égard de l'Europe". Interrogé par un échantillon de Français, Nicolas Sarkozy a répondu aux critiques sur son bilan en matière de pouvoir d'achat en annonçant l'exonération des charges pour les artisans qui ne réalisent pas de chiffre d'affaires. "C'est 250 millions d'euros que nous allons financer par l'impôt minimum sur les grandes sociétés", a-t-il dit.

Et pour parer à celles qui, à gauche, le qualifient de "président des riches", il a proposé de lutter contrer la catégorie "particulièrement scandaleuse" de Français qui pratique l'exil fiscal, en créant un "impôt lié à la nationalité", précisant toutefois que cette mesure épargnerait les expatriés pour raisons professionnelles. Interpellé sur la hausse des prix de l'essence, le candidat de l'UMP s'est catégoriquement refusé à reprendre le projet de M. Hollande de bloquer les prix des carburants. "On ne peut pas me dire l'essence flambe (...) et en même temps casser l'industrie nucléaire", a-t-il répondu en référence au projet socialiste de réduire la part du nucléaire.

Le chef de l'Etat a été également pris à partie par un entrepreneur de 29 ans de Villiers-le-Bel (Val d'Oise) qui lui a reproché de véhiculer une image "négative" de la banlieue et a qualifié de "réchauffé" son plan de rénovation des banlieues. "On n'a pas le droit de minimiser l'effort d'un pays qui est un effort sans précédent pour les quartiers", lui a-t-il répondu, "la France n'a pas à être culpabilisée pour ce qu'elle fait". Le candidat a une nouvelle fois souhaité que Marine Le Pen ait ses parrainages pour pouvoir se présenter à l'élection présidentielle, ajoutant que si elle ne les avait pas, ce serait "un problème". Il a par ailleurs jugé "grotesque" un possible financement de sa campagne présidentielle de 2007 par Mouammar Kadhafi, évoqué par le site d'information Mediapart.

Après l'émission de TF1, Nicolas Sarkozy doit multiplier cette semaine les prestations médiatiques, jusqu'à l'entrée en vigueur de la règle de l'égalité du temps de parole entre candidats le 20 mars. Avec l'espoir de confirmer le mouvement révélé par un sondage Ifop-Paris Match-Fiducial publié lundi, qui le place à 0,5 point de François Hollande (28% contre 28,5%) au premier tour.

Un impôt pour les exilés fiscaux

Nicolas Sarkozy a également proposé lundi la création d'"un impôt lié à la nationalité" afin de cibler les exilés fiscaux, dont il a jugé la pratique "particulièrement scandaleuse". "Il y a deux catégories (...), les expatriés et les exilés fiscaux", a affirmé le président-candidat à l'émission "Parole de candidat" sur TF1. S'agissant de la seconde, "je souhaite que la fiscalité et la nationalité soient liées. (...) Nous allons appliquer ce qu'appliquent les Américains: un impôt lié à la nationalité". "Tout exilé fiscal qui est parti à l'étranger dans le seul but d'échapper à l'impôt français", a-t-il ajouté, "devra déclarer à l'administration française ce qu'il a payé comme impôt à l'étranger. Et si c'est inférieur à ce qu'il aurait payé sur les revenus de son capital en France, on lui fera payer la différence".

Il a souligné que n'étaient pas concernés par cette proposition les "expatriés qui participent de la puissance de la France et du rayonnement de la France". "Il y a deux millions de Français qui vivent à l'étranger, qui se battent, qui conquièrent des marchés", a-t-il enchaîné, évoquant également les fonctionnaires en poste à l'étranger. "Ces Français là, je ne veux qu'on touche en rien à leur statut fiscal et juridique. En rien", a-t-il proclamé.

Nicolas Sarkozy s'est en revanche insurgé à propos de "la deuxième catégorie, qui est particulièrement scandaleuse, et qui (...) pour certains d'entre eux aiment bien donner des leçons". "L'exilé fiscal, c'est celui qui veut rester Français pour la nationalité mais qui ne veut pas rester en France pour la fiscalité. J'ai tous les avantages mais aucun inconvénient!", a-t-il fait valoir. "Et bien, ils vont avoir une surprise", a prévenu M. Sarkozy. "Est-ce que c'est normal qu'on puisse avoir la nationalité française et s'exonérer de la fiscalité française, c'est profondément choquant", a-t-il par la suite répété.

Pas de déchéance de nationalité

Interrogée par l'AFP, la porte-parole du président-candidat, Nathalie Kosciusko-Morizet, a précisé qu'il ne s'agirait pas de faire "de déchéance de nationalité". "S'il ne paie pas, il est poursuivi par le fisc. (...) En revanche, s'il veut échapper à la mesure, il est bien sûr libre de prendre une autre nationalité".

Réagissant sur twitter, Jérôme Cahuzac, chargé du budget dans l'équipe de François Hollande, a raillé "deux amendements repoussés en 2011". "Et Nicolas Sarkozy improvise à la TV la taxation des exilés fiscaux de façon injuste!".

Par ailleurs, comme on lui faisait remarquer sur TF1 que le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, avait formulé une proposition similaire à la sienne, Nicolas Sarkozy a ironisé. "Et bien vous lui enverrez une petite carte de ma part", a-t-il dit avant d'ajouter: "Si M. Mélenchon est de cet avis, c'est plus gênant pour lui ou pour moi?". Le candidat du FG avait réaffirmé cette proposition dimanche sur France 5: "on fait comme les Américains (...). Qu'est-ce qu'ils font les Américains? Ils vont dans chaque pays et ils disent +donnez-nous la liste de nos ressortissants+". "Et à ce moment-là qu'est-ce qu'on fait? Aux ressortissants on leur dit vous payez les impôts, c'est normal, dans le pays où vous êtes. Mais vous faites une déclaration à votre pays d'origine et si vous deviez payer plus dans le pays d'origine, vous paierez dans votre pays d'origine".