Tout comprendre à l'affaire Cahuzac

Par latribune.fr avec AFP  |   |  795  mots
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L'affaire du compte suisse non-déclaré de Jérôme Cahuzac, le ministre délégué au Budget secoue le gouvernement depuis plusieurs semaines. Retour sur les éléments qui permettent de comprendre les tenants et les aboutissants de l'affaire.

Accusé par Mediapart d'avoir détenu un compte bancaire secret en Suisse, le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac s'en est constamment défendu mais reste sur la sellette. Tour d'horizon des protagonistes, des enjeux et des questions en suspens de cette affaire:

Les protagonistes

- Jérôme Cahuzac: pièce maîtresse du gouvernement, il a défendu avec brio le premier budget du quinquennat. Mais ce chirurgien de 60 ans qui a fait fortune dans les implants capillaires est accusé par Mediapart d'avoir détenu un compte bancaire en Suisse, ce qu'il dément formellement.

- Mediapart: le site d'investigation a dégainé le 4 décembre. Selon son enquête, Jérôme Cahuzac a eu un compte "non déclaré" à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève, clôturé en 2010 et dont les avoirs ont été déplacés à Singapour. Le ministre socialiste a porté plainte pour diffamation.

- Michel Gonelle et Jean-Louis Bruguière: le principal élément présenté par Mediapart est un enregistrement que dit détenir, depuis douze ans, l'avocat Michel Gonelle, ex-rival politique de Jérôme Cahuzac dans le Lot-et-Garonne. Dans cette conversation, un homme, présenté comme étant l'actuel ministre du Budget, évoque son compte chez UBS. Michel Gonelle laisse entendre que la bande a été donnée à Mediapart par un autre ancien opposant du ministre, l'ex-juge Jean-Louis Bruguière, qui affirme avoir "détruit" cet enregistrement sans l'avoir écouté.

- Rémy Garnier: cet ex-agent du fisc a rédigé en 2008 un mémoire accusant Jérôme Cahuzac, entre autres choses, d'avoir un compte caché en Suisse. Son avocat est Michel Gonelle.

Jérôme Cahuzac peut il rester au gouvernement ?

"Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger. Ni maintenant, ni avant". Par ce démenti solennel, le 5 décembre devant les députés, Jérôme Cahuzac s'est privé de tout échappatoire: s'il est prouvé qu'il a menti devant la représentation nationale, il sort du gouvernement. Qui se verrait privé d'un de ses piliers, dont la virtuosité budgétaire et l'aisance oratoire font l'unanimité à gauche comme à droite. La présidence, en rapportant vendredi avoir été contacté par Michel Gonelle et lui avoir recommandé de communiquer ses éléments à la justice, n'a exclu de facto aucune hypothèse. Michel Gonelle assure n'avoir "jamais reçu de consigne de l'Elysée".

La Suisse et le secret bancaire

Le ministre s'est finalement résolu à demander à UBS de certifier qu'il n'a jamais détenu de compte auprès de cette banque. Mais pour l'instant, il n'a fait qu'une démarche anonyme, se bornant à demander, par le biais d'un avocat, si la banque est en mesure, en règle générale, d'apporter une telle réponse. UBS lui a répondu par la négative, mais la question était semble-t-il mal posée. "Si la demande est formulée officiellement par la personne à la banque, alors c'est bien possible", a affirmé à l'AFP un porte-parole d'UBS. Selon des spécialistes, Jérôme Cahuzac doit demander à la banque s'il a détenu un compte auprès d'elle, et pas de certifier l'absence de compte.

Le volet fiscal

Mediapart affirme qu'une enquête est parallèlement menée par le fisc, qui soupçonne le ministre, selon le site, d'avoir sous-évalué d'au moins 10% le montant de son appartement parisien et pris en compte un prêt parental en fait déjà remboursé.

La direction générale des finances publiques (DGFIP), sous la tutelle de Bercy, a assuré en réponse que seul un "examen de la situation fiscale des membres du gouvernement" était "en cours", "comme c'est l'usage".

De quoi est saisie la justice ?

Jérôme Cahuzac a déposé deux plaintes en diffamation contre Mediapart. L'une a donné lieu à une enquête préliminaire, purement formelle. L'autre entraîne automatiquement la nomination d'un juge sans que celui-ci n'enquête sur le fond.

Aucune enquête judiciaire n'est ouverte sur une éventuelle fraude fiscale mettant en cause le ministre. Dans ce type de dossier, seul Bercy est compétent pour saisir la justice.

Médiapart en première ligne

Edwy Plenel, directeur du média en ligne, assure ne pas avoir enregistré de hausse brutale des abonnements depuis le 4 décembre. "Ceux qui disent que Mediapart a sorti l'affaire pour faire de l'audience se trompent de procès", estime-t-il, soulignant que le site est bénéficiaire depuis deux ans.

Mediapart s'était distingué lors de l'affaire mettant en cause la milliardaire Liliane Bettencourt et l'ex-ministre UMP Eric Woerth. Le site "pose des questions d'intérêt public" qui concernent "aussi bien des personnalités politiques de gauche que de droite", affirme Edwy Plenel.