Une marée humaine. Compacte, dense, presque "impossible" à évaluer précisément, selon les propres mots du ministère de l'intérieur. Pour une fois, il n'y aura pas de polémique entre le comptage officiel « selon les organisateurs » et « selon la police ».
Ils étaient au moins 1,5 million de personnes (1,2 à 1,6 selon le dernier décompte) à avoir marché ce dimanche 11 janvier à Paris pour rendre hommage aux victimes des attentats qui ont fait 17 morts la semaine dernière dans la capitale au cours de l'attentat contre Charlie Hebdo. Si on y ajoute les 2 millions voire plus de personnes qui se sont mobilisés en province, au lendemain d'une journée qui avait déjà vu 700.000 manifestants marcher dans toute la France, ce sont entre 3,7 et 4 millions de Français, de toutes origines et de toutes confessions, qui se sont rassemblées dimanche dans tout le pays pour dire non au terrorisme, non à l'antisémitisme, affirmer leur attachement à la laïcité et à la liberté d'expression, et refuser tout amalgame entre la religion musulmane et les fous meurtriers qui ont tué au nom du fanatisme islamique.
Le plus gros rassemblement depuis 1998
A l'évidence, il s'agit de la plus importante manifestation jamais connue en France depuis la victoire des Bleus lors de la coupe du monde en 1998 (voir encadré), qui avait réuni 1,5 million de personnes le 13 juillet 1998 dans un contexte très différent. Ce 11 janvier 2015 entrera donc dans l'histoire et offre la plus belle réponse que la France pouvait donner après avoir vécu pendant trois jours une tension extrême au rythme de l'attaque terroriste contre Charlie Hebdo (12 morts), de la prise d'otage contre l'hypermarché kacher de la porte de Vincennes (4 morts), et de la traque des auteurs de cette semaine sanglante.
La présence d'une cinquantaine de personnalités dont les principaux dirigeants européens, d'Angela Merkel à David Cameron, de Mariano Rajoy à Jean-Claude Juncker en passant par Matteo Renzi, ainsi que huit présidents africains, mais aussi, tout un symbole, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, en tête du cortège, ont ajouté à la solennité de cette journée historique, pendant laquelle « Paris a été la capitale du monde », a déclaré François Hollande.
Et après ?
Les slogans écrits sur les pancartes en disaient long sur l'émotion et le message œcuménique du rassemblement. « Nous sommes Charlie, nous sommes Paris », « Même pas peur », « La liberté d'expression n'a pas de religion », « Je lève mon crayon pour Charlie », « ils voulaient nous réduire au silence, ils n'auront obtenu qu'une minute », « Je pense donc je Charlie », « Je suis juif, je suis musulman, je suis chrétien », « faites l'amour, pas l'amalgame », « C'est l'encre qui doit couler, pas le sang ».
La manifestation s'est poursuivi jusque tard dans la soirée, mais il reste à savoir si ce moment de grâce et d'union nationale pourra perdurer alors que le pays va devoir entrer dans une phase délicate pour apporter des réponses politiques et sécuritaires à la menace terroriste. Des mesures qui pourraient bien fissurer le climat de rassemblement qui a caractérisé la journée. Ce sera le principal défi qui attend François Hollande que de se montrer à la hauteur de la situation et de fonder sur ce sursaut national un rassemblement de tous les Français.