L'art impossible en France de la prévision budgétaire réaliste

Par Pierre-François Gouiffès  |   |  495  mots
Depuis 1997, toutes les prévisions indiquent un retour à l'équilibre budgétaire qui ne se produit jamais
La dégradation de la note de la France par Fitch ratings confirme une fois de plus les difficultés que connaît la France pour réduire ses déficits. Et sa tendance à surestimer la croissance...

Une brève histoire de la prévision dé déficit 2015 de la France : de -1 % à -4,1 %

Fitch a procédé vendredi 12 décembre à la dégradation de AA+ à AA de la note de la France, pendant que l'agence maintenait la note AA+ du Royaume-Uni par exemple. En réaction à cette information, le ministère des finances et des comptes publics a rappelé avoir « récemment revu à la baisse le déficit public prévu pour 2015 (de 4,3% à 4,1% du PIB) et pour les années suivantes ». Cette réduction du déficit avait effectivement été annoncée le 3 décembre dernier.

C'est un redressement louable, mais il est utile de le comparer aux prévisions successives de déficit : la France rend public et transmet à l'Europe depuis deux ans des prévisions de déficit 2015 dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance de 1997 (PSC) puis du traité budgétaire européen de 2012. On constate ainsi que la prévision de déficit 2015 est passée de -1% à -4,1%, donc la prévision la plus récente de déficit en proportion du PIB est tout simplement quatre fois supérieur à la prévision initiale faite trente mois avant.

Quinze ans de traditions de sur-optimisme budgétaire

En la matière il n'y a pas spécificités pour les trois gouvernements responsables de ces prévisions (les gouvernements Fillon, Ayrault & Valls) : depuis que le pacte de stabilité existe, on constate de façon quasi rituelle la surestimation importante et systématique de la croissance de l'économie française, ce qui induit par effet domino la surestimation des recettes publiques et donc du solde budgétaire à dépenses publiques globalement rigides à court terme. Depuis 1997, toutes les prévisions indiquent un retour à l'équilibre budgétaire qui ne se produit jamais : cet équilibre budgétaire est donc virtuel car il constitue un horizon fuyant qu'on peut seulement affirmer à moyen terme comme l'a indiqué de façon laconique en septembre 2014 le Haut Conseil des Finances Publiques :

« L'ambition initiale des précédentes lois de programmation en termes de redressement structurel des finances publiques n'a pas été réalisée. Les trajectoires de solde structurel ont été rapidement et régulièrement révisées dans les textes financiers et les programmes de stabilité ultérieurs, bien avant le terme de la loi de la programmation en vigueur ».

Mais le sujet de l'exécution budgétaire est au moins aussi important que la prévision en ce qui concerne la crédibilité du gouvernement. Hélas également, l'exécution des derniers budgets n'incite pas à l'optimisme, avec des écarts substantiels entre le déficit projeté dans la loi de finances et le solde final.

Il y a donc un travail énorme de reconquête de crédibilité budgétaire tant vis-à-vis de l'opinion publique que de nos partenaires européens et de nos prêteurs.