Après le séisme et le tsunami, nouvelles explosions dans des centrales nucléaires au Japon

Par latribune.fr  |   |  1599  mots
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Le Japon tente de faire le bilan du tremblement terre et du tsunami de vendredi. L'inquiétude grandit sur le risque nucléaire. La centrale de Fukushima Daiichi, au nord-est du Japon, a été victime d'une série d'explosions, notamment ce lundi. Un risque de fusion du combustible non refroidi est évoqué. Les populations vivant dans la région ont été évacuées. La Bourse de Tokyo a chuté. La Banque du Japon est intervenue comme jamais.

Le risque nucléaire s'amplifie encore au Japon après le tremblement de terre et le tsunami. De nouvelles explosions ont été signalées ce lundi dans la centrale de Fukushima Daiichi, à 240 km au nord de Tokyo. L'autorité de contrôle du risque nucléaire au Japon estime que l'enceinte de confinement du réacteur 3, concerné par les deux explosions de ce lundi, n'est pas touchée. Mais l'inquiétude grandit. Un magma aurait pu s'être formé au sein du réacteur.

Le circuit de refroidissement du réacteur n°2 de la même centrale a, lui, cessé de fonctionner ce lundi. ll ne reste de ce fait pratiquement plus d'eau à l'intérieur, a fait savoir le propriétaire, la compagnie Tepco qui craint un risque de fusion du combustible. Elle avait entrepris plus tôt d'injecter de l'eau de mer à l'intérieur du réacteur afin de compenser sans résultats tangibles. Le refroidissement par eau de mer suscite d'ailleurs des interrogations, notamment en raison de la réaction du sel sur les installations. Les adversaires du nucléaire se font entendre partout sur la planète et notamment sur Internet.

Le Premier ministre nippon se dit très préoccupé au point de demander de l'aide aux Etats-Unis pour refroidir leurs réacteurs. L'Autorité de sûreté nucléaire américaine (Nuclear Regulatory Commission, NRC) a promis de répondre à cette demande et propose son expertise technique.

En une heure, il a été mesuré sur le site de Fukushima, un niveau de radioactivité équivalent au seuil maximum d'irradiation sur un an à laquelle est exposée une personne se rendant sur les zones "surveillées" des centrales européennes. L'Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire français (IRSN), a indiqué que le risque à Fukushima se situe "au-delà du niveau de Three Mile Island sans atteindre Tchernobyl".

Le bilan officiel fait état pour l'instant de 22 personnes irradiées et jusqu'à 190 qui pourraient avoir été exposées à des radiations . Quelques 600.000 personnes ont été évacuées dans le pays depuis le début de cette catastrophe. 11 des 50 réacteurs nucléaires japonais ont été arrêtés.

La vidéo ci-dessous, explique le fonctionnement d'une centrale nucléaire

Fait crucial, les épais murs des caissons semblent intacts autour du coeur des réacteurs endommagés de cette centrale.

La Suisse et Berlin mettent le nucléaire sur pause, pas l'Italie

La Suisse a annoncé ce lundi suspendre ses projets de renouvellement de centrales nucléaires. Dans un communiqué, Doris Leuthard, la ministre de l'Energie indique avoir "décidé de suspendre les procédures en cours concernant les demandes d'autorisation générale pour les centrales nucléaires de remplacement". A charge pour l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) d'analyser les "causes exactes de l'accident survenu au Japon et d'en tirer les conclusions s'agissant de l'élaboration éventuelle de nouvelles normes plus strictes, notamment en matière de sécurité sismique et de refroidissement".

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a annoncé un moratoire de trois mois sur l'allongement de la durée de vie des réacteurs nucléaires. Faisant références aux risques nucléaires au Japon, la chancelière a indiqué: "Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était".

Cette décision pourrait dans un premier temps se traduire par l'arrêt immédiat des deux plus anciens réacteur du pays. L'un d'entre eux est situé dans l'Etat régional du Bade-Wurtemberg, précisément là où des élections sont prévues dans deux semaines et délicates pour les conservateurs CDU.

L'Italie, en revanche, n'a pas l'intention de renoncer à son projet de relance de la filière nucléaire, a annoncé lundi la ministre de l'Environnement, Stefania Prestigiacomo. L'Italie, qui connaît une forte activité sismique, est l'unique Etat membre du G8 qui n'exploite pas l'énergie nucléaire. Le président du Conseil, Silvio Berlusconi, a toutefois l'intention de développer la filière pour qu'elle produise à terme un quart de l'électricité nationale. Un référendum sur la mise en chantier de centrales nucléaires devrait avoir lieu dans le courant de l'année.

Vive réaction de la Bourse de Tokyo

La Bourse de Tokyo a réagi évidemment à tous ces évenements qui touchent l'archipel. Elle a chuté de 6,18% ce lundi, le Nikkei passant sous les 10.000 points à 9620 points. Les valeurs de l'automobile sont particulièrement concernées avec des craintes liées à l'arrêt de la production dans le pays. La Banque centrale du Japon intervient massivement, comme elle ne l'a jamais fait, avec quelque 12.000 milliards de yens injectés de différentes manières, 130 milliards d'euros. Paradoxalement, sur le marché des changes, le yen résiste alors que le dollar baisse en raison des risques de rapatriement massif de yens vers le Japon.

Le gouvernement japonais avait déjà mis en garde dimanche contre un nouveau risque d'explosion à la centrale nucléaire de Fukushima en raison de l'accumulation d'hydrogène dans le bâtiment du réacteur 3, mais avait assuré qu'il n'y avait pas de danger pour le réacteur lui-même et la population. "On ne peut pas exclure qu'une explosion puisse se produire au niveau du réacteur 3 en raison d'une possible accumulation d'hydrogène", a insisté le porte-parole du gouvernement Yukio Edano. Il avait déjà affirmé qu'en cas d'explosion, "il n'y aura pas de problème pour le réacteur lui-même" et a tenu à rassurer la population en affirmant que "la situation n'a pas de conséquence sur la santé".

Explosions précédentes

Yukio Edano avait évoqué l'explosion survenue la veille dans le bâtiment abritant le réacteur 1 de cette centrale, située dans le nord-est, à 250 km de Tokyo : "il est possible que cette explosion soit due à une accumulation d'hydrogène dans la partie supérieure du bâtiment", selon lui. Selon des experts extérieurs, la déflagration qui s'est produite au niveau du réacteur 1 est "vaisemblablement due à l'hydrogène généré et accumulé lors des opérations de décompression de l'enceinte de confinement".

Samedi, ce réacteur avait rencontré une série de problèmes: baisse du niveau d'eau, défaut de refroidissement, montée de température, augmentation anormale de pression. L'exploitant du site, Tokyo Electric Power (Tepco), a effectué des relâchements volontaires de vapeur pour décompresser, une mesure de précaution qui a généré une accumulation d'hydrogène dans le bâtiment supérieur.L'explosion qui s'est alors produite a emporté le toit et les murs du bâtiment supérieur, mais Tepco a assuré que l'enceinte de confinement du réacteur n'avait pas été détruite. Cet accident a été classé au niveau 4 sur l'échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES), a précisé l'Agence japon aise de sécurité nucléaire et industrielle. Ce niveau 4 qualifie les accidents n'entraînant pas de risque important hors du site, selon les documents de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Par ailleurs, "les autorités japonaises ont informé l'AIEA que le premier (c'est-à-dire le plus bas) état d'urgence dans la centrale d'Onagawa a été signalé par la Tohoku Electric Power Company", a déclaré dans un communiqué l'agence onusienne. Les trois réacteurs du site nucléaire d'Onagawa "sont sous contrôle", selon les autorités japonaises qui, un peu plus tard, ont déclaré que le système de refroidissement de la centrale fonctionnait normalement.

Le bilan humain du séisme s'alourdit

Au surlendemain du séisme, de magnitude 8,9, et du tsunami qui a suivi, le bilan humain de la catastrophe s'alourdit. Le bilan officiel s'établissait toujours à 1.800 morts et disparus dimanche. Ce chiffre pourrait toutefois s'alourdir gravement, la préfecture de Miyagi, dans le nord-est, étant sans nouvelles d'environ 10.000 des 17.000 habitants de la ville portuaire de Minamisanriku, d'après la chaîne de télévision NHK. Dans les seules villes côtières du Nord-Est, 2.000 corps ont d'ores et déjà retrouvés. Les autorités s'en tiennent pour l'heure à une évalution d'au moins 10.000 morts.

"C'est absolument cauchemardesque", a témoigné Patrick Fuller, un responsable de la Fédération internationale de la Croix-Rouge dans la ville d'Otsuchi, sur la côte. "La situation dépasse l'entendement. Presque tout a été réduit à l'état de ruines.

Suite à la reprise des télécommunications, 16 ressortissants français ont pu être contactés, ils sont sains et saufs. Seuls 4 Français restent pour l'heure injoignables.

Le coût du puissant séisme pourrait s'élever à 14.000 ou 15.000 milliards de yen (122 milliards d'euros), indique lundi Crédit Suisse dans une note de recherche.

Coupures d'électricité lundi

Selon les médias japonais, dans un communiqué publié sur le site de l'ambassade de France, l'opérateur Tepco prévoit de répartir les zones qu'elle dessert en cinq groupes et d'interrompre successivement la fourniture de courant par tranches de 3 heures, entre 10 h du matin et 18h  à partir de lundi. Ces mesures exceptionnelles concerneront les préfectures de Tokyo, Chiba, Gunma, Ibaraki, Kanagawa, Saitama, Tochigi et Yamanashi. Elles dureront au moins jusqu'à la fin du mois d'avril. Seuls, les trois arrondissements centraux de Tokyo : Chuo-ku, Chiyoda-ku, Minato-Ku, seront épargnés par ces mesures.

Un autre séisme?

L'agence météorologique du Japon a annoncé que les chances pour qu'il y ait un nouveau séisme d'une intensité supérieure à 5 était désormais de 40 % dans les trois jours à venir et non plus de 70 % comme craint précédemment.