Sur le front de l'emploi, l'Allemagne fait bien mieux que la France

Par latribune.fr  |   |  726  mots
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Le taux de chômage au sens du BIT s'est inscrit à 6,3% en Allemagne au premier trimestre contre 9,2% en France. Outre-Rhin, les entreprises ont des difficultés pour recruter tandis qu'en France, le nombre de demandeurs d'emploi ne diminue pas assez pour renverser les rapports de force avec les employeurs.

Mardi, l'office fédéral du travail en Allemagne a annoncé une nouvelle baisse du taux de chômage, de 7,3% en avril à 7% en mai. Au sens du BIT, le taux de chômage allemand s'établit désormais à 6,3% à la fin du premier trimestre. En France, selon les informations publiées par l'Insee ce mercredi, on est encore à 9,2% de la population active. Soit presque 50% de plus.

Cet écart s'explique en premier lieu par les niveaux d'activité. "L'emploi allemand est tiré par le rebond de l'économie depuis plusieurs trimestres", souligne Catherine Stephan, économiste à BNP Paribas. Le PIB allemand a progressé de 3,5% en 2010 et progressera à un niveau équivalent en 2011, avec une croissance de 2,7% déjà acquise à la mi-2011. La croissance française s'inscrit à des niveaux moindres : elle a progressé de 1,5% l'année dernière et présente un acquis de 1,6% à la mi-2011, selon les estimations révisées par l'Insee après les bons résultats du premier trimestre (+1%).

L'impact de la démographie ?

Le facteur démographique joue-t-il également sur l'état du marché du travail dans les deux pays ? En France, la population active croît sous la pression d'une démographie dynamique. Les réformes des retraites, en repoussant les âges de départ, accentueront tôt ou tard cette tendance haussière. En revanche, la population allemande a diminué en 2010. Cette décrue a atteint 1,3% au quatrième trimestre, en glissement annuel. "Aujourd'hui, je ne vois pas de répercussion de cette évolution sur le marché du travail, même s'il s'agit d'une préoccupation forte pour l'avenir", estime néanmoins Romain Sarron, économiste à Coe-Rexecode.

Choix de la flexibilité et de la modération salariale

Pour l'économiste, "l'Allemagne récolte les fruits des réformes menées dès les années 2000, avec les lois Hartz. Un consensus s'est créé dans le pays autour de l'idée de maintenir un nombre maximal de personnes dans l'emploi, rappelle-t-il, quitte à ce qu'il s'agisse d'emplois précaires. Le choix de la flexibilité et de la modération salariale a permis à l'Allemagne de préserver l'emploi pendant la crise au prix d'une forte réduction de la durée du travail."

"Aujourd'hui, l'activité - plus soutenue que prévu - se traduit par un retour des tensions sur les recrutements. Il y a à nouveau beaucoup d'emplois vacants et il devient plus difficile de proposer des emplois précaires. L'emploi durable est par ailleurs de retour", avance Romain Sarron. Pour Catherine Stephan, les besoins de main d'?uvre activent des "tensions croissantes et annoncent de nouvelles baisses du taux de chômage".

Avec une incertitude toutefois, depuis le 1er mai, les travailleurs tchèques, polonais, slovaques, slovènes, hongrois, estoniens, lituaniens et lettons sont libres de chercher du travail en Allemagne et en Autriche. "Ces entrées devraient relâcher les tensions sur le marché du travail, même si l'on ne sait pas encore quels types d'emplois seront concernés ni quelle ampleur aura le phénomène", souligne Catherine Stephan.

L'emploi bien orienté en France

De son côté, la France a enregistré en avril une baisse du nombre de demandeurs d'emplois pour le quatrième mois consécutif. Les indicateurs semblent bien orientés : "L'emploi a de nouveau progressé en mai dans le secteur manufacturier français, portant ainsi la période actuelle d'expansion à sept mois", a souligné l'institut d'études économiques Markit mercredi.

Le chômage français reste toutefois un chômage de masse (9,2%). Les salaires sont pris au piège de ce chômage élevé, qui joue en faveur des employeurs, même si l'indexation du Smic sur les prix et les négociations salariales évitent leur stagnation complète.

De plus, la situation française se distingue par un phénomène particulier, mis en lumière par l'Insee dès sa note de conjoncture de décembre : l'emploi s'est peu ajusté à la baisse de l'activité pendant la crise et a redémarré vite et tôt, dès 2010. "Soit il s'agit d'un effet structurel de tendance de production, qui posera à terme un problème de compétitivité, estime Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, soit l'ajustement de l'emploi n'est pas encore terminé". En d'autres termes, les entreprises pourraient éventuellement être tentées de limiter les embauches pour regagner en productivité, d'autant que la hausse actuelle des prix de production rogne leurs marges.