Industrie : Sarkozy n'a pas fait mieux...ni pire que ses prédecesseurs.

Par Fabien Piliu  |   |  983  mots
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Parce qu'il n'aura pas su endiguer les destructions de postes et mettre un terme au creusement quasi continu du déficit commercial, le président sortant présente un bilan peu avantageux en matière industrielle. Mais celui de Jacques Chirac n'était pas plus brillant, loin s'en faut.

En période électorale, l?heure est toujours aux bilans. Dans le registre économique, le déclin de l?industrie française et l?impérative réindustrialisation furent dans la bouche de la quasi-totalité des candidats du premier tour. Des thèmes qui devraient  encore alimenter les débats jusqu?au 6 mai. Pour Nicolas Sarkozy, c?est évidemment avec un angle prospectif que le sujet devrait être évoqué. Les initiatives prises depuis 2007, telles que le doublement du crédit impôt recherche, les investissements réalisés dans le cadre du Grand emprunt, du Fonds stratégique d?investissement, la création des filières stratégiques, devraient, espère-t-il, porter leurs fruits lors du prochain quinquennat et permettre le redressement de l?industrie tricolore fortemement marquée par la crise. Il y a urgence : en 2008 et 2009, l?industrie a détruit au total 358.000 emplois, selon le Trésor.

Tous les coups sont permis dans le débat électoral

Même si le programme économique de François Hollande contient un certain nombre de mesures pour relancer l?industrie, communes d?ailleurs à celles mises en oeuvre par le gouvernement actuel (livret d?épargne industrie, banque de l?industrie..), le candidat socialiste devrait assez logiquement pointer du doigt le bilan de Nicolas Sarkozy en la matière. C?est de bonne guerre. Nicolas Sarkozy n?avance-t-il pas systématiquement le passage en 2000 aux 35 heures hebdomadaires pour expliquer le décrochage de l?économie française par rapport à ses concurrentes ? Un argument qui lui permet en partie de se dédouaner et de ne pas assumer le manque de résultats en la matière lors du quinquennat.

L'industrie a perdu sa place dans la hiérarchie gouvernementale

Mais les arguments avancés par les deux camps sont-ils convaincants ? Pas réellement. Pour deux raisons. La première : l?industrie ne fait plus réellement partie des préoccupations majeures des chefs de gouvernement depuis bien longtemps. Ainsi, entre 1997 et 2007, l'Industrie a été adjointe simplement au ministère de l?Économie et des Finances, par décision de Dominique Strauss-Kahn. Elle fut alors confiée à des ministres délégués ou à des secrétaires d?État dont la tâche consistait essentiellement à expédier les affaires courantes.
Et à partir de 2007 ? L?Industrie a été dans un premier temps détachée auprès du ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables puis confiée à Luc Chatel en mars 2008 qui voyait alors sa fonction de secrétaire d'État, chargé de la Consommation et du Tourisme élargie. Il faudra attendre le 23 juin 2009 pour que l?industrie retrouve enfin une place significative avec la création d?un ministère délégué à l?industrie confié à Christian Estrosi.
 

63% des destructions d?emplois  entre 2000 et 2007 liées à la concurrence internationale

Un véritable contrôle par l?Etat de la politique industrielle de la France aurait-il permis de limiter la casse pendant les années 2000 ? Peut-être, d'autant que c?est pendant cette période que l?offre française a commencé à souffrir de la montée en puissance des pays émergents. Un exemple : évaluée à moins de 1% en 1980, la part de marché de la Chine dans le commerce mondial avait bondi à 5,1% en 2002 selon une étude du CEPII. Elle s?élève aujourd?hui à 12%. Selon une étude du Trésor, 63% des destructions d?emplois observées entre 2000 et 2007 ont été le fait de la concurrence internationale.

Reste que les ministres de l?Industrie de plein droit en poste dans les années 80 et 90 ? notamment Laurent Fabius en 1983, Alain Madelin en 1986, DSK en 1991, Gérard Longuet en 1993 - n?ont pas non plus fait des miracles. Ils n?ont pas su anticiper et prévenir le déclin du made in France, qui a commencé dès le début des années 80, pensant sans doute que les succès engrangés alors par l'automobile et l'aéronautique étaient éternels. Un déclin qui s?est traduit par une chute de l?emploi industriel depuis trois décennies. Celui-ci représentait 5,3 millions de personnes en 1980,  3,8 millions en 2002, 3,4 millions en 2007 et 3,3 millions aujourd?hui. 

Malgré l'absence de crise majeure, l'industrie a plus souffert lors du  quinquennat de Jacques Chirac

Un déclin qui s?est surtout accéléré lors du quinquennat de Jacques Chirac. Entre 2002 et 2007, le nombre d?exportateurs a chuté, passant de 107.000 à 98.000. Ils sont 95.000 aujourd?hui. Le taux de couverture des importations par les exportations a perdu 10,5 points, de 101% à 90,5 % entre 2002 et 2007 pour tomber à 86% en 2011.Sur la même période, le taux d?autofinancement des entreprises a reculé de près de 25 points, pour atteindre 60,8% en 2007. Il tutoie péniblement les 72% aujourd?hui. Quant à la balance commerciale, elle était excédentaire à hauteur de 2,6 milliards d?euros en 2002 et déficitaire de 52 milliards cinq ans plus tard?.
Ce désintérêt apparent de l'éxécutif pour l'industrie n'explique bien évidemment pas tout. De nombreux éléments peuvent en effet être avancés pour expliquer la perte de vitesse du made in France qui s?est traduit par un déficit commercial de 69,6 milliards d?euros en 2011, record qui devrait selon toutes probabilités être battu dans un avenir proche. Parmi les éléments les plus couramment cités par les économistes et les organisations patronales, on peut citer le niveau élevé des prélèvements obligatoires, la rentabilité insuffisante des entreprises, les relations déséquilibrées entre fournisseurs et donneurs d?ordre, l?existence de seuils sociaux contraignants, ? . Selon une étude dévoilée ce mardi par Eurostat, l?office européen des statistiques, le coût du travail a bondi de 39,2%, entre 2001 et 2011 pour s'établir à 34,2 euros par heure travaillée. A titre de comparaison, il n?a progressé que de 19,4% en Allemagne, le principal concurrent de la France en zone euro pour s?élever à 30,1 euros.