Pourquoi l'Allemagne est devenue un partenaire compliqué

Par Holger Alich  |   |  612  mots
L'analyse de Holger Alich, correspondant à Paris du quotidien économique allemand Handelsblatt.

Mais quelle mouche a piqué Angela Merkel ? La chancelière allemande s'oppose ouvertement à un plan commun des Européens pour aider la Grèce. Dans un virage spectaculaire, Berlin envisage maintenant que le FMI vole au secours de la Grèce pour éviter une faillite d'un membre de la zone euro. Doit-on en déduire que l'Allemagne jouerait désormais «perso» et abandonnerait sa position pro-européenne ?

Certainement pas. Pour comprendre ce qui se trame derrière ces crispations européennes, il faut s'intéresser à la politique intérieure de l'Allemagne. Alors qu'elle était à l'aise quand elle partageait le pouvoir avec les sociaux-démocrates, Angela Merkel a perdu de sa superbe depuis qu'elle gouverne le pays avec des libéraux très vindicatifs.

Environ six mois après la formation de ce nouveau gouvernement comprenant la CDU, son cousin bavarois, la CSU et le FDP, la déception est énorme. Selon un sondage commandé par le Handelsblatt, plus que 90% des patrons allemands sont "déçus". Au lieu de suivre un cap de réforme clair, Libéraux et CSU passent leur temps à se chamailler. Le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, et ses affidés veulent à tout prix tenir leurs promesses de campagne en baissant les impôts et en réformant d'une façon radicale l'assurance maladie. Les sociaux-chrétiens bavarois s'y opposent farouchement. Chacun explique à Angela Merkel qu'elle doit respecter le contrat de gouvernement ("Koalitionsvertrag"), mais ce document de base est tellement flou qu'il permet toutes les interprétations.

La nervosité est d'autant plus manifeste qu'une élection importante se rapproche. Le 9 mai, les électeurs de la région le plus peuplé d'Allemagne renouvelleront les membres de leur parlement. Actuellement, cette région clé d'Allemagne est gouvernée par une coalition CDU-FDP, comme au niveau fédéral. Et si Merkel perd cette élection, le gouvernement ne disposera plus d'une majorité dans la deuxième chambre du parlement, le Bundesrat (l'équivalent du Senat français).

La question de l'aide financière à la Grèce arrive donc au plus mauvais moment. Pour l'opinion publique, Athènes doit se débrouiller seule. "Pourquoi devrions-nous payer pour les Grecs qui partent en retraite à 55 ans, alors que nous, les Allemands, devons travailler jusqu'à 67 ans ?", entend-on dire aux comptoirs des Kneipen.

Et puis, il y a cette promesse faite par Helmut Kohl lors de la création de l'euro. Le chancelier avait assuré aux Allemands que jamais il's n'auraient à payer pour un mauvaise élève de la zone Euro. Angela Merkel n'a guère envie de porter le déshonneur d'un parjure.

Comme si tout cela ne suffisait pas, voilà que Christine Lagarde en rajoute une louche en critiquant sans ménagement la politique économique de Allemagne.

Que faire ? A mon avis, il serait dangereux d'augmenter la pression sur le gouvernement allemand. Angela Merkel est déjà sur des charbons ardents. Mieux vaudrait trouver une astuce pour convaincre les Allemands qu'il ne faut pas laisser au FMI le soin de gérer le problème grec. On pourrait par exemple expliquer que les pays de la zone euro ferait une bonne affaire en apportant une aide à un de leurs membres qui, à terme, leur remboursera avec intérêt.

Mais nous ne nous épargnerons pas non plus un débat musclé sur une réforme de la zone euro. Le pacte de stabilité ne suffit plus. Les Allemands ne veulent plus être les seuls à s'attaquer d'une façon sérieuse aux déficits. La crise l'a montré d'une façon claire. L'endettement, ce n'est pas la solution. Bien au contraire. Qu'elle soit privé ou public, la dette, quand elle est excessive, menace la stabilité économique.