Moubarak nomme Omar Souleimane vice-président pour calmer les manifestants

Par latribune.fr  |   |  903  mots
La Tribune Infographie / SSAULNIER
Dans un climat insurrectionnel au Caire et dans plusieurs villes d'Egypte, le président Hosni Moubarak a nommé samedi son chef des renseignements, au poste de vice-président. Une nomination vue comme un possible premier pas vers une succession après 30 ans de pouvoir. Un autre militaire, Ahmed Chafik, a été chargé de former le nouveau gouvernement. Les Etats-Unis et l'Europe semblent dépassés par une révolution arabe qui les inquiète pour l'avenir des équilibres dans la région.

Le monde a assisté hier médusé à une révolte aux allures de révolution arabe en direct à la télévision. Toute la journée, les chaines d'information du monde entier, dont la chaine arabe Al-Jazeera, ont diffusé en continu des images des manifestations en Egypte, qui ont repris samedi et fait à nouveau de nombreux morts.

Dés le début de la matinée, une véritable marée humaine a déferlé dans les grandes villes égyptiennes après la sortie des mosquées, pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, 82 ans, au pouvoir depuis 29 ans. Au cinquième jour de protestation, la révolte populaire s'amplifie contre le régime et les prochaines heures seront décisives.

Au Caire, les manifestants en colère avaient mis vendredi le feu au siège du Parti national démocrate (PND) au pouvoir. Selon un premier bilan, 92 personnes auraient été tuées depuis le début de la crise et des milliers de manifestants ont été blessés. Des mouvements de fraternisation ont été constatés entre la foule et l'armée, appelée à la rescousse pour éviter le chaos. Un décret présidentiel a instauré depuis vendredi un couvre-feu au Caire, à Alexandrie (nord) et à Suez (est) de 16 heures à 5 heures, mesure prolongée ce samedi, sans empêcher de nouvelles manifestations.

Sous pression, le président Moubarak a promis la formation d'un nouvel exécutif et des réformes. Pour tenter de reprendre la main, il a nommé samedi un vice-président en la personne de son chef des renseignements, Omar Souleimane. Le nouveau gouvernement sera dirigé par un autre militaire, Ahmed Chafik, ancien commandant de l'armée de l'air et ministre sortant de l'Aviation. Un signal à l'armée égyptienne, une institution dans le pays dont Hosni Moubarak est lui-aussi issu. Aux yeux de beaucoup, l'armée détient la clé de l'avenir politique de l'Egypte.

En faisant du chef des renseignements Omar Souleimane pour son "numéro deux", Moubarak  a pris une initiative propre à relancer les spéculations sur le scrutin présidentiel prévu en septembre, auquel le vieux raïs, âgé de 82 ans, pourrait ne pas se présenter. Nul ne peut cependant savoir s'il sera en mesure de rester au pouvoir jusque-là alors que les manifestants, défiant le couvre-feu, ont continué de réclamer samedi soir sa démission dans les rues du Caire tandis que ses alliés occidentaux, Etats-Unis en tête, réitéraient leur appel à des mesures concrètes en faveur d'une réforme politique.

Alors que la confusion règne dans le pays, avec de nombreux pillages, les Frères Musulmans ont appelé Hosni Moubarak a une "passation pacifique" du pouvoir.  Le chef de l'Opposition, Mohamed ElBaradei, a appelé Moubarak à "partir sans délai pour le bien de l'Egypte".

Cette révolte égyptienne a pris de court la communauté internationale, très gênée alors que ce pays joue un rôle majeur pour la stabilisation de la région, notamment la paix avec Israel. A Washington, la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a suivi l'évolution de la situation toute la journée appelant, comme l'Union Européenne, à l'arrêt des violences et des effusions de sang. Dans une déclaration commune diffusée samedi en début de soirée, Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron se disent "vivement préoccupés par les événements" et exhortent Hosni Moubarak à "éviter à tout prix" le recours à la violence. "Nous appelons le président Moubarak à engager un processus de changement qui se traduise à travers un gouvernement à représentation élargie et des élections libres et justes", ajoutent le président français, la chancelière allemande et le Premier ministre britannique.

Les Etats-Unis qualifient ces événements de "profondément inquiétants". Les alliés de Hosni Moubarak appellent à "respecter les droits fondamentaux, éviter la violence, et permettre les communications". Dans un communiqué publié vendredi, l'opérateur télécom britannique Vodafone annonce que tous les opérateurs de téléphonie mobiles présents en Egypte "ont reçu l'ordre de suspendre leurs services dans certaines zones sélectionnées". "Conformément à la législation égyptienne, les autorités ont le droit de donner un tel ordre et nous devons nous y soumettre", poursuit le groupe. 

Face à l'aggravation de la situation, la France a demandé vendredi à ses tour-opérateurs de renoncer à opérer des vols vers l'Egypte. Plus de 3000 personnes devaient partir et ont dû renoncer à leur voyage. 6000 touristes français étaient par ailleurs en Egypte au moment des événements, mais, présents essentiellement dans les villes du sud (Louxor, Assouan), relativement épargnés par les violences, aucune demande de rapatriement d'urgence n'a été décidée.

Les marchés financiers s'inquiètent de la situation. Wall Street a dévissé vendredi soir. A Paris, un titre comme Lafarge, très présent en Egypte où il avait racheté Orascom Cement, a souffert ces derniers jours. Plus que jamais, les observateurs parlent de risque de contagion dans toute la région après les émeutes en Tunisie qui ont provoqué le 14 janvier la chute du dictateur Ben Ali qui, avec son clan et celui de sa femme, les Trabelsi, avaient mis le pays en coupe réglée. Des manifestations ont également lieu en Jordanie, au Yemen et l'Algérie demeure sous haute tension.