Le Tigre celtique rebondit

Par Frank Paul Weber  |   |  904  mots
un marché à Dublin
Les entreprises irlandaises sont prêtes à embaucher de nouveau. Et la sévère cure d'austérité permet à Dublin de tenir ses engagements de réduction de son déficit, contrairement à la Grèce ou au Portugal.

Grèce, Portugal...Tous les pays de la zone euro sous perfusion vont mal ?

Non, l'Irlande vient mettre du baume au coeur des Européens. "Pour la première fois depuis quatre ans, l'économie irlandaise va croître" se félicite ainsi le directeur général d'Irish Business and Employer Confederation (IBEC), le Medef irlandais, Danny McCoy.

C'est en 2007, juste avant l'éclatement de la crise financière, que le Tigre celtique avait bondi une dernière fois, le Produit Intérieur Brut (PIB) irlandais progressant cette année-là de 5,2 % avant de s'effondrer depuis.

Cette année la croissance ne serait que de 0,8 % avant d'atteindre 2 % en 2012.

Mieux : le climat des affaires de l'IBEC de ce mois relevé auprès de 400 de ses membres, du secteur de l'industrie ou des services, signale qu'un quart des firmes prévoient de recruter de nouveaux employés d'ici trois mois alors que la moitié n'envisagent pas de modifier leurs effectifs. Ce qui signifie notamment que seul un quart des entrepreneurs pourraient procéder à la réduction de leurs équipes.

L'économie irlandais est portée par ses exportations. "En 2010, nous avons eu une année record pour l'export : cette année ce sera encore mieux" explique Danny McCoy.

"Notre business model n'a pas été cassé, même si notre secteur bancaire l'a été" résume-t-il.


Après la mise à jour de pertes abyssales de ses principales banques à l'été 2010, le déficit public avait explosé passant de 14,2 % du PIB en 2009 à 32 % en 2010.
Au prix de sévères coupes dans les dépenses de l'Etat, ce déficit devrait être ramené à environ 10 % du PIB cette année et "en dessous de 8,6 % du PIB" en 2012, assure le gouvernement de Dublin.

"L'ajustement est énorme et se poursuit : entre 2008 et 2015 c'est un montant d'économies de pas moins de 20 points du PIB irlandais", indique l'ambassadeur d'Irlande en France, Paul Kavanagh.

Parmi les pays percevant une aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) - Grèce, Portugal, voire quelques autres comme l'Espagne qui inquiètent les marchés financiers, l'Irlande est la seule à tenir les objectifs de déficit négociés avec ses bailleurs de fonds internationaux.

La croissance soutenue permet en effet de gonfler les recettes fiscales de Dublin : en septembre dernier, le Trésor public irlandais a engrangé 600 millions d'euros de plus qu'en septembre 2010. Au total sur les neuf premiers mois de cette année l'Etat a perçu 2,8 milliards d'euros de plus que sur la même période de 2010.

Avec les réductions de salaires notamment, l'économie irlandaise a regagné en compétitivité : ses coûts salariaux unitaires se sont améliorés de près de 20 % depuis 2008 par rapport à la moyenne de la zone euro.

Il reste toutefois quelques ombres à ce tableau de la verte Irlande.

"L'emploi est notre seul gros problème" avoue le directeur général du patronat.
"Le vrai test de notre reprise sera la vitesse de la baisse du chômage" juge-t-il.

En août dernier, le taux de chômage s'élevait encore à 14,5 % de la population active, contre à peine 4,5 % il y a quatre ans, juste avant la crise.

"2011 sera encore une année de croissance sans création d'emplois" estime Danny McCoy, espérant que 2012 et 2013 inverseront cette tendance.

Un des obstacles aux créations d'emploi est la difficulté pour les PME-PMI irlandaises à se refinancer auprès des banques.

"Cela demeure un défi de se financer pour les entreprises" rappelle Julie O'Neill, présidente d'IBEC.

"Les banques restent prudentes quant aux prêts aux firmes" précise-t-elle.

Depuis leur recapitalisation par l'Etat, les établissements financiers du pays sont pourtant "surcapitalisées" au regard de leur activité.

Aussi ce n'est pas un hasard si ce sont encore et toujours des multinationales qui créent des emplois dans le pays.

Lundi une filiale santé de l'assureur allemand Allianz a annoncé le recrutement de 150 personnes pour son siège à Dublin.

Fin septembre c'était le tour de Caci, une filiale d'assurance du Crédit Agricole, d'annoncer l'investissement de 3,2 millions d'euros dans un centre de recherche et développement dans la capitale irlandaise.

Mais la plus belle prise est sans conteste Twitter. La firme de microblogging a préféré Dublin à Londres pour installer son siège européen. La firme rejoint ainsi un bassin de célèbres firmes d'Internet, de Google à Facebook ou autres eBay.

Ces firmes sont aussi attirées par la fiscalité avantageuse pour els entreprises. A 12,5 % l'impôt irlandais sur les bénéfices des sociétés est un des plus bas d'Europe.

"Cette fiscalité est un des facteurs que ces investisseurs prennent en compte" acquiesce Anne-Marie Tierney, directrice Europe de l'Agence irlandaise de promotion des investissements (IDA).

"Mais ce n'est pas le seul", ajoute-t-elle.

"Pour notre maison mère à San Francisco, le bas impôt sur les sociétés en Irlande n'est pas la seule raison pour y investir : mes collègues apprécient aussi la haute qualification de la main d'?uvre, le fait qu'il s'agisse d'un site parlant anglais, la rapidité d'exécution en Irlande" explique la patronne des patrons irlandais, Julie O'Neill, directrice de Gilead Sciences, une firme pharmaceutique californienne.

En juin dernier, Paris avait renoncé à batailler ferme avec Dublin pour obliger cette dernière à élever son taux d'imposition sur les sociétés, jugé déloyal face au taux plus élevé pratiqué dans l'Hexagone.