Jeunes entrepreneurs : ils sont de plus en plus nombreux à tenter l'aventure

Par Perrine Créquy  |   |  1013  mots
(Crédits : DR)
Ce lundi 2 juin, à 19 heures, au Grand Rex à Paris, se tiendra la finale du Prix "La Tribune" Jeune entrepreneur. Une manifestation visant à encourager les jeunes à se lancer dans cette aventure. En effet, conséquence du chômage et de la difficulté à trouver un CDI, la création d'entreprise par les jeunes a la cote, après une première expérience professionnelle ou dès la sortie de l'école. Cette tendance pousse les grandes écoles à innover, ainsi que les universités et le gouvernement. Et les métropoles s'efforcent d'attirer chez elles cette jeunesse créative et audacieuse.

Proposer des lunettes de vue de correction moyenne, fabriquées sur place en vingt minutes, pour 9,99 euros, soit «un prix cinq fois inférieur aux plus bas du marché», c'est le pari de l'association Lunettes pour tous, qui a ouvert sa première boutique sur 300 m2 au coeur de Paris, jeudi 22 mai. Cette entreprise disruptive (40 salariés) a été fondée fin novembre 2013 par Paul Morlet, un Lyonnais de 24 ans, qui n'en est pas à son coup d'essai : voici trois ans, il a lancé Lulu Frenchie, une société de lunettes personnalisées devenue le leader européen des lunettes publicitaires.

Comme lui, de plus en plus d'entrepreneurs n'attendent pas le nombre des années pour se lancer, avec des idées, l'audace et l'insouciance de la jeunesse. Et qu'importe si ces enfants de la crise économique n'ont pas un sou en poche au démarrage. Le statut d'auto-entrepreneur même dans la version plafonnée définie par la ministre de l'Artisanat, Sylvia Pinel, et entérinée en février dernier - permet de tester son marché sans avoir à engager de frais.

Et quand les affaires commencent à bien marcher, que le niveau de chiffre d'affaires encaissé nécessite le passage au statut de société, un capital social minimal de 1 euro suffit, selon la loi Dutreil de 2003. Le numérique allège les investissements initiaux, notamment les coûts d'installation et d'hébergement d'une activité commerciale.

Cette génération de jeunes entrepreneurs a grandi connectée, avec les réseaux sociaux. C'est donc très naturellement que ces startuppers imaginent des nouvelles applications mobiles et des services innovants via Internet.

Avec de nouveaux usages et de nouvelles façons de créer de la valeur. Pionniers en France dans ce secteur, Francis Nappez, Nicolas Brusson et Frédéric Mazzella ont fondé en 2006 la plate-forme de covoiturage Blablacar. Ils avaient alors 27, 29 et 31 ans. Ils avaient acquis de premières expériences professionnelles au sein de grands groupes, et Frédéric Mazzella avait même été chercheur pour la Nasa en Californie. Comme eux, la plupart des jeunes qui entreprennent se lancent après quelques années d'expérience professionnelle salariée. Certains souhaitent valider et compléter leurs compétences au sein de grands groupes, avant d'oser franchir le pas de la création. Pour quelques-uns, il s'agit de se frotter à la réalité du marché afin d'affiner leur projet d'entreprise. D'autres enfin se lancent faute de pouvoir développer leurs projets chez leur employeur, en raison de conflits hiérarchiques ou de coupes budgétaires.

« L'entrepreneuriat, ça se pratique !»

Le chômage - qui touche un jeune sur quatre en France, voire un sur deux dans certains territoires - et les emplois précaires contribuent aussi à faire naître des vocations. Plutôt que d'attendre l'inversion de la courbe du chômage ou un CDI, les jeunes diplômés profitent des aides publiques à la création d'entreprise. Un exemple parmi d'autres, Pôle emploi oriente les allocataires âgés de 18 à 32 ans qui désirent monter leur boîte vers le dispositif Créa'Jeunes que l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) a lancé en 2007. Cinq mille deux cents jeunes en ont déjà bénéficié.

Leur démarche est aussi facilitée du fait qu'ils ne sont plus seuls face à leur projet. Des écosystèmes ont émergé dans les principales villes. Des réseaux dédiés animés par des entrepreneurs aguerris épaulent les néo-entrepreneurs avec leurs conseils et leurs carnets d'adresses, pour les aider à démarrer vite et bien, et pour voir grand. Tous les entrepreneurs vous le diront : l'entrepreneuriat ne s'apprend pas dans les livres, ça se pratique. De quoi expliquer aussi l'émergence d'une centaine d'incubateurs au sein de l'enseignement supérieur ces dernières années : impossible désormais de faire l'impasse sur les velléités entrepreneuriales de leurs étudiants. Les écoles de commerce, d'ingénieurs et les grandes universités rivalisent d'ingéniosité pour attirer ces talents : elles leur proposent des cours à la carte, des masters dédiés, invitent les anciens élèves devenus entrepreneurs à partager leur expérience. Ainsi, Ismaël Le Mouël, fondateur de HelloAsso, diplômé de Polytechnique, donne des cours à l'X.

« Les étudiants qui aspirent à devenir entrepreneurs trouvent désormais des ressources au sein de l'École. À mon époque, en 2008, il n'existait rien de tout cela, et les aspirants entrepreneurs passaient pour des originaux», confiet-il.

L'École Centrale de Paris a créé son incubateur dès 2001, et produit aujourd'hui autant d'entrepreneurs à succès que les grandes écoles de commerce, comme HEC ou la dynamique EM Lyon qui accompagne aussi vers l'entrepreneuriat des jeunes sans diplôme, en partenariat avec la Ville de Lyon.

La création d'entreprise dès la sortie de l'école a aujourd'hui le vent en poupe. À tel point que la ministre de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, avait annoncé en octobre dernier l'instauration d'un statut d'étudiant-entrepreneur, pour faciliter la création de 20 000 entreprises en quatre ans. Depuis que la loi a entériné le droit de créer une entreprise individuelle pour les mineurs, en juin 2010, ce sont plus de 150 « collégiensentrepreneurs » qui lancent leur activité chaque année.

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>>> Découvrez les 35 finalistes nominés pour le Prix La Tribune des Jeunes Entrepreneurs

Trente-cinq d'entre eux, aux idées «détonnantes», ont reçu leur sésame pour la finale nationale, dans leur secteur d'activité : l'Industrie, les services, le numérique, le social business, le green business et «Start» pour ceux qui se lancent. Ce concours gratuit est accessible aux entrepreneurs de moins de 36 ans qui ont fondé leur activité en France et réalisent plus de 100.000 euros de CA.

Les grands gagnants recevront leurs prix ce soir au Grand Rex à Paris.