Loi Macron : quand les notaires s’érigent en chantres de l’antilibéralisme

Par Mathias Thépot  |   |  867  mots
Faut-il instaurer plus de concurrence entre les notaires?
Les notaires sont vent debout contre la loi Macron qui devrait instaurer davantage de concurrence au sein de leur profession. Ils dressent en guise d'argumentaire une critique de circonstance des méfaits du libéralisme économique.

Peut-être n'était-ce pas le meilleur moment pour engager une réforme des professions réglementées dans un contexte économique tendu où les aigreurs montent chez certaines catégories d'acteurs économiques. Du reste, dans une période où il est demandé à tous un effort pour l'intérêt général, la loi Macron pour la croissance et l'activité est désormais sur la table et il convient d'en analyser les tenants et les aboutissants.

Concernant la réforme de la profession de notaire, le principe du projet de loi est de limiter les situations de rente dans certaines zones tendues où un nombre trop restreint de notaires a profité de la croissance des prix de l'immobilier lors des quinze dernières années, alors qu'ils ont - comme dans beaucoup d'autres secteurs- opéré en parallèle la modernisation de leurs services, diminuant ainsi certains coûts fixes. Une étude de l'Inspection générale des finances - contestée par les notaires - évoquait ainsi un salaire moyen dans la profession de 13.000 euros brut par mois.

Liberté d'installation

Fort de ce constat, le projet de loi Macron légèrement modifié en commission spéciale à l'Assemblée compte mettre en place une plus grande liberté d'installation, certes contrôlée, pour accroître le nombre d'études, ainsi qu'une limite d'âge de 70 ans pour laisser place aux jeunes qui rencontrent des barrières à l'entrée. Il est surtout prévu d'instaurer une concurrence sur les prix entre études par le biais d'un "corridor tarifaire" censé donner plus de pouvoir d'achat aux ménages. Le but : "rapprocher le tarif pratiqué pour un acte de son coût réel", explique une source parlementaire.

Sans surprise, les notaires sont vent debout contre le vote de ce texte, qui sera examiné en première lecture en séance publique à l'Assemblée à partir de ce lundi 26 janvier. Le notariat use donc de tout son pouvoir pour faire infléchir la ligne du gouvernement.
Pour se défendre, les notaires de Paris dressent pour leur part une critique étayée des méfaits du libéralisme économique : primo, établir une liberté d'installation contrôlée risque in fine de créer des déserts juridiques car les notaires iront là où les rémunérations sont les meilleures, c'est-à-dire dans les centres urbains.

Concurrence tarifaire

Secundo, instaurer une concurrence tarifaire risque de créer une concurrence par les coûts entre études, et donc de générer des licenciements dans la profession et de dégrader le service rendu. Les notaires tiennent bec et ongles au maintien d'un tarif public unique et proportionnel de leurs actes "qui est la garantie d'une sécurité juridique pour les actes des officiers publics". "Soumettre les notaires à la loi du marché sous prétexte d'une libéralisation de leur activité, c'est réduire leurs prestations à une marchandise. C'est provoquer la dégradation d'un service public essentiel à la sécurité juridique de nos concitoyens", s'indigne-t-on du côté de la chambre des notaires de Paris.

Mais la loi Macron ne fait pas que libéraliser cette profession, elle veut aussi imposer une meilleure répartition du gâteau - conséquent - que se partage les notaires. Pour connaître les modalités exactes de cette répartition, il faudra en revanche attendre les décrets publiés après la loi. Dans le projet de loi, il est toutefois indiqué qu'une "péréquation peut notamment tenir à ce que les tarifs des transactions portant sur des biens immobiliers d'une valeur supérieure à un seuil fixé (...) soient fixés proportionnellement à la valeur du bien". Bref, il ressort de ce texte une volonté d'instaurer plus de justice tarifaire au sein de la profession, mais le flou est tout de même entretenu sur ce point fondamental de la loi. "Concrètement à ce stade, personne ne peut dire combien gagnera un notaire pour une transaction immobilière de 300.000 euros", explique la même source parlementaire.

une contradiction dans le discours

Mais les notaires n'acceptent pas qu'on leur dicte comment ils se répartiront les gains. Là est la grande contradiction de leur argumentaire où d'un côté ils critiquent fortement la libéralisation de leur profession au nom de leur mission de service public et, de l'autre, ils n'acceptent pas de réglementation visant à instaurer une meilleure justice tarifaire.
Ils assurent être capables d'assumer eux-mêmes l'augmentation de leurs effectifs et s'engagent à accueillir plus de jeunes diplômés notaires. "Par la force des choses, le nombre de notaires a vocation à augmenter pour une raison importante qui est que le droit se complexifie", explique-t-on chez les notaires de Paris.

Certes, des gages sont apportés : "la profession notariale, qui n'est pas hostile à la réforme (...), effectuera des propositions sur la programmation d'une évolution de nos effectifs en fonction des besoins locaux de la population", annoncent aussi les notaires parisiens. Toutefois, il n'y a rien dans ces propos qui révèle une remise en question profonde des pratiques de la profession. Preuve que les discussions parlementaires s'annoncent houleuses...

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