Les États européens cherchent une sortie au nucléaire

Par Par Audrey Tonnelier  |   |  726  mots
La Tribune Infographie
Après l'Allemagne, la Suisse et l'Italie, le projet belge d'arrêt de ses réacteurs relance le débat sur l'avenir de l'atome. Les producteurs, GDF Suez en tête, se préparent au bras de fer. Mais les alternatives à court terme restent à trouver.

L'onde de choc de la catastrophe nucléaire de Fukushima, en mars dernier, n'en finit pas de se propager. Après l'Allemagne, la Belgique annonce une sortie du nucléaire. Le calendrier précis de fermeture des deux centrales du pays, l'une en Flandre, l'autre en Wallonie, n'est pas encore fixé. Mais le pays projette d'arrêter trois de ses sept réacteurs d'ici à 2015, et les autres d'ici à 2025. Un horizon bien plus proche que ceux envisagés au printemps dernier par la Suisse (2034) ou même l'Allemagne, en 2022. Les Italiens avaient, eux, exclu un retour au nucléaire par référendum à la mi-juin.

La réaction d'Electrabel, filiale belge de GDF Suez et seul opérateur nucléaire du pays, ne s'est pas faite attendre. Les dirigeants ont indiqué « préparer la mise à l'arrêt dès 2015 des unités concernées ». Mais ont agité le spectre d'une « augmentation des importations d'électricité (...) et donc une dépendance accrue vis-à-vis des pays voisins, un impact négatif sur le bilan CO2 du pays, puisque les unités nucléaires mises à l'arrêt seront remplacées par des centrales thermiques et une hausse plus que probable des prix de l'électricité ». Ils ne se sont pas privés non plus de rappeler qu'après avoir investi 500 millions d'euros dans les trois réacteurs les plus anciens au cours des cinq dernières années, il leur appartenait encore de décider d'y affecter ou non 1 milliard d'euros supplémentaire...

Au-delà du ton volontairement menaçant de ces propos, l'annonce belge pose la question des conditions de sortie du nucléaire. La décision de Bruxelles a été prise le week-end dernier dans un contexte particulier : celui de la formation d'un nouveau gouvernement, sous la houlette du Premier ministre socialiste Elio Di Rupo, le premier depuis la chute du précédent en... avril 2010. Surtout, l'enjeu va consister à trouver des alternatives crédibles à l'atome, dans un pays qui est le deuxième plus gros consommateur d'énergie nucléaire par rapport à son mix énergétique (55 %) en Europe de l'Ouest. Loin devant l'Allemagne et ses quelque 25 % d'électricité issus du nucléaire...

Or, tout reste à faire. Une fois entré en fonction, le nouveau gouvernement aura six mois pour proposer un plan de remplacement des centrales par de nouvelles énergies, notamment l'éolien. Ce n'est qu'ensuite que sera fixée la date effective de fermeture des premiers réacteurs. Comparées aux 5,7 gigawatts (GW) des centrales en fonctionnement, les centrales belges au gaz et au charbon ont une puissance de 5 GW, et l'éolien représentait une capacité de production de 911 mégawatts en 2010. L'objectif affiché du gouvernement est d'atteindre près de 6,3 GW d'énergie éolienne à l'horizon 2020, dont 2,8 GW en mer du Nord. Mais le débat fait rage entre les partisans de cette solution, et ceux qui, faute de capacités rapidement utilisables, redoutent une pénurie d'électricité dans les prochaines années.

Investissements et taxe

Car le débat n'est pas nouveau. En 1986 déjà, après la catastrophe de Tchernobyl, les pays gros producteurs d'énergie nucléaire après la France (Belgique, Allemagne, Suède notamment) avaient tenté de renoncer à l'atome. La loi belge prévoyait d'ailleurs l'arrêt progressif des réacteurs entre 2015 et 2025 depuis... 2003. Mais à l'automne 2009, faute de solutions, Bruxelles s'était engagé à prolonger de dix ans les trois plus vieux réacteurs, en échange de quelque 250 millions d'euros par an de taxe sur la « rente nucléaire » des exploitants, GDF Suez en tête. L'accord semble aujourd'hui caduque. Il laisse cependant augurer d'un bras de fer entre les deux parties. Selon les informations de nos confrères du quotidien « L'Echo », le rapport de conclusion des « stress tests » d'Electrabel, passés par le groupe comme par l'ensemble du secteur, « recommande des investissements importants à réaliser principalement sur les trois premiers réacteurs pour renforcer leur résistance aux différentes possibilités de risques, mais aussi leur fonctionnement ». « La question est de savoir maintenant si le montant de ces investissements en vaudra la peine au regard des décisions sur le prolongement ou non de la durée d'exploitation [des centrales] » souligne « L'Echo ». Un argument de négociation supplémentaire pour l'industriel, déjà en froid avec l'État belge qui veut augmenter la taxe sur « la rente nucléaire ».