Sarkozy paie sa gestion de la crise européenne

Par Robert Jules  |   |  632  mots
Copyright Reuters
En s'alignant sans l'assumer sur les positions de la chancelière allemande depuis le début de la crise en 2010, Nicolas Sarkozy n'a jamais réussi à déterminer une position claire et lisible pour les Français. L'aggravation de cette crise a largement profité aux partis anti-euro, et François Hollande a bénéficié de ses propositions en faveur de mesures de relance au niveau européen.

Lontemps ignorée en France, la crise européenne aura largement influencé la campagne présidentielle. Et d'une certaine façon aura pénalisé le président sortant.  Cette crise qui s'est installée à la fin de 2009 a rythmé depuis l'agenda de Nicolas Sarkozy durant une large part du quinquennat.

La fin de Merkozy

Le président sortant a eu beau ces derniers jours prendre ses distances avec l'orthodoxie allemande, cela n'aura pas suffi à convaincre. Ainsi, en exigeant une modification du rôle de la Banque centrale européenne (BCE), il n'a fait que s'aligner sur les positions de son adversaire François Hollande. La fin de « Merkozy » a d'ailleurs été ressentie comme l'aveu de l'échec du moteur franco-allemand, qui patinait depuis un certain temps. Nombre de capitales européennes, surtout depuis la désignation de Mario Monti à la tête du gouvernement italien, ont manifesté ces dernieres tant leur irritation sur cette gouvernance bicéphale, qui aura mené à transformer un problème de solvabilité pour la Grèce, qui représente 2% du PIB de la zone euro, en un danger pour la croissance économique mondiale. Après la république héllènique, l'Irlande et le Portugal sont sous oxygène financière de l'Europe et du FMI. Et demain l'Espagne pourrait suivre...

Une peinture affreuse de la situation

Le président sortant paie aussi son incapacité à s'adresser aux Français dans un discours clair et argumenté sur la position française sur la crise européenne. Au contraire, variant selon les moments, dramatisant à l'extrême certains conseils européens, annonçant régulièrement la sortie de la crise ou, au contraire, faisant à outrance une peinture affreuse de la situation, il n'aura fait que brouiller davantage la réalité de la crise, en n'arrivant pas à dire s'il souhaitait entamer une plus grande intégration dans l'Union européenne ou conserver une souveraineté totale dont se réclame une partie de son électorat.

Obsession du "spread" avec les taux allemands

Paradoxalement, son volontarisme n'aura que difficilement masqué son alignement sans état d'âme sur la politique de Berlin. Obnubilée par le « spread », l'écart entre les taux allemand et français (à 10 ans), Paris souhaitait en continuant à pouvoir emprunter à un taux faible réduire progressivement ses déficits publics et et éviter ainsi une politique brutale d'austérité. Nicolas Sarkozy l'a souvent répété, prenant l'exemple de la Grèce et de l'Espagne comme repoussoirs. Ce pari a échoué.

En effet, cette stratégie suiviste à l'égard d'une Allemagne, qui poursuit son propre chemin de leader de la zone euro, s'est fracassée avec la perte du triple A, la meilleure note pour les marchés. Même si ces derniers avaient depuis un certain temps intégré cette dégradation, la dramatisation de la défense politique de ce fameux triple A s'est retournée contre le président.

La crise a fait tomber les gouvernements en place

Résultat, les Français ont eu la perception d'une situation plus alarmante que ce qui était dit. Comme l'a montré la campagne, les candidats ouvertement hostiles à la zone euro et à la gestion de la crise ont fait une percée, à gauche comme à droite. En proposant une rénégociation du statut de la BCE et des traités, et en relançant des initiatives européennes en faveur de la croissance, François Hollande a bénéficié d'un climat général penchant vers cette option au niveau international en n'hésitant pas à s'affronter à la changelière Merkel

Enfin, on pourra également souligner que cette crise a fait tomber tous les gouvernements en place : Irlande, Portugal, Espagne, Grèce, Italie, les Pays-Bas, samedi. La France démentira-t-elle cette série dans quinze jours? Rien n'est moins sûr.