Cameron à l'épreuve du feu

Par Céline Tcheng et Frank Paul Weber, mise à jour par Latribune.fr  |   |  461  mots
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A peu près pacifique depuis un an, la protestation monte outre-Manche, alimentée par la cure d'austérité gouvernementale. Après quatre jour d'émeutes qui s'étendent et qui ont fait un mort, le Premier ministre David Cameron a annoncé mardi soir des renforts de police et la convocation d'une session extraordinaire du parlement jeudi.

L'Angleterre retenait son souffle mardi soir craignant une quatrième nuit d'émeutes dans les rues de ses grandes villes. Après les émeutes initiales dans les quartiers nord défavorisés de Londres samedi soir, violences, pillages et incendies ont aussi secoué lundi la deuxième ville du pays, Birmingham, Liverpool et Bristol. Un homme de 26 ans, grièvement blessé par balle lors des émeutes à Croydon, est décédé mardi. Rentré précipitamment de ses vacances en Toscane, le Premier ministre conservateur, David Cameron, a promis 10.000 policiers de plus dans les rues mardi soir et surtout aux émeutiers "qu'ils sentiront toute la force de la loi [...] et le châtiment".

Pourtant, ces violences semblent difficilement réductibles à un seul problème de maintien de l'ordre. En effet, les violences ont lieu principalement dans des quartiers et des villes où le chômage des jeunes (de 16 à 24 ans) est particulièrement élevé, explique à La Tribune Jonathan Wright, chercheur au Work Foundation, "think tank" spécialisé sur le travail au Royaume-Uni. C'est le cas, par exemple, à Liverpool ou à Hackney, un quartier du nord de Londres, où 35% des jeunes sont sans emploi contre un taux de 13% seulement dans le quartier huppé de Kensington, épargné par les violences. "On n'a pas de travail et pas de sous. On a entendu dire que d'autres personnes obtenaient des choses gratuitement, pourquoi pas nous ?", justifie un jeune de Hackney à Reuters. Près de 1 million de jeunes sont au chômage, soit 19,6% des jeunes Britanniques, rappelle Jonathan Wright.

Les jeunes laissés-pour-compte, c'est-à-dire qui ont quitté l'école, ne suivent pas de formation ou qui sont sans emploi (les "Neets : not in education, employment or training"), ont atteint fin 2010 pour la seule Angleterre le nombre de 938.000, soit plus de 300.000 de plus que dix ans auparavant. Et leurs perspectives sont tout sauf prometteuses. Non seulement l'économie britannique tourne au ralenti (0,7% de rythme annuel de croissance) mais la très rigoureuse austérité que David Cameron fait subir aux comptes publics ne devrait pas améliorer les choses. Le cabinet libéral-conservateur entend diviser par trois son déficit public en quatre ans - de 9,9% du PIB l'an dernier à 2,6% en 2014.

Les dépenses sociales et les transferts aux collectivités locales sont particulièrement visés par ces coupes claires. Du coup, le climat social se tend de plus en plus. A l'automne dernier, ce sont les étudiants qui manifestaient en masse devant Westminster. Au printemps, par deux fois, les syndicats ont mobilisé dans la rue contre l'austérité, notamment contre la suppression d'emplois publics. Ils se préparent à protester cet automne contre la réforme des retraites. Le coup de feu de jeunes dans les quartiers défavorisés anglais est le dernier avatar de la protestation.