Auto-entrepreneurs : les pistes d'une réforme

Par Fabien Piliu  |   |  858  mots
Copyright Reuters
Le dispositif est actuellement évalué par Sylvia Pinel, la ministre déléguée chargée de l'Artisanat et du Commerce. Les enjeux de la réforme sont multiples. Ce sont les artisans du bâtiment qui se considèrent les plus pénalisés par cette concurrence qu'ils jugent déloyale.

En attendant les résultats de l?évaluation du régime social de l?auto-entrepreneur actuellement en cours, le gouvernement phosphore pour modifier, sans le menacer, un dispositif qui a séduit près de 1,1 million de personnes depuis le 1er janvier 2009, date de son entrée en vigueur. En résumé, le régime social de l?auto-entrepreneur permet aux salariés appartenant au privé mais aussi aux fonctionnaires, aux chômeurs, aux retraités et aux étudiants de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus. Les démarches administratives sont très simplifiées et le régime fiscal est avantageux.
 

Les enjeux sont multiples

Pour Sylvia Pinel, la ministre déléguée chargée de l'Artisanat et du Commerce qui, conformément au souhait du candidat Hollande, a promis d?aménager ce dispositif, la tâche n?est pas si simple. Les enjeux sont en effet multiples, notamment au niveau social puisque sur les 750.000 auto-entrepreneurs actuellement actifs, 300.000 environ sont inscrites à Pôle Emploi. « Si le régime devait devenir contraignant au point de désinciter ses bénéficiaires ou les personnes qui s?y intéressent actuellement au chômage, ce serait pour eux un retour à la case départ. Et les retours en arrière ne sont pas bons », explique Cyrille Darrigade, le vice-président de la Fédération des Auto entrepreneurs (FEDAE). Toujours sur le plan social, l le régime permet dans beaucoup de cas de fairer survivre le « travailler plus pour gagner plus », la facturation annuelle étant en moyenne de 8.500 euros,
Sur le plan financier, un changement peut aussi se révéler risqué. Sans parler de poule aux oeufs d?or, la version actuelle du régime social a au moins le mérite de ne rien coûter et de permettre à l?Etat d?engranger chaque année environ 1 milliard par an de recettes: 650 millions de contributions sociales et 350 millions de recettes fiscales.
 

Faire la chasse aux abus

Afin de tenter de contrôler le destin du régime, les associations qui défendent les intérêts des auto-entrepreneurs ont déjà pris les devants. « Il ne faut pas être dogmatique. Ce régime fonctionne bien mais il peut être amélioré. Il faut limiter tous les abus, notamment ceux qui entravent le droit du travail lorsqu?un employeur demande à quelqu?un de devenir auto-entrepreneur pour ne pas avoir à payer les charges sociales », explique François Hurel, « l?inventeur » du régime et président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE) qui avait déjà formulé en janvier six propositions pour réformer le dispositif.

On peut notamment citer la proportionnalité de la cotisation foncière des entreprises (CFE) avec prélèvement à la source, le développement de l'accompagnement, l?obligation de souscrire à 'une assurance responsabilité civile professionnelle... « Il ne faut surtout pas opposer les auto-entreprises et les entreprises, l?intérêt général en dépend », résume François Hurel qui rappelle que 22% des auto-entreprises deviennent des entreprises classiques.
La FEDAE n?est pas en reste, notamment sur le sujet de la formation. Elle suggère à la ministre de rendre obligatoire l?adhésion des bénéficiaires du dispositif à l?une des deux associations existantes pour assurer un suivi et un contrôle permettant d?éviter les dérives au même titre que la plupart des professions libérales qui sont rattachées à des ordres professionnels. Une proposition que le cabinet de Sylvia Pinel aurait écoutée d?une oreille très attentive.
 

Les artisans du bâtiment espèrent beaucoup

Au regard de ces éléments, quelles sont les pistes probables de réforme ? Sachant que ce sont essentiellement les artisans, et en particulier ceux appartenant au secteur du bâtiment, qui plaident pour une modification du régime, considérant qu?il introduit une concurrence déloyale, il est assez probable que la réforme se concentre sur ces activités.
Trois scénarios sont envisageables. Le premier pourrait être l?exclusion du secteur de la construction du champ d?activité de l?auto-entreprise, comme le sont la plupart des professions réglementées. « Peut-on imaginer un médecin ou un avocat auto-entrepreneur ? », s?interroge Alain Griset, le président de l?Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM). « Pourtant, si un auto-entrepreneur construit une maison, sa reponsabilité est énorme », poursuit-il. La deuxième option : mettre les auto entrepreneurs et les chefs d?entreprises classiques sur un pied d?égalité au niveau réglementaire, social et fiscal. Toutefois, on imagine mal le gouvernement accorder une exonération de TVA, dont bénéficient les auto entrepreneurs, aux entreprises du bâtiment. La limitation dans le temps du régime ? un ou deux ans ? serait la troisième option envisageable. Mais, comme tous les compromis, il ne satisferait pas tout le monde. « A quoi servirait de contraindre quelqu?un qui est au chômage et qui veut se lancer ou quelqu?un qui veut simplement améliorer l?ordinaire en valorisant sa passion ? », s?interroge François Hurel.