Montebourg dénonce les conséquences de la faiblesse française face à l'Allemagne

Par Ivan Best  |   |  729  mots
L'ex ministre de l'Economie dénonce l'alignement de François Hollande sur les postulats économiques de la droite allemande. Cette faiblesse conduit à un " vaste suicide" affirme-t-il. Il prévoit 800.000 chômeurs supplémentaires sur l'ensemble du quinquennat, la croissance n'atteignant jamais 1,6%

« François Hollande a été élu sur le programme de la gauche française, or il applique le programme de la droite allemande ; il y a un effet d'écart qui explique largement la montée du Front national ».

Arnaud Montebourg ministre a toujours a été assez libre de parole, il l'est évidemment encore plus aujourd'hui alors qu'il n'a plus de responsabilité gouvernementale, et qu'il va d'ailleurs abandonner prochainement son dernier mandat électoral, celui de Conseiller général.

A l'occasion d'un débat organisé par le CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), auquel participait également l'économiste Michel Aglietta, l'ex ministre a dit tout le « bien » qu'il pensait de le la politique économique menée en France, et plus généralement au sein de la zone euro. Ainsi que Michel Aglietta, qui souligne que «partout dans le monde, les économistes, les institutions disent leur incompréhension des politiques menées au sein de la zone euro depuis 2010 », Arnaud Montebourg évoque le témoignage de ses collègues étudiants à l'Insead -des managers du monde entier-, où il suit actuellement un cursus : tous avouent leur perplexité face à  la « stratégie européenne » qui mène à la « stagnation séculaire ».

"Vaste suicide"

Cette stratégie, Arnaud Montebourg la résume en deux mots : « un vaste suicide ». Pour Montebourg, le monde entier se trouve en situation de croissance, il « est sorti de la crise », -ce qui est à l'évidence un peu exagéré, à voir par exemple la situation japonaise- à l'exception unique de la zone euro. Et si l'Europe est au plus mal, c'est en raison « d'erreurs grossières » de politique économique.

« Les dirigeants ont fait disparaître la question du chômage du champ de l'action publique, ils sont obsédés par la réduction du déficit public. Or plus de chômage, c'est plus de déficit. Malgré cela, tout le monde dit qu'il faut continuer dans cette voie. »

Réorienter l'Europe

La France aurait-elle pu réorienter la politique européenne ? Oui, estime l'ancien ministre.

« François Hollande a été élu sur la renégociation des traités européens, or il n'a demandé que le report de deux ans de leur application, en échange d'un plan d'investissement de 120 milliards d'euros. Et qu'a-t-on vu de ce plan ? 250 millions d'euros en tout et pour tout. Car ce plan a été géré par le Banque européenne d'investissement, qui a pour seul objectif de conserver son triple A.  Le problème, c'est que nous n'avons cessé d'intérioriser à l'excès la vision de l'économie de la droite allemande (qui n'est pas celle de toute l'Allemagne, Angela Merkel ne représente que 40%), vision partagée par la commission de Bruxelles. Une vision purement idéologique, défendue en France par le gouvernement et par quelques éditorialistes qui tournent en boucle. Or, sur le plan de la diplomatie européenne, nous avons les moyens de nous faire entendre, l'Italie serait notamment prête à nous soutenir,  nous ne sommes pas obligés de nous aligner sur les postulats délirants de la CDU."

800.000 chômeurs de plus sur l'ensemble du quinquennat

« Le résultat » de cette faiblesse de Paris « on le voit aujourd'hui, avec toute la démocratie bruxelloise qui tombe sur la France, accusée de ne pas tenir ses objectifs » affirme Montebourg. Et bien sûr une montée du chômage. Selon Arnaud Montebourg, le nombre de chômeurs pourrait augmenter de 800.000 sur l'ensemble du quinquennat.

"Pour inverser la courbe du chômage, il faudrait 1,6% de croissance. Nous ne les obtiendrons pas d'ici la fin du quinquennat, et même après si nous ne changeons pas la politique européenne"

 La conséquence de cette situation sociale dramatique, c'est l'envolée du Front national, bien sûr. Et, dans tous les pays de la zone euro, la montée des partis qui rejettent la construction européenne.

Le CICE mal ciblé et source de gaspillage

 Quant à la politique industrielle de François Hollande, Arnaud Montebourg, qui y a largement contribué, ne peut évidemment la fustiger aussi directement. Mais il ne se prive pas de dénoncer le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui « aurait dû être beaucoup plus ciblé sur l'industrie, au lieu d'être saupoudré comme c'est le cas aujourd'hui, et qui aurait pu du coup coûter moins cher ».