Londres face à son destin européen

Par Eric Albert, à Londres  |   |  698  mots
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La lutte est ouverte outre-Manche entre les plus "europhobes", qui souhaitent un retrait de l'UE, et ceux qui veulent une réconciliation avec Bruxelles. David Cameron, Premier ministre, a, hier devant les Communes, affirmé l'ancrage de son pays dans l'Union européenne.

Le Royaume-Uni demeure un membre à part entière de l'Union Européenne. » Comme s'il y avait besoin de le rappeler, David Cameron a enfoncé quelques évidences ce lundi devant une chambre des communes chauffée à blanc. Le Premier ministre britannique, après la pose de son veto dans la nuit de jeudi à vendredi dernier à un accord européen, a tenu à arrêter immédiatement la dangereuse dérive dans laquelle il se trouve, presque par inadvertance. « Rien n'a changé. Etre dans l'Union Européenne est vital pour nos intérêts nationaux. Nous sommes dans l'UE et nous souhaitons l'être. »

Renégociation plus large

Ce besoin de rappeler qu'il n'est pas question pour lui de quitter l'UE s'explique facilement : il suffit d'écouter la frange la plus europhobe de ses députés conservateurs pour comprendre. Il y a deux mois, ceux-ci réclamaient à grands cris un référendum sur l'Europe mais avaient fait face à une fin de non-recevoir sans appel. Et soudain, voilà leurs voeux exaucés. L'isolement du Royaume-Uni est pour eux l'occasion d'entamer une renégociation beaucoup plus large sur les relations entre Bruxelles et Londres. Si pratiquement aucun d'entre eux n'appelle ouvertement à sortir de l'Europe, certains commencent à comparer la position du Royaume-Uni à celle de la Suisse plutôt qu'à celle d'un membre à part entière. « Je tiens à féliciter le premier ministre d'avoir montré l'esprit du bouledogue (symbole de l'indépendance britannique) », lance Andrew Rosindell, l'un des députés les plus antieuropéens qui poursuit : « va-t-il désormais discuter de nos intérêts de long terme avec les autres pays de l'Espace économique européen, comme la Suisse ou la Turquie ? » Nigel Dodds, autre eurosceptique, ajoute : « Quel est la prochaine étape pour changer notre relation avec l'Europe et s'éloigner d'une union politique, pour aller plus vers une zone de libre-échange ? » David Cameron leur a répondu sèchement : il n'est pas question de se comparer à la Suisse (« notre intérêt est d'être dedans, plutôt que dehors ») et n'a pas l'intention d'appeler à un référendum (« il n'y en a pas besoin puisqu'il n'y a pas de transfert de souveraineté de Londres vers Bruxelles »).

Si le leader britannique a tenu à calmer immédiatement leurs ardeurs, c'est aussi parce qu'une grande partie de la chambre des communes est furieuse du veto. À commencer par Nick Clegg, le vice Premier ministre, et leader des libéraux démocrates, le parti le plus europhile du Royaume-Uni. Brillant par son absence au parlement pendant le débat, il avait lancé la contre-attaque dimanche : « Je suis amèrement déçu, parce que je crois que le vrai danger est que le Royaume-Uni soit progressivement marginalisé et isolé à l'intérieur de l'Union Européenne. Je ne crois pas que ce soit bon pour l'emploi, que ce soit à la City ou ailleurs. » L'opposition travailliste parle également de « catastrophe diplomatique. » « C'est la plus grande erreur politique depuis une génération », accuse Ed Miliband, leur leader.

Redresser la barre

Mais comment David Cameron en est-il arrivé là ? En partie, l'explication remonte à 2005. Pour se faire élire à la tête des conservateurs, il avait passé un accord avec les eurosceptiques, promettant de se retirer du Parti Populaire Européen (PPE), le groupement de centre-droit du parlement européen. Ce sera chose faite, en traînant les pieds, en 2009. Cette décision apparemment sans graves conséquences s'est retournée contre lui quand il n'a pas été convié à un sommet des leaders du PPE à Marseille la veille de la réunion de Bruxelles la semaine dernière. Alors que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont rencontrés à plusieurs reprises les jours précédents, que le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, est passé par Francfort, Berlin, Paris, Marseille et Milan, David Cameron est resté dans la périphérie. C'est ainsi qu'il a pris à dépourvu les pays qui auraient pu être ses alliés - par exemple ceux qui ne sont pas dans la zone euro. Il doit désormais tenter de redresser la barre, et persuader ses partenaires que le Royaume-Uni n'a pas l'intention de rester isolé de façon permanente.