L'Europe redoute une "crise sociale" potentiellement "explosive"

Par latribune.fr  |   |  753  mots
Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker pronostique "une crise sociale" en Europe, potentiellement "explosive", appelant les chefs d'entreprise européens à éviter "les licenciements massifs et prématurés", en ayant recours en priorité au chômage partiel, et à faire preuve "de responsabilité sociale".

Les ministres des Finances de la zone euro se sont voulus rassurants lundi sur l'activité économique dans l'Union européenne (UE) mais se sont montrés inquiets de l'évolution négative du chômage, quelques heures après une forte révision à la baisse des prévisions de la Commission européenne.

Ils ont par ailleurs rappelé que le traitement des actifs toxiques encore détenus par les banques restait prioritaire pour que les effets des plans de relance puissent être pleinement ressentis sur le territoire des Vingt-Sept. "J'ai l'impression, après les Etats-Unis, que les choses commencent à se stabiliser en Europe mais ne se sont pas encore stabilisées d'une manière telle que nous puissions déclarer que le fond a été touché", a déclaré le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, à son arrivée à Bruxelles. "Mais les choses n'empirent pas", a-t-il ajouté, estimant par ailleurs que les plans de relance mis en place par les pays de l'Union européenne porteraient leurs fruits courant 2010 et qu'il n'était pas nécessaire à ce stade d'envisager de nouveaux dispositifs de soutien de l'économie.

Lundi matin, la Commission européenne avait indiqué que l'économie du Vieux continent ne reprendrait pas le chemin de la croissance avant la mi-2010 et que les déficits se creuseraient fortement cette année et l'année prochaine. Elle prévoit désormais une contraction de l'activité de 4% en 2009 dans la zone euro et dans l'UE, puis de 0,1% en 2010.

De son côté, la ministre française de l'Economie Christine Lagarde a refusé de se prononcer directement sur l'abaissement des prévisions de croissance française par Bruxelles, à -3% en 2009 et -0,2% en 2010. "Les prévisions, elles sont ce qu'elles sont. Ce qui est important c'est la réalité des plans de relance et ce qu'on met en oeuvre dans chacun de nos Etats", a-t-elle fait valoir.

Son homologue allemand Peer Steinbrück a quant à lui souligné qu'il existait au sein des Seize de la zone euro "un large consensus pour appuyer la Commission sur l'ouverture de procédures pour déficit excessif". "Si nécessaire l'année prochaine, sans doute également à l'encontre de l'Allemagne", a-t-il précisé, alors que le déficit allemand est anticipé par l'exécutif communautaire à 3,9% du PIB en 2009 puis à 5,9% en 2010.

Alors que la Commission européenne a indiqué qu'en dépit des "signaux positifs" entrevus ces dernières semaines, des "incertitudes considérables" continuaient de peser sur l'activité dans l'UE, Jean-Claude Juncker s'est dit lundi très préoccupé par la montée du chômage. "Nous sommes au milieu d'une crise économique et financière, nous allons vers une crise sociale", a-t-il estimé, appelant les employeurs à ne pas procéder à des licenciements massifs.

"Je suis très inquiet de la montée du chômage (...) Il ne faut pas sous-estimer le caractère explosif que peut revêtir cette recrudescence du chômage", a-t-il ajouté. La Commission anticipe une forte hausse du taux de chômage cette année et l'année prochaine, avec des prévisions de 9,9% de la population active dans la zone euro et 9,4% dans l'Union européenne en 2009 puis de 11,5% et 10,9% en 2010.  Des taux qui rappellent le chômage de masse auquel l'Europe a été confrontée dans les années 70 après les deux chocs pétroliers, puis dans les années 80.

"J'ai l'impression que beaucoup d'hommes politiques sous-estiment ce phénomène" en Europe, a-t-il ajouté, à trois jours de la tenue d'un sommet européen sur l'emploi prévu à Prague, sous les auspices de la présidence tchèque de l'UE. Il a indiqué à ce sujet "regretter profondément" le "format réduit" de ce sommet qui donne le sentiment que les dirigeants européens ne se soucient guère du problème.
 

A l'origine, la présidence tchèque et la Commission avaient voulu en faire un sommet des chefs d'Etat des 27 pays de l'UE pour discuter des moyens d'agir ensemble face à la montée du chômage. Mais la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, notamment, ont refusé, arguant qu'un sommet de ce niveau risquait de susciter des attentes dans l'opinion auxquelles les gouvernements seraient bien en peine ensuite de répondre, vu leurs faibles moyens d'action sur le court terme face aux pertes d'emplois. Du coup, la réunion a été rétrogradée et ne rassemblera que la Commission européenne, la présidence tchèque et des représentants des syndicats et du patronat.