Anne Hidalgo pourrait accepter les Jeux Olympiques à Paris

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  1054  mots
Bernard Lapasset, entre Denis Masseglia et François Hollande, est l'homme fort de la candidature de Paris pour 2024
Anne Hidalgo pourrait finalement se laisser convaincre par une candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 2024. Les arguments de Bernard Lapasset , du gouvernement et du président de l’Assemblée ont fait leur chemin. Reste à savoir si Paris et la France peuvent supporter deux candidatures simultanées, JO et Exposition universelle 2025, et si le privé peut assurer le financement des deux.

« Anne Hidalgo pourrait changer d'avis ». Elle pourrait, tout au moins, ne plus se braquer contre une candidature de Paris à l'organisation des Jeux Olympiques de 2024. C'est en tout cas le sentiment de l'Elysée et de Matignon. La France pourrait donc se retrouver d'ici quelques mois avec une double candidature : Jeux d'été 2024 et Exposition Universelle 2025. Comme l'Espagne qui avait remporté les Jeux Olympiques pour Barcelone et l'Exposition Universelle pour Séville, la même année 1992.  

Le lobbying des pro-JO auprès de la maire de Paris a en tout cas été intense ces dernières semaines. Aussi bien du côté politique (Claude Bartolone en premier, mais l'Elysée et Matignon aussi) que du côté sportif : Bernard Lapasset qui peaufine le rapport de faisabilité de cette candidature a longuement expliqué à Anne Hidalgo que « tous les feux étaient au vert ».  L'ancien patron du rugby français et homme fort de la candidature doit rendre ses préconisations le 12 février et ne peut se permettre que la maire de Paris les conteste immédiatement. Ses arguments sont d'abord économiques : les Jeux de 2024 coûteront moins cher que ceux planifiés par Bertrand Delanoë pour 2012 ; beaucoup a déjà été construit , Paris est bien équipé et il ne reste en fait que la piscine olympique, le village olympique et le centre de presse à construire. Largement en dessous des 4 milliards d'euros de 2012. Boston la ville américaine candidate investira d'ailleurs « seulement » 3.2 milliards de dollars. A cela s'ajoute que les JO vont accélérer les investissements publics dans le Grand Paris, en particulier le Roissy Express. Un double événement 2024-2025, JO-Expo, serait un booster fantastique pour l'économie du Grand Paris. Anne Hidalgo en a convenu.

Boston n'est pas sûre du tout de l'emporter

L'argument politique ensuite. Il est moins convaincant, mais les pro JO n'en démordent pas : Boston n'aura pas les Jeux, car les comités olympiques sont fatigués de la toute puissance américaine dans le mouvement olympique, fatigués que le comité olympique américain reçoive la moitié des gains du mouvement olympique, fatigués de la NBC qui, sous prétexte qu'elle a les droits de retransmission n'aurait qu'à claquer des doigts pour avoir les JO sur le sol américain. Pour eux l'époque de l'ancien président du CIO Juan Antonio Samaranch et ses arrangements avec les américains, télés et sponsors compris, est fini. Thomas Bach, le nouveau président du CIO, est sur cette base-là, a entamé un grand ménage dans l'organisation olympique et veut un renouveau avec des Jeux moins fastueux et surtout moins corrompus. Bernard Lapasset a peut être raison mais le CIO a encore et toujours besoin d'argent ( il n'arrive plus à trouver de candidats solides pour les JO d'hiver) et, malgré les dissensions très fortes dans le mouvement olympique américain, Boston reste quand même favorite, vue la puissance financière américaine.

Les autres candidats n'ayant pour l'instant guère les faveurs des pronostics : Matteo Renzi est très critiqué pour avoir présenté Rome même si, crise oblige, il prône aussi des « JO low cost », Berlin hésite et prévoit un référendum en septembre, le Qatar après deux échecs va se concentrer sur les JO de 2028 ainsi que l'Afrique du Sud. Un duel Boston-Paris ? C'est gagnable si Paris monte un beau dossier, en tout cas un meilleur dossier que pour les épisodes précédents.

Eviter de présenter, comme d'habitude, une candidature politique

Les candidatures aux JO ont en effet trop souvent été des candidatures de politiques (Paris 2008 et 2012) avec parfois une bonne dose de n'importe quoi dans l'organisation comme Annecy 2018. Celle là ne devrait pas faire les mêmes erreurs : Anne Hidalgo qui a déjà vécu personnellement deux des quatre derniers échecs de la France (pour 2008 et 2012), ne veut pas en connaitre un troisième et ne sera pas en première ligne, comme Bertrand Delanoë le fut. Reste un point majeur pour la maire de Paris : courir deux lièvres à la fois ne dispersera pas les forces pour entraîner deux défaites de suite ? Le budget de chacun des projets sera probablement entre 3 et 4 milliards.

Mais de l'argent privé ou de l'emprunt garanti par l'Etat, pas d'argent public : Jean Christophe Fromantin qui a lancé la candidature pour l'Exposition universelle a toujours dit qu'il n'y aurait pas un centime d'argent public dans le dossier. Idem pour les JO : depuis que les américains ont révolutionné la planète olympique avec les Jeux de Los Angeles financés par le privé, c'est la course aux top sponsors et autres partenaires privilégiés. Là il peut y avoir un gros souci car, si l'on excepte quelques grands institutionnels qui peuvent jouer sur les deux tableaux (EDF, Orange, RATP etc...), les autres choisiront.

Les grands sponsors vont devoir choisir entre l'Expo et les JO

A Expofrance on ne cache pas que quelques grandes sociétés contactées attendaient la décision pour les JO avant de choisir où elles mettront leurs sous. La qualité du rapport de Bernard Lapasset va être déterminante car l'Exposition Universelle a un avantage énorme : tout le monde la veut, elle a le soutien des deux Assemblées, du gouvernement, du Medef comme de la CFDT, des grandes entreprises du privé et de toutes les collectivités du Grand Paris. Il n'y a pas plus œcuménique que l'Expo universelle. La faire capoter avec une concurrence stérile des JO serait une grosse boulette. A l'inverse la candidature aux JO émane d'un mouvement dont l'ADN est d'avoir les Jeux : un président de Comité Olympique doit avoir les Jeux, il est programmé pour cela, c'est ontologique.

Donc il fait du lobbying et des dossiers pour avoir les Jeux. Sans se soucier forcément de l'impact, du coût et de l'opportunité. Bernard Lapasset, qui a pris le pas sur le président du Comité National Olympique Français, Denis Masseglia, doit donc publier un rapport convaincant économiquement et surtout, savoir expliquer aux investisseurs, qui eux aussi ont financé les échecs récents des candidatures françaises, les raisons des échecs répétés pour 2004, 2008, 2012 et 2018. Une autocritique que le mouvement olympique n'a encore jamais faite.