Le nouveau président rappelé à la réalité par la presse étrangère

Par Marina Torre et Julien Bonnet (avec agences)  |   |  1237  mots
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Austérité, dette, cohabitation avec Angela Merkel... pour les médias internationaux, d'épais dossiers économiques attendent le futur occupant de l'Elysée.

Aux Etats-Unis, le Wall Street Journal définit François Hollande comme un homme "qui a promis de transférer sur les épaules des plus riches le fardeau des difficultés économiques et de résoudre la crise de la dette souveraine dans la zone euro en allégeant (...) l'austérité". Le quotidien économique réputé conservateur évoque la menace d'une hausse des taux d'emprunt français si les investisseurs en venaient "à craindre que le président nouvellement élu ne tient pas sérieusement ses engagements de réduction des déficits" et rappelle le niveau de dette élevé que connaît le pays.

Au lendemain de l'élection, le Financial Times met de son côté l'accent sur les défis qui attendent François Hollande. Ce dernier disposera "de bien peu de temps pour savourer sa victoire". Très vite, le jugement des marchés pourrait  venir sanctionner la politique de celui qui présentait le monde de la finance comme son "ennemi", rappelle le "FT" qui ajoute : "Maintenant, il doit montrer qu'il est capable de gouverner dans les circonstances les plus difficiles".

The Independant (Grande-Bretagne): un dirigeant qui impose l'austérité peut-il être réélu ?

Le journal britannique The Independant, titre "François Hollande a gagné les esprits, mais pas les c?urs". Le quotidien explique que la marge de man?uvre du nouveau président français sera réduite. Selon lui, quand l'argent manque, il est impossible de faire des "promesses extravagantes" tandis que les "contraintes européennes limitent les options". The Independant s'interroge également sur le sens de la défaite de Nicolas Sarkozy. Cette dernière constitue "peut-être bien un rejet de sa personnalité. Mais qui pose la question de la capacité pour un dirigeant, quelque soit son parti, d'imposer le degré d'austérité rendu nécessaire par le marché financier et d'être réélu".

Dans son analyse économique de l'élection, le quotidien britannique plutôt proche des travaillistes The Guardian indique que François Hollande hérite d'une situation économique pire que celle qui avait été annoncée par le gouvernement sortant. Citant des "sources diplomatiques allemandes", le journal révèle que l'équipe du futur président se prépare à cette situation, et l'aurait écrit dans son "mémorandum sur la croissance" envoyé aux chancelleries.

Plutôt conservateur, le Daily Telegraph craint que la France ne soit "au bord de la faillite" et attend les explications de François Hollande sur sa méthode pour venir au secours de l'économie française.

Par ailleurs, en Irlande, où doit se tenir fin mai un référendum sur le pacte budgétaire européen, l'Irish Times estime que "les résultats français et grecs mettent en question les plans de l'Union européenne contre la crise de la dette".

Die Welt (Allemagne): le rejet du système Merkel

En Allemagne, le Financial Times Deutschland, évoquait ainsi un "tournant, pour Angela Merkel ". La chancelière allemande avait soutenu Nicolas Sarkozy. Et cette victoire de François Hollande serait " très déplaisante pour Merkel. Non pas parce que Hollande menacerait le sauvetage de l'euro. Mais parce que sa demande de compléter le pacte fiscal par des mesures de croissance touche à la suprématie de la chancelière en Europe ". Même type d'analyse pour Die Welt qui considère de son côté qu'avec les élections en France et en Grèce, c'est le système Merkel qui se voit rejeté. Pour le Stuttgarter Zeitung, un nouvel axe "Paris-Berlin" doit se dessiner au plus vite. Alors que l'Union européenne "est peut-être confrontée à l'un de ses plus grands défis", Angela Merkel et François Hollande devront surmonter leurs divergences rapidement.  De son côté, le Tagesspiegel berlinois (gauche) estime que la France "quitte symboliquement l'Europe du Nord pour le Sud, en termes d'éloignement de la discipline budgétaire ", tandis que l'Allemagne souffrirait de "peu, trop peu, d'alliés".

Corriere della Sera (Italie): "basta austerity"

Quasi unanime, la presse italienne salue la victoire de François Hollande. Le Corriere della Sera, titre "Virage à gauche pour la France, un nouveau début pour l'Europe". Pour le premier journal italien, "l'austérité ca suffit" ("basta austerity") et dans le "match avec Berlin sur la croissance. Hollande gagne, c'est le début du grand défi en Europe". Pour le correspondant du Corriere à Paris, les Français ont choisi un "homme normal, un leader sans charisme", ce qui représente "un choix défensif, contre l'Europe des sacrifices sans équité, de la rigueur sans croissance". Même son de cloche du côté de La Repubblica  qui se félicite du "retour au pouvoir d'un socialiste à l'Elysée après 17 ans", et cite la volonté de François Hollande de faire bouger les lignes sur la politique économique dans l'Union européenne. Pour le quotidien économique Il Sole 24 Ore, ce résultat est la preuve que "l'austérité n'est pas une fatalité" et François Hollande est présenté comme un homme politique "modéré, un social-démocrate, un homme tranquille. Qui veut changer sans bouleverser".

El Mundo (Espagne) : vers une "cohabitation compliquée" avec Merkel

En Espagne, où la campagne présidentielle avait été particulièrement suivie, la presse est plus partagée. "Hollande impulse une autre Europe", tire El Pais qui rappelle sa volonté de renégocier le traité budgétaire européen. Le quotidien revient également sur la carrière de Nicolas Sarkozy, "animal politique" et douzième chef de gouvernement à faire les frais de la crise. Pour El Mundo d'ailleurs, "la victoire de Hollande ouvre la voie à l'incertitude en Europe" et aborde dans un éditorial "la cohabitation compliquée" qui s'annonce avec la chancelière Angela Merkel. Le quotidien ABC est du même avis et rappelle que Berlin ne cédera pas sur la question des eurobonds ou d'une éventuelle contribution allemande à un plan de relance européen.

Jornal de Negociaos (Portugal) : "L'Allemagne a perdu les élections"

Au Portugal, le journal économique Jornal de Negocios considère que "L'Allemagne a perdu les élections"."Voici venu le tour de la politique. Vive la France, car si la France ne va pas de l'avant, nous ne vivrons pas non plus", ajoute-t-il. La décision allemande de préparer un "pacte de croissance" en témoignerait. Le grand défi de Hollande "sera de concilier ses propositions avec la conjoncture interne et les stratégies de Berlin", avertit de son côté le quotidien de référence Diario de Noticias.

Ta Nea (Grèce) : "une promesse de croissance"

Les médias grecs accordent également de la place à cette élection française, au lendemain d'un scrutin législatif dans le pays. Le quotidien pro-gouvernemental Ta Nea consacre quatre pages à la victoire de François Hollande qui représenterait "une promesse de croissance pour les peuples d'Europe du sud". Le journal économique Naftemboriki titre sur ce "renversement de la politique européenne" qui voit le candidat socialiste investi d'un mandat suffisamment fort pour "remettre en cause les recettes d'austérité prônées par la chancelière allemande Angela Merkel".

Kommersant (Russie) : "République socialiste française"

"République socialiste française", titrait le journal Kommersant en Russie, où l'actualité était surtout marquée par l'intronisation de Vladimir Poutine. "Les Français on voulu prendre le risque du changement", commente le quotidien.