La surrenchère protectionniste

Par Jérôme Marin, à New York  |   |  484  mots
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Le Sénat américain reproche à la Chine de détruire des emplois aux États-Unis, grâce à un yuan sous-évalué qui facilite ses exportations. Un texte de loi taxant les produits qui profitent d'un dumping monétaire devait être adopté mardi soir.

C'est une guerre commerciale que menace de déclencher une majorité bipartisane du Congrès américain. Tel est en tout cas l'avis d'une partie des républicains, qui conteste la position de certains des leurs et de nombreux démocrates. Le Sénat devait adopter mardi soir un projet de loi controversé visant à sanctionner les pays dont la monnaie est sous-évaluée. Ce texte prévoit notamment la mise en place de droits de douane supplémentaires sur les importations en provenance de ces pays. Avec une cible claire : la Chine. « Tous les jours nous perdons des emplois à cause de pratiques chinoises inéquitables, justifie le sénateur de New York, Charles Schumer. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. »

Depuis le desserrement, en juin 2010, de l'étau imposé par Pékin sur les changes, le yuan s'est certes apprécié face au dollar. Mais cela reste largement insuffisant : la devise chinoise serait encore sous-évaluée d'au moins 25 %, voire même de 40 %, estiment les responsables politiques américains. Le déficit commercial envers la Chine ne cesse de se creuser. Il a atteint 273 milliards de dollars l'an passé, un record, et devrait dépasser la barre des 300 milliards cette année. « La Chine a été très offensive pour fausser le système des échanges commerciaux à son avantage et aux dépens d'autres pays, en particulier des États-Unis », a lancé la semaine dernière Barack Obama. Et Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, de renchérir : « La politique de change chinoise pénalise le processus de reprise. »

Si ces accusations sont largement partagées au sein de la classe politique, démocrates et républicains divergent sur les moyens d'action. Les premiers veulent taper vite et fort quand leurs opposants demeurent plus prudents. « Nous pourrions déclencher une guerre commerciale, prévient John Boehner. Mais compte tenu de l'incertitude économique, cela serait très dangereux ». Le plus haut responsable républicain du Congrès a d'ailleurs déjà enterré ce projet de loi, en refusant de le présenter devant la Chambre des représentants. Son constat est partagé par les organisations probusiness. « De telles actions unilatérales provoqueraient des représailles chinoises destructrices pour l'économie américaine », explique Bruce Josten de la chambre de commerce américaine. « Cette proposition désastreuse susciterait une guerre commerciale qui ne profiterait à personne », ajoutent les conservateurs du Club for Growth.

Soucieuse de ménager l'Organisation mondiale du commerce, et de ne pas se fâcher avec un partenaire désormais incontournable, la Maison-Blanche n'a pas donné de consignes de vote limpides, le président s'interrogeant même sur l'efficacité d'un tel texte. En Chine, mardi, les médias sortaient l'artillerie lourde, comparant le texte à une loi américaine datant de 1930, le Smoot-Hawlet Tariff Act, qui avait exacerbé la crise en grippant les échanges internationaux.