50 milliards d’économies : l’instant Valls

La politique de Manuel Valls s'annonce d'ores et déjà comme une politique de rupture en matière de gestion des déficits publics. Décryptage...
Manuel Valls a brisé un tabou avec ses 50 milliards d'économies annoncés. Mais saura-t-il tenir ses engagements ? | REUTERS

Manuel Valls a été nommé Premier ministre le 31 mars 2014 par François Hollande et a eu le privilège des deux premières présentations du plan d'économies de 50 milliards, d'abord lors de sa déclaration de politique générale le 8 avril puis à l'issue du conseil des ministres le 15.

Plus généralement, on peut considérer que ses premiers jours constituent un moment tout à fait singulier de l'histoire récente des finances publiques françaises, sonnant la fin de l'époque des déficits apparemment indolores de « l'âge d'or des déficits ». L'instant Valls qui suit sa prise de parole du 16 avril combine instant des tabous brisés, instant européen et instant de politique intérieure.

 

L'instant des tabous levés

C'est effectivement le moment de tabous brisés dans le discours, moment particulièrement remarquable car il émane d'une équipe gouvernementale de gauche. Certes de nombreux commentateurs critiquent le caractère encore très général des 50 milliards d'économies : peu d'information sur les réformes en face des économies, bouclage financier entre économies et baisses de charges et d'impôts promises à plus ou moins long terme. Il n'est demeure pas moins que le discours du 16 avril permet la verbalisation de trois non-dits ou dénis particulièrement forts.

Réévaluation - à la baisse - de la place de la France dans l'Europe et dans le monde d'abord : Manuel Valls a ainsi indiqué que « nous devons retrouver notre souveraineté » et « casser cette logique de la dette qui, progressivement, sournoisement, est en train de nous lier les mains », à savoir la reconnaissance implicite de l'isolement stratégique français et l'impératif de l'adaptation du pays à son environnement.

Zones d'économies de dépenses ensuite : en confirmant le gel du point d'indice pour les fonctionnaires et en décidant la non revalorisation des prestations sociales, le Premier ministre met sur la table la désindexation des deux principaux postes de dépenses publiques, le système de protection sociale (un tiers du PIB), notamment les pensions de retraite durablement épargnées, et les rémunérations des agents publics (13% du PIB). Certes certains raillent la dimension « rabot » d'une telle approche en lieu et place de « réformes structurelles », mais le discours du 16 avril met en haut de la pile les vrais gros montants des budgets publics.

Gouvernance publique et organisation administrative enfin : le discours de Manuel Valls du 16 avril a été concomitant de la remise à François Hollande du rapport Malvy-Lambert « pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l'engagement de chacun » et enfonce le clou sur l'impératif de réorganisation de la gouvernance territoriale affirmé lors du discours de politique générale : suppression de la clause générale de compétence, division par deux du nombre de régions, disparition à terme des exécutifs départementaux.

 

L'instant européen

L'instant Valls correspond ensuite à une réappréciation de la situation réelle de la France dans le concert européen. Si la France a pu très longtemps s'appuyer sur ses importants acquis - pays fondateur de l'Union européenne et de la zone euro, deuxième économie de la zone euro, puissance réelle et symbolique du couple franco-allemand - et a pu jouer encore via le binôme Merkel-Sarkozy un rôle central dans la gestion de la crise de la zone euro de 2010-2012, le pays se trouve désormais isolé face à la lassitude de ses partenaires devant des engagements budgétaires français toujours remis au lendemain.

Elle est aujourd'hui coincée entre Europe du Nord autour de l'Allemagne et Europe du Sud, sans oublier les traités successifs. Ainsi les ex PIGS semblent avoir retrouvé quelques couleurs et peuvent par exemple de nouveau se financer sur les marchés. A ce titre, le match France-Italie semble particulièrement stratégique au regard de la taille relativement comparable des 2ème et 3ème économies de la zone euro (21% et 17% du PIB), sachant que les évolutions récentes sont clairement favorable à nos voisins transalpins qui ont des déficits 2013 et 2014 clairement inférieurs à 3% à la différence de la France, ce que n'a pas manqué de constater le président néerlandais de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem pour qui des règles différentes doivent être appliquées aux deux pays.

Bref la France est plus « supervisée » que jamais par ses partenaires européens. Il n'est pas anodin que le gouvernement français ait rappelé à plusieurs reprises son engagement de 3% de déficits en 2015 après quelques déclarations contradictoires en amont, Manuel Valls ayant rappelé le 16 avril que « tenir ses engagements, c'est la base de la crédibilité et de la confiance ». Affaire à suivre.

 

L'instant politique

L'instant Valls a également des conséquences politiques fortes. Sa posture ne va pas sans difficultés et opposition ouverte de la part de la partie gauche de la majorité présidentielle de 2012 braquée contre « l'austérité », terme qui reste tabou dans le discours économique français. Outre le Front de Gauche, Europe Ecologie les Verts est sorti du gouvernement et a prévu de ne pas voter le plan d'économies de 50 milliards. Quant à l'aile gauche du PS, elle ne semble pas se satisfaire des concessions faites par Manuel Valls (pas de remise en cause des créations d'effectifs dans les ministères prioritaires, perspective d'un gain de pouvoir d'achat pour les salariés au SMIC) et plusieurs de ses membres dénoncent abandon du paradigme budgétaire keynésien et désindexations des prestations sociales. On arrive donc à une situation inédite de cohabitation entre le parti majoritaire et le gouvernement, incarné par le plan d'économies alternatif proposé par certaines députés PS et notamment la nouvelle rapporteure générale du budget.

Sur le front de l'opinion publique, le Premier ministre semble avoir réussi sa prise de fonction eu égard à l'opinion publique et la présentation du plan d'économies reçoit même un bon assentiment si l'on en croit un sondage récent BVA-iTélé, sans écarts majeurs entre sympathisants de droite et de gauche. L'instant Valls, c'est aussi de bons sondages pour le moment.

La fin du mois d'avril va permettre de voir comment se poursuit cet instant Valls, avec deux étapes précises : la présentation dans quelques jours du plan d'économies par le ministre des finances et des comptes publics Michel Sapin puis l'envoi des perspectives budgétaires pluriannuelles de la France à des partenaires européens s'intéressant désormais de très près au « patient français ».

 

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Commentaires 6
à écrit le 11/05/2014 à 10:13
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Vous etes des incapables messieurs Valls et Hollande, faire payer par les retraités, qui ne sont donc plus dans la vie active, le redressement des entreprises, c'est une trahison.

à écrit le 23/04/2014 à 18:41
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Il veut mettre le doigt où

à écrit le 22/04/2014 à 13:19
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Où sont les 50 milliards d économie ? Il s agit d un report sur les collectivités locales et la Sécu. Les collectivités locales augmenteront les Taxes foncières et d habitation. Et la Sécu sera reporté sur les mutuelles. Le Contribuable paiera donc...

le 22/04/2014 à 19:46
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Sur les mutuelle? Ce serait bien pour nous sa risque surtout de ne plus être remboursé !

le 09/05/2014 à 8:36
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"Il s agit d un report sur les collectivités locales et la Sécu"....en même temps si on dit qu'on baisse les dépenses publiques pour tendre vers l'annulation du déficit (80Ge) sans toucher à la sécurité sociale (plus de 600Ge) et aux collectivités lo...

à écrit le 22/04/2014 à 12:50
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Un ideologique cette vision de la part d'un intervenant vacataire à l'iep.

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