La BPI, un cannibale ?

Par Fabien Piliu  |   |  784  mots
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La présentation en Conseil des ministres de la Banque publique d'investissement (BPI) suscite des inquiétudes au sein de ses filiales. Que restera-t-il d'Oseo? du Fonds stratégique d'investissement (FSI)? Par ailleurs, les tensions entre l'Etat et la Caisse des dépôts risquent de fragiliser la nouvelle structure.

La BPI sera-t-elle cannibale? Moins d'une semaine après la présentation en Conseil des ministres du projet de loi instituant la Banque publique d'investissement (BPI), ses futures filiales (OSEO, le Fonds stratégique d'investissement [FSI] et FSI Régions, CDC Entreprises), ne se sont toujours pas remis du choc.

En interne, l'inquiétude est de mise depuis la lecture de la troisième partie du document présentant la BPI, intitulée «L'organisation, l'actionnariat et la gouvernance de la banque publique d'investissement», partie dans laquelle l'exécutif décrit avec précision les mécanismes décisionnels de la future structure.

Après avoir précisé que «la création de la BPI organisera conjointement l'ensemble des dispositifs publics d'accompagnement des entreprises, ce qui supprimera progressivement les incohérences qui peuvent parfois être constatées dans les zones d'intervention frontières entre deux entités [CDC Entreprises et FSI par exemple] ou entre l'action de l'Etat et des Régions» -ce qui devrait permettre de mettre fin aux querelles récurrentes de clochers entre tous ses acteurs-, le document détaille les prochaines méthodes de fonctionnement de la BPI «constituée d'une compagnie financière holding et de filiales qui correspondent à ses différents métiers».

L'omnipotence de la holding inquiète

«La compagnie financière holding sera chargée de fixer les orientations stratégiques du groupe après avis du comité national d'orientation; d'exercer le contrôle interne et le contrôle des risques; d'assurer le secrétariat général pour l'ensemble du groupe; de diriger les ressources humaines du groupe; d'évaluer les interventions des filiales; de veiller à l'optimisation de l'allocation de ressources entre les différentes entités du groupe; de piloter et d'animer le réseau régional au profit de l'ensemble du groupe; de mutualiser l'expertise sur les filières, de mettre en ?uvre les études et prospectives en lien avec le comité national d'orientation ;de piloter les relations institutionnelles, extérieures et la communication. Les filiales seront chargées de la mise en ?uvre opérationnelles des différents métiers, dans le respect de la gouvernance de chacune d'elles».

«Concrètement, la BPI vide Oseo de sa substance car elle n'aura plus la main sur ses moyens, sur ses choix en matière d'investissement. On aurait pu penser que la holding élabore la stratégie de long terme de la BPI, laissant l'opérationnelle aux mains de ses filiales. Il n'en est rien», regrette une source proche du dossier. Pour le FSI, les conséquences sont relativement moins importantes. Son portefeuille de participations ne devrait pas évoluer. En revanche, la BPI pourrait piocher dans son portefeuille de liquidités.

Une plus grande fluidité ?

Dans ce même document, l'exécutif précise que «cette organisation permet une grande fluidité dans l'organisation de la BPI et assure la cohérence de ses interventions tout en garantissant une séparation claire des chaînes hiérarchiques d'engagement concernant les outils de financement en haut et bas de bilan, séparation elle-même nécessaire pour éviter les conflits d'intérêts». Est ce un v?u pieux? «Comment voulez-vous accélérer les choses lorsque vous allongez la chaîne de décision. C'est absolument impossible, à moins d'un miracle», précise une autre proche du dossier. Outre le conseil d'administration de la BPI, les Régions, qui présideront le comité d'orientation, auront en effet leur mot à dire.

Jean-Marc Ayrault désavoué

Autre problème de taille, la structure même de la BPI. Parce qu'elle est détenue à égalité par l'Etat et la CDC, la BPI ne pourra pas lever d'argent sur les marchés aux mêmes conditions qu'Oseo. «C'est le b.a. ba que tout banquier connaît. Lorsque deux frères se présentent devant un banquier pour solliciter une demande de prêt pour leur entreprise commune, celui-ci applique automatiquement une majoration du taux d'emprunt. Parce que les affaires familiales sont parfois compliquées, les banques prennent des précautions d'usage pour limiter les risques».

Au regard des relations entre l'Etat et la CDC, il y a de fortes chances que les marchés aient le même réflexe qu'un banquier classique. Dans ce dossier, il faut bien avoir à l'esprit que le premier ministre Jean-Marc Ayrault a été désavoué. Quelques semaines avant la présentation de la BPI, il avait indiqué que l'Etat détiendrait 51% du capital de la BPI et la CDC 49%. Il avait aussi précisé que seule la partie dédiée aux PME du FSI devait être intégrée à la BPI. Or, la totalité du FSI a été incorporée à la nouvelle structure.