Chômage : François Hollande est au pied du mur

Par Fabien Piliu  |   |  1158  mots
François Hollande et Manuel Valls sont-ils d'accord sur les solutions permettant de réduire le chômage ?
En novembre, le nombre de demandeurs d'emplois a une nouvelle fois progressé. Au regard des perspectives de croissance de l'économie française, le président de la République peut-il seulement compter sur une éventuelle reprise pour réduire le chômage et conserver ainsi une chance de rester au pouvoir en 2017 ?

Il y a un an, le suspense était à son comble. Au bord de la crise de nerfs, les Français attendaient désespérément l'inflexion de la courbe du chômage promise par François Hollande, le président de la République, et son gouvernement. En dépit de la dégradation de la conjoncture, l'exécutif entretenait l'espoir jusqu'au bout. Le miracle n'a donc pas eu lieu. La crédibilité de l'Élysée, de Matignon et du ministère du Travail alors dirigé par Michel Sapin souffre encore aujourd'hui de cet entêtement risqué.

En 2014, aucun pari n'a été tenté. Le gouvernement s'en est bien gardé, et il a eu raison. Faute d'une reprise franche de l'activité, le marché de l'emploi n'a pas cessé de se dégrader et le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A vole toujours de record en record.

Ce fut le cas en novembre. Comme en octobre, le nombre de personnes sans emploi en catégorie A en France métropolitaine a augmenté de 0,8 % selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), le service statistique dépendant du ministère du Travail. Concrètement, 27.400 personnes supplémentaires se sont donc inscrites à Pôle emploi. Sur un an, ce nombre s'accroît de 5,8 %.

Dans les autres catégories, la tendance est certes moins forte, mais elle témoigne néanmoins de l'impuissance de l'État pour résorber le chômage.

"Le nombre de personnes exerçant une activité réduite courte (catégorie B) diminue de 0,1 %, et celui des personnes en activité réduite longue (catégorie C) baisse de 0,5 %. Au total, le nombre de demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi (catégories A, B, C) augmente de 0,4 % (+22.100) en novembre. Sur un an, il augmente de 6,0 %", indique la DARES.

Au total, en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables, plus de 6,17 millions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi dans les catégorie A, B, C, D et E en France et dans les départements d'outre-mer.

Si une petite reprise de l'activité est envisagée en 2015, une augmentation vigoureuse des embauches est malheureusement une illusion. L'activité est trop faible pour absorber les 800.000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, d'autant plus que les sureffectifs restent importants. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) les estiment à 250.000 actuellement.

Parier une nouvelle fois sur la reprise est risqué

Dans ce contexte, les partisans d'un big-bang sur le marché de l'emploi pourraient continuer à avancer leurs pions et se faire davantage entendre par l'exécutif. Parce qu'il sait que son bilan en matière de lutte contre le chômage sera le seul qui vaille pour les électeurs lors des prochaines élections présidentielles, François Hollande pourra-t-il rester insensible à leurs arguments et continuer à miser sur le retour de la croissance ?

Nul ne le sait encore. Toujours est-il que le chef de l'État est face à un dilemme. Quelle stratégie pourrait lui permettre de conserver le pouvoir en 2017 ?

Deux options s'offrent à lui. Soit il continue à parier sur un retour de la croissance et sur les effets des nombreuses mesures lancées depuis 2012 pour inciter les entreprises à embaucher. Citons notamment le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), l'Accord national interprofessionnel (ANI) et les allégements de cotisations que prévoit le Pacte de responsabilité ou encore l'accompagnement renforcé des demandeurs d'emplois annoncé mercredi par François Rebsamen, le ministre du Travail, lors de la publication des statistiques mensuelles du chômage en novembre.

Au gouvernement, la réforme a ses partisans

Soit il donne son feu vert au gouvernement pour réformer le marché du travail en profondeur au risque de trahir - ou de donner l'impression de trahir - certains idéaux de gauche.

Dans son gouvernement, les velléités réformatrices de certains de ses ministres sont connues. A plusieurs reprises, Manuel Valls, le Premier ministre, a déclaré qu'il voulait réformer le marché du travail. Ce fut notamment le cas de lors d'un déplacement à Londres début octobre. Le Premier ministre avait déclaré qu'il fallait aller plus loin en la matière, en remettant à plat les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emplois, c'est-à-dire en diminuant la durée d'indemnisation et le montant des allocations chômage pour inciter les demandeurs d'emploi à reprendre le travail. Cette réforme pourrait être débattue en en 2016, lors de la renégociation de la convention assurance-chômage.

Un contrôle accru des chômeurs est également évoqué. Début septembre, François Rebsamen, le ministre du travail, a déclaré sur iTELE qu'il allait demander à Pôle emploi de "renforcer les contrôles" pour vérifier que les chômeurs "cherchent bien un emploi ". Sans surprise, ces propositions - identiques à celles que Laurent Wauquiez, l'ex-secrétaire d'État à l'emploi de François Fillon, avait faites en 2008 - ont fait bondir l'aile du gauche du Parti socialiste.

Les digues sautent

On sait également que l'avant-projet de loi pour la croissance et l'activité porté par Emmanuel Macron, le ministre de l'Économie, qui sera débattu le 22 janvier au Parlement contenait dans un chapitre dédié le résultat de la négociation en cours entre le patronat et les syndicats sur le dialogue social en entreprises et, notamment, la question des seuils sociaux. Dans ce chapitre, devaient aussi figurer des évolutions possibles de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 relatif à « la sécurisation de l'emploi », transformé en loi en juin 2013 ainsi que des accords dits « de maintien de l'emploi ».

Ce chapitre a disparu. Attendu à la fin du mois, le résultat de la négociation en cours sur le dialogue social serait repris dans une loi autonome portée par François Rebsamen a annoncé Manuel Valls lors du Conseil des ministres du 10 décembre. Il a également annoncé qu'il "réunirait à Matignon en janvier les partenaires sociaux pour voir ensemble quelles améliorations nous pouvons apporter ".

Opportunément, des rapports sur le sujet se multiplient. Remis le 27 novembre à Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel, son homologue allemand, le rapport Pisani-Ferry/Enderlein suggérait ainsi de réformer l'aménagement du temps de travail en ne limitant pas les accords "de maintien de l'emploi " aux seules entreprises "rencontrant de sévères difficultés économiques". Ils préconisent que ces accords puissent être également ouverts à des entreprises pas encore en difficulté mais qui pourraient en rencontrer. Il s'agirait, là aussi, de pouvoir geler les salaires et/ou augmenter la durée du travail.

Bref, le sujet n'est plus tabou, même si, un peu gêné aux entournures, l'exécutif ne sait comment s'y prendre pour convaincre la majorité et l'opinion publique - notamment les électeurs de gauche - de la nécessité de réformer l'un des principaux piliers du modèle social français.