Les économistes étrangers ne prédisent pas le chaos si Hollande est élu

Par latribune.fr (avec AFP)  |   |  705  mots
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Alors que la droite française prédit une avalanche d'attaques spéculatives sur la France en cas d'élection de François Hollande, les économistes étrangers, eux, sont moins catastrophistes. Si certains s'attendent à quelques turbulences si le candidat socialiste est élu, la plupart estiment que l'avion France ne se crashera pas.

Alors que la crise de la dette s'est rappelée au bon souvenir des candidats, la droite française y a vu un nouvel argument à saisir contre François Hollande. Depuis deux jours, les ténors de la majorité et le président-candidat lui-même agitent à l'envi le spectre d'attaques spéculatives sur la France dès le lendemain de l'élection si le candidat socialiste est élu. En cause : sa volonté de "renégocier" le pacte budgétaire européen pour y ajouter un volet en faveur de la croissance, et son intention d'atteindre l'équilibre des finances publiques en 2017, un an plus tard que promis par le président sortant.

Mais les économistes étrangers, eux, se montrent moins catastrophistes. Certes, une victoire de François Hollande pourrait causer des soubresauts sur les marchés, estiment-ils. Mais sans pour autant enfoncer l'euro dans le chaos comme le prédit la droite.

Des turbulences pendant quelques semaines

Parmi les économistes étrangers qui observent la campagne électorale française, certains s'attendent à quelques turbulences si le candidat socialiste est élu. Robert Halver, analyste chez Baader Bank à Francfort, prévoit ainsi une "baisse" de la Bourse de Paris et "éventuellement une fuite des investisseurs vers des marchés considérés comme plus stables". Mais "cela ne durera que quelques semaines", précise-t-il aussitôt à Agence France Presse (AFP). De même, Jörg Krämer, le chef économiste de la Commerzbank, juge qu'une victoire du socialiste figure "parmi les éléments qui pourraient déclencher une nouvelle phase d'incertitudes".

Ce n'est pas le désendettement qui inquiète les économistes. La plupart relèvent que M. Hollande a globalement fait siens les engagements de la France, hormis les analystes de Forex.com qui craignent qu'il fasse voler en éclats les règles budgétaires européennes. La surveillance de ses partenaires interdirait d'ailleurs à Paris de sortir des rails de l'austérité, expliquent les analystes de Citigroup.

Les économistes ne croient pas à un "clash" avec Angela Merkel

Ce qui préoccupe certains observateurs, c'est surtout la "renégociation" du traité européen promise par François Hollande. "Ce serait potentiellement perturbateur", prévient Deutsche Bank, tandis que Jörg Krämer redoute un bras de fer avec la chancelière allemande Angela Merkel. "Cela rend plus difficile la définition d'une vision commune de l'avenir de la zone euro par la France et l'Allemagne", estime cet économiste. "Or sans une telle vision, la crise de la dette ne peut être résolue", ajoute-t-il.

En réalité, la plupart des économistes doutent de la volonté du socialiste d'aller au "clash" avec Berlin. Jörg Krämer lui-même a noté que le candidat ne parlait plus de "renégocier" mais plutôt de "compléter" le traité. "Il ne rejette pas purement et simplement le pacte budgétaire mais veut l'amender avec des clauses sur la croissance", renchérissent les analystes de Citigroup. Selon eux, un compromis possible serait l'adoption d'un "protocole" ouvrant par exemple la porte, à terme, à des euro-obligations, mais "sans caractère contraignant".

Certains économistes séduits par les propositions de François Hollande sur la croissance

Outre ces "eurobonds" pour investir dans les infrastructures ou les énergies nouvelles, le candidat socialiste plaide pour une implication accrue de la Banque centrale européenne (BCE) dans la résolution de la crise, une "mobilisation exceptionnelle des fonds structurels" et des prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI). Et un tel projet séduit plusieurs économistes.

"Compléter le pacte budgétaire avec une initiative significative pour la croissance serait probablement positif", estiment les analystes de Deutsche Bank. Le Financial Times a appelé de ses voeux "une agenda de croissance pour la zone euro", jugeant "encourageant" l'appel du socialiste français. Le chef économiste d'Unicredit, Erik Nielsen, espère même que de cette initiative naisse un "nouvel et meilleur équilibre", avec l'Italie de Mario Monti, favorable à des mesures pour la croissance, invitée à rejoindre le directoire franco-allemand.

Depuis des décennies, affirme-t-il, les alternances politiques en Europe n'ont pas fait dérailler la construction européenne, et "il est peu probable que cela change, quel que soit le résultat de la présidentielle française".