Retraite : le gouvernement évite les largesses

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  844  mots
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales Copyright Reuters (Crédits : REUTERS)
Selon le décret examiné mercredi 6 juin en Conseil des ministres, les mères de famille et les chômeurs pourront "valider" deux trimestres supplémentaires pour bénéficier du dispositif "carrières longues" qui permet un départ anticipé à la retraite à 60 ans. Le gouvernement estime que cette réforme, qui honore une promesse du candidat Hollande, aura un coût limité à 3 milliards d'euros au lieu des 5 milliards initialement prévus. En conséquence, la hausse des cotisations "retraite" pourrait être deux fois moins élevée que prévu.

C'est fait. L'une des promesses du candidats Hollande vient de trouver une traduction dans les faits. De fait, le projet de décret ramenant à 60 ans l'âge de départ à la retraite pour les personnes ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans et ayant cotisé au moins 41 ou 41,5 (166 trimestres) annuités, selon l'âge, a fait l'objet d'une communication lors du Conseil des ministres du 6 juin. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gouvernement a joué la retenue, n'accordant que quelques largesses en direction des mères de famille et des chômeurs. Le nouveau dispositif sera applicable à compter du 1er novembre prochain. Globalement, il reprend - en l'élargissant à de nouveaux publics - le dispositif "carrières longues", initié en 2003 et confirmé par la réforme des retraites de 2010.


Le dispositif "carrières longues" de 2003


Concrètement, jusqu'ici, les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans pouvaient continuer de partir à la retraite à 60 ans (et non 62 ans à terme) si elles avaient cotisé le nombre d'annuités nécessaires (augmenté de huit trimestres). Le décret de 2003 précise bien que ces annuités s'entendent par des périodes travaillées et cotisées auxquelles s'ajoutent, éventuellement, les périodes de service militaire (dans la limite de quatre trimestres), de maladie et de maternité (dans la limite de quatre trimestres également).

Dès lors, pour honorer la promesse de François Hollande d'étendre le bénéfice de ce dispositif aux personnes ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans, le gouvernement avait le choix entre une extension pure et simple du dispositif "carrières longues" à ces nouveaux publics ou bien en profiter pour bouger quelques paramètre et corriger quelques injustices constatées. C'est la deuxième option qui a été choisie mais sans excès.


Deux trimestres de chômage et de congés maternité désormais pris en compte


Ainsi, pendant plusieurs semaines, les discussions ont porté sur le fait de savoir s'il fallait également prendre en compte dans le calcul des annuité des périodes "validées" mais non " cotisées" , par exemple celles passées au chômage. Le gouvernement a tranché, désormais, deux trimestres de chômage pourront être pris en compte dans le calcul des durées de cotisation permettant d'accéder au dispositif "carrière longue". "Cela va permettre d'améliorer le sort de chômeurs âgés de longue durée" estime Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites à la CFDT.

Idem pour les mères de famille. Désormais, celles-ci pourront valider deux trimestres de congés maternité qui s'ajouteront donc au quatre trimestres pouvant déjà être validés au titre des arrêts maladie et/ou des arrêts maternité et/ou des arrêts pour accidents du travail dont peuvent déjà bénéficier tous les assurés.... Donc aussi les hommes. Autre adaptation réalisée : pour partir en retraite anticipée avec le dispositif "carrières longues", il ne sera plus nécessaire d'avoir cotisé huit trimestres de plus que le nombre de trimestres obligatoires.
A noter que ces nouvelles dispositions profiteront à l'ensemble des régimes de retraite (salariés du privé, commerçants et artisans, salariés et exploitants agricoles, professions libérales) ainsi qu'aux fonctionnaires. Bien entendu, pour ces derniers, les mesures feront l'objet d'un financement spécifique totalement indépendant de celui régissant le privé.


Le coût de la réforme finalement estimé à 3 milliards d'euros


Résultat, cette réforme devrait bénéficier à environ 110.000 personnes, selon les nouvelles données du gouvernement qui, initialement tablait - un peu au doigt mouillé il est vrai - sur 150.000. Son coût, selon Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, serait de 1,1 milliard d'euros en 2013 pour atteindre ensuite 3 milliards en 2017... contre 5 milliards préalablement prévus. Aussi, à ce stade, pour financer la mesure, il n'est pour l'instant formellement prévu qu'une augmentation des cotisations sociales retraite de 0,1 point pour les salariés (ce qui représente 1,40 euros par mois au niveau du Smic) et de 0,1 point pour les employeurs en 2013 . Initialement, le gouvernement comptait reconduire cette augmentation chaque année jusqu'à la fin du quinquennat. Soit, in fine,  une hausse globale de 1 point de la cotisation vieillesse.

Ce n'est plus certain, la ministres des Affaires sociales estime même que la hausse pourrait être divisée par deux, soit 0,5 point (0,25 entreprise et 0,25 salarié). " Si c'est le cas, précise Philippe Pihet, responsable des retraites à FO, cela va nous aider et nous donner de l'air pour adapter les régimes complémentaires Arrco et Agirc à la nouvelle donne ". Concrètement, cela signifie que la moindre augmentation des cotisations retraite pour le régime de base sera "compensée" par une augmentation des cotisations aux régimes complémentaires... Ce qui ne manque pas d'inquiéter le Medef qui craint, d'une part, une dégradation de la compétitivité et, d'autre part, qui s'inquiète du surcoût que la réforme va entraîner pour le régime Agirc (retraite complémentaire des cadres) déjà en difficulté.