Dépenses publiques : quand Hollande et Sarkozy convergent...

Par Ivan Best  |   |  848  mots
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Pour revenir à l'équilibre des comptes publics, Nicolas Sarkozy serait prêt à couper dans les dépenses, tandis que François Hollande ne ferait qu'augmenter les impôts. Ce sentiment, largement partagé, ne correspond pas aux engagements des deux candidats à l'élection présidentielle

Le diagnostic semble évident : pour redresser les finances publiques, François Hollande a choisi les hausses d?impôts, tandis que Nicolas Sarkozy opte pour des économies sur les dépenses. Tellement évident que ce « constat » a été répété au cours du débat de mercredi soir. Un diagnostic qui s?impose d?autant plus facilement qu?il colle à l?image couramment admise de socialistes volontiers taxeurs, « dépensophiles et étatolâtres », comme avait pu dire Laurent Fabius pour fustiger ce travers, alors que la droite actuelle serait prête à faire reculer l?Etat, en coupant dans ses dépenses. Ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati résume le sentiment commun, dans un texte publié par le site internet Huffington Post. « La différence la plus notoire entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, c'est sans doute ce qu'il préconise pour un retour à l'équilibre budgétaire : Nicolas Sarkozy veut poursuivre la réduction des dépenses publiques sans entamer le pouvoir d'achat, alors que François Hollande propose l'impôt ».

Un contraste à relativiser
A voir les programmes de François Hollande et Nicolas Sarkozy, un tel contraste entre les deux candidats mérite d?être sérieusement relativisé. S?agissant des impôts, d?abord. Les deux candidats annoncent une progression des prélèvements obligatoires, jusqu?en 2016. Le président sortant les ferait passer de 44,6% du PIB en 2012 à 45,8% en 2016 (+1,2 point), selon la programmation des finances publiques que son gouvernement vient de transmettre à Bruxelles. François Hollande retient un chiffre plus élevé (46,9%), mais basé sur d?anciennes données: il pourrait être révisé à a baisse. Le candidat PS table sur une hausse de 1,8 point des prélèvements.

La hausse est donc plus élevée que celle de Nicolas Sarkozy, mais les deux prévoient bel et bien d?augmenter les impôts. Si Nicolas Sarkozy affiche moins de mesures fiscales synonymes de hausses d?impôt, c?est notamment parce qu?il table sur une hausse spontanée des prélèvements obligatoires : la croissance retrouvée serait accompagnée de fortes recettes fiscales, la progression de celle-ci dépassant celle du PIB, estiment les experts proches du candidat UMP.

Hollande programme une vraie restriction des crédits publics
Et les dépenses publiques ? Les journalistes qui, menant le débat mercredi soir, espéraient obtenir des précisions sur ce point, sont restés sur leur faim. Contrairement à une idée reçue, donc, François Hollande table aussi sur des économies budgétaires. « La dépense n?augmentera pas de plus de 1% par an » a-t-il confirmé mercredi, soulignant que « sous votre direction (celle de Nicolas Sarkozy, ndlr), pendant cinq ans, la dépense publique a augmenté de 2% ». De fait, la pente naturelle de la dépense publique en France, compte tenu du vieillissement de la population, des dépenses maladie? c?est une croissance de 2% ou plus en volume ?une fois l?inflation déduite-, chaque année. Ramener cette progression à 1% l?an suppose, déjà, des économies importantes : cela signifie aller au-delà des restrictions pratiquées pendant le quinquennat Sarkozy, ce dont peu d?électeurs de gauche ont vraiment conscience. Bien évidemment, François Hollande ne s?appesantit pas sur ces efforts, forcément douloureux, qu?il entend programmer. Et, contre toute attente, Nicolas Sarkozy n?a pas vraiment tenté, mercredi soir, de le mettre en difficulté sur ce terrain.
Le candidat PS compte bien, en tous, cas, diminuer de 2,6 points, le poids de la dépense publique dans le PIB d?ici 2017. Celle-ci représentait 55,9% de la richesse nationale en 2011.

Sarkozy veut aller encore plus loin
Nicolas Sarkozy veut aller plus loin. Pour diminuer de 4 points cette dépense, et la ramener à 51,9% du PIB en 2017, il a l?intention de limiter à 0,4% la progression annuelle des crédits de l?ensemble des administrations. « C?est impossible » dénoncent les experts socialistes. Il va « casser la protection sociale ». Un discours à relativiser ? La marche que François Hollande dit vouloir franchir, entre la tendance spontanée de la dépense (+2% l?an) et son programme (+1%), est plus grande que celle qui le sépare de Nicolas Sarkozy (+0,4%). Croire que le candidat socialiste appartient au club des « dépensophiles » , c?est donc se tromper lourdement, si l?on se fie à son programme.

Sarkozy en dit plus sur les économies à venir

Nicolas Sarkozy a, cependant, mieux documenté les économies à venir, qui atteindraient 40 milliards d?euros. Il compte économiser 7 milliards d?euros sur les dépenses de personnel et pas moins de 16 milliards sur les dépenses de fonctionnement et d?intervention de l?Etat, dont un gel des subventions aux collectivités locales. 13 milliards seraient aussi économisés sur l?assurance maladie, en maintenant la progression des dépenses à 2,5% (soit une quasi stabilisation en euros constants).
François Hollande ne dit pas, en revanche, comment il baissera de deux points la proportion de la dépense dans le PIB. En tout état de cause, cette baisse contribuerait autant à la réduction du déficit que la hausse des prélèvements obligatoires.