Crise de la dette : Merkel, capitaine malgré elle

Par Frank Paul Weber, à Berlin  |   |  548  mots
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Les instruments comme le fonds de sauvetage ne sont que "des solutions provisoires" pour les chrétiens-démocrates réunis en congrès. Pourtant, la base du parti de la chancelière continue de défendre l'indépendance de la Banque centrale européenne. Au grand dam de Paris qui élargirait bien ses prérogatives.

Souvent accusée d'attentisme, la chancelière allemande Angela Merkel passe à l'offensive. Devant les délégués de son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), réunis en congrès à Leipzig (ex-RDA), la chancelière a exhorté à « remédier aux faiblesses du traité de Lisbonne » pour une meilleure gouvernance de la zone euro. Après s'être plainte que « les règles en vigueur du Pacte de stabilité européen ont été soixante fois bafouées », la chancelière a souligné « vouloir de réels mécanismes de sanctions automatiques » pour les États membres de la zone euro qui ne respectent pas le Pacte. À cet effet, la direction de la CDU veut faire voter par ses adhérents le principe d'une modification des traités européens afin d'y intégrer ces sanctions pour violation du Pacte de stabilité. Un recours devant la Cour européenne de justice pour non-respect du Pacte doit être prévu dans les traités de l'Union européenne (UE). Mais la base du parti pousse même plus loin.

Ses adhérents ont non seulement fait inscrire dans la motion du congrès l'attachement de la CDU « à l'indépendance de la BCE et de la Bundesbank », ainsi que « la stricte séparation des politiques monétaire et budgétaire » mais aussi une modification des statuts de la BCE. « La CDU s'engage pour [...] que les présidents des banques centrales nationales votent à l'avenir pour toutes les décisions du Conseil de la BCE avec des voix pondérées selon le poids de leur économie nationale », indique le texte final du congrès, amendé par la base et accepté par la direction du parti. Les chrétiens-démocrates se font ainsi l'écho de positions défendues chez leurs partenaires de coalition, les libéraux du FDP (voir l'interview du député libéral Frank Schäffler). La référence à l'indépendance de la BCE est une pierre dans le jardin de la France.

À Berlin, on considère en effet que Paris essaie encore et toujours de parvenir au même but dans les discussions sur les instruments pour sortir de la crise : impliquer la BCE dans le sauvetage. « La BCE exerce ses responsabilités mais elle ne fait pas partie du dispositif », clarifie un responsable gouvernemental. La solution privilégiée à court terme est donc d'utiliser le Fonds européen de stabilité financière (FESF) mais en le renforçant via le mécanisme d'assurance et de garanties, évoqué lors du dernier sommet européen. « Le FESF n'est qu'une solution provisoire », a d'ailleurs précisé lundi, à Leipzig, le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble. Au sein du gouvernement de la chancelière, on est en effet convaincu que le FESF ne saurait être mobilisé pour soutenir l'Italie et sa dette abyssale de 1.900 milliards d'euros. « Ce n'est pas faisable et s'il en était question, la note triple A de la France serait menacée : les marchés ne croiraient jamais que la France et l'Allemagne puissent soutenir toutes seules l'Italie », nuance-t-on dans la capitale allemande.

Hormis la révision rapide des traités européens, « l'urgence » désormais pour Berlin est de prendre « le virage des réformes structurelles, de la formation des jeunes à la restructuration des marchés du travail ».