Pour Hollande, la croissance passe par Berlin

Par Robert Jules, avec AFP  |   |  807  mots
Angela Merkel / Photo Reuters
François Hollande l'a confirmé dans son premier discours, sa première visite sera pour la chancelière Angela Merkel, signifiant que l'axe franco-allemand reste vital pour l'Europe. Berlin se dit prêt à travailler avec le nouveau président français, notamment sur des initiatives en faveur de la croissance.

Comme il l'avait annoncé lors de sa campagne s'il était élu, François Hollande réservera sa première visite à la chancelière allemande Angela Merkel, "au nom de l'amitié", a indiqué le nouveau président dans son premier discours. Selon Jean-Marc Ayrault, qui a déjà fait le voyage à Berlin la semaine dernière, il comptait appeler la chancelière dans la soirée. Dès le résultat connu, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a qualifié "d'événement historique" l'élection de François Hollande comme nouveau président, lors d'une courte visite à l'ambassade de France à Berlin. Convaincu d'avoir un "partenariat étroit" avec la France, Guido Westerwelle a déclaré: "nous nous réjouissons de notre coopération."

Continuité de l'axe franco-allemand

Le nouveau président de la République française souhaite d'ailleurs accélérer la passation de pouvoirs avec Nicolas Sarkozy - la date du 15 mai est avancée - pour pouvoir rapidement se mettre au travail. Ce choix traduit la volonté d'assurer la continuité et la solidité de l'axe franco-allemand.

Berlin avait d'ailleurs ces derniers jours multiplié les déclarations appelant à des initiatives en faveur de la croissance en Europe, comme le réclamait durant sa campagne le candidat socialiste. "Nous allons nous mettre rapidement au travail pour ajouter au traité budgétaire un pacte de croissance pour plus de compétitivité", a ainsi assuré dimanche le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, dans un entretien au Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.

Sommet européen les 23 et 24 juin

De son côté, le président du conseil européen, Herman Van Rompuy, avait indiqué vendredi qu'il envisageait « une réunion avec les dirigeants de l'UE, une réunion informelle, à la fin de ce mois, début du mois prochain, consacrée une nouvelle fois à la croissance et à l'emploi".

Dans la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung également, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a toutefois précisé : "La stratégie de l'Union européenne comporte depuis le début deux piliers pour maîtriser les deux origines de la crise: la réduction des déficits et les réformes pour améliorer la compétitivité qui fait défaut, et ainsi créer de la croissance". Il y a une semaine, Angela Merkel avait affirmé qu'un agenda concernant la croissance était en préparation pour le sommet européen des 23 et 24 juin, tout en avertissant qu'il n'y aurait "pas de nouvelles négociations sur le traité budgétaire".

Financer des investissements dans les infrastructures

François Hollande veut renégocier le traité budgétaire européen, signé par 25 des 27 pays de l'UE en mars et principal instrument pour mettre un terme à la crise de la dette en zone euro, pour y adjoindre un volet de mesures de soutien à la croissance, portant notamment sur le financement au niveau européen de grands projets industriels et environnementaux. Pour cela, les quatre axes de son "mémorandum" semblent avoir été retenus dans un esprit de compromis. Il s'agit de financer des investissements dans les infrastructures, les énergies nouvelles ou l'industrie, par plusieurs biais: emprunts européens ad hoc, capacité de financement renforcée de la Banque européenne d'investissement, mobilisation des fonds structurels inutilisés et taxe européenne sur les transactions financières.

Ces propositions, en souffrance à Bruxelles, "pourraient bénéficier d'un nouvel élan avec l'élection de Hollande ", estime un diplomate européen, cité par l'AFP. "Le problème le plus complexe, c'est la forme juridique que devront prendre ces projets", estime-t-on dans l'entourage du président élu. Difficile pour lui de se contenter d'une déclaration d'intention ou d'un protocole non contraignant. "Les incertitudes devront être levées le plus rapidement possible, y compris pour rassurer les marchés", glisse-t-on de même source.

Plusieurs points de controverses

D'autres points controversés pourront ressurgir par la suite. François Hollande n'a pas totalement écarté l'idée de conférer un rôle accru à la Banque centrale européenne ou de mutualiser les dettes via des euro-obligations, deux projets dont Berlin refuse d'entendre parler. Mais le nouveau président devra faire preuve de beaucoup de force de persuasion auprès de la chancelière allemande qui gère la crise européenne depuis le début et doit faire face à une opinion publique très réticente à contribuer financièrement à aider les pays membres de la zone euro en difficultés.

En outre, la chancelière va devoir affronter les urnes en 2013 pour décrocher un nouveau mandat. Au-delà de l'agenda européen, François Hollande se rendra les 18 et 19 mai au sommet du G8 à Camp David (Etas-Unis) puis les 20 et 21 mai au sommet de l'Otan à Chicago : dans les deux cas, il s'agira d'aborder le délicat dossier du retrait des soldats engagés en Afghanistan.