Affaire du financement libyen : Claude Guéant présenté à un juge

Par latribune.fr avec AFP  |   |  692  mots
Des juges d'instruction du pôle financier de Paris s'interrogent notamment sur la découverte en 2013 d'un virement de 500.000 euros sur le compte de celui qui fut pendant 10 ans le bras droit de Nicolas Sarkozy. (Crédits : <small>Reuters</small>)
L'ancien ministre de l'Intérieur est interrogé sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy.

Claude Guéant devait être présenté samedi à un juge dans l'enquête sur les soupçons de financement par la Libye de Kadhafi de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, a indiqué une source judiciaire. A l'issue d'une garde à vue entamée à l'aube vendredi à l'office anticorruption (Ocliff), celui qui fut le bras droit de l'ex-chef de l'Etat devait être déféré en début d'après-midi, a affirmé à l'AFP cette source judiciaire.

Dans cette affaire, des juges d'instruction du pôle financier de Paris s'interrogent notamment sur la découverte, lors d'une perquisition en février 2013, d'un virement de 500.000 euros sur le compte de l'ancien ministre de l'Intérieur. M. Guéant avait justifié ce virement - provenant d'un compte à l'étranger - par la vente en 2008 à un avocat malaisien de deux tableaux d'un peintre flamand du XVIIe, Andries van Eertvelt.

Mais des experts avaient contesté la valorisation de ces oeuvres, la société Artprice chiffrant à 140.000 euros, hors frais, le prix record aux enchères d'une des toiles de ce peintre. La garde à vue peut durer 48 heures avant que l'ancien secrétaire général de l'Elysée ne soit relâché ou présenté à un juge d'instruction. Il n'a pas été précisé si elle était directement liée à cette supposée cession de tableaux. "C'est une opération qui est strictement privée (...) cela n'a strictement rien à voir avec la Libye", avait assuré M. Guéant à l'AFP lorsque l'affaire avait été révélée. "Au moment des perquisitions, j'ai dit, je l'ai fait inscrire au procès verbal, que j'avais les justificatifs", avait-il insisté alors.

Selon une source proche du dossier, l'enquête s'attache notamment à tracer des flux financiers avec l'étranger. Les liens de Claude Guéant, qui avait notamment joué un rôle central dans les tractations avec d'anciens responsables libyens, comme l'ex-bras droit de Kadhafi, Bachir Saleh, ayant conduit à la libération des infirmières bulgares, comptent également parmi les interrogations des enquêteurs. Bachir Saleh serait en Afrique du Sud et les juges français veulent l'entendre.

Les accusations d'un financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy ont vu le jour entre les deux tours de la campagne présidentielle de 2012, lorsque Mediapart a publié un document évoquant un accord du régime libyen de Mouammar Kadhafi pour financer M. Sarkozy, dont ce dernier assure qu'il s'agit d'un faux. Attribué à Moussa Koussa, ex-chef des renseignements extérieurs libyens, ce document affirme que Tripoli avait accepté de financer pour "50 millions d'euros" la campagne 2007. Moussa Koussa a également qualifié ce document de "faux".

L'ancien président a porté plainte, notamment pour "faux et usage de faux", ce qui a donné lieu à l'ouverture d'une enquête distincte. Plusieurs anciens dignitaires libyens ont également relayé les accusations de financement illicite par la Libye de cette campagne, n'apportant toutefois pour l'heure pas de preuve formelle à l'appui de ces accusations. Une information judiciaire a été ouverte sur ces accusations en avril 2013, notamment pour "corruption active et passive" et "trafic d'influence", et confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman.

L'entourage de M. Guéant a relevé le caractère vexatoire de l'envoi à l'aube de policiers au domicile de l'ancien ministre de l'Intérieur, qui a toujours répondu aux convocations des enquêteurs lors de deux précédentes gardes à vue, et s'est interrogé sur "l'intérêt de procéder comme s'il s'agissait d'un délinquant dangereux", sous-entendant une instrumentalisation politique du dossier, instruit par des magistrats statutairement indépendants.

"Il est légitime de s'interroger sur la neutralité du calendrier choisi pour cette garde à vue, à seulement trois semaines des élections départementales et dans un contexte défavorable à la majorité au pouvoir. Nous avons tendance à penser qu'il existe une utilisation politique par les socialistes des moyens judiciaires pour nuire à l'image de Nicolas Sarkozy", a ainsi estimé ainsi une source dans l'entourage de l'ancien ministre.

Le président de Sherpa William Bourdon et Me Marie Dosé, le conseil de l'association anticorruption, partie civile dans ce dossier, ont estimé au contraire que la garde à vue de M. Guéant "démontre que les investigations progressent".