Moscou pratique la crispation diplomatique

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  461  mots
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A peine revenu à la présidence, Vladimir Poutine opère un virage. Il snobe le G8 qui se tient ce week-end et renforce les liens avec ce qu'il lui reste de vassaux parmi les satellites de l'ex-URSS.

Le troisième mandat de Vladimir Poutine démarre par un refroidissement très net des relations avec l'Ouest. Il ne se rendra pas au sommet du G8 à Camp David en fin de semaine, mais enverra à sa place son premier ministre Dmitri Medvedev. C'est la première fois depuis 1998, date à laquelle la Russie a été invitée au G8, qu'un président russe manque ce rendez-vous.

Formation du nouveau gouvernement

Raison invoquée : des consultations en vue de la formation du nouveau gouvernement. Mais les observateurs notent l'irritation de la Russie envers l'installation d'un bouclier anti-missile américain en Europe. Vladimir Poutine veut aussi éviter d'avoir à répondre aux critiques de ses homologues et de la presse à propos de la répression des manifestations quasi quotidiennes de l'opposition à Moscou.

Durant la campagne présidentielle, Vladimir Poutine a accusé le département d'Etat américain de payer les manifestants. Le Kremlin garde aussi en travers de la gorge la rencontre entre le nouvel ambassadeur américain et quelques leaders de l'opposition russe, et, d'une manière générale, les critiques cccidentales sur la tenue des élections russes, jugées peu démocratiques et entachées de fraude électorale massive.

Cap sur Minsk

A la place de Washington, Vladimir Poutine choisit de se rendre à Minsk pour sa première visite officielle. C'est tout un symbole. Isolé diplomatiquement, surnommé "le dernier dictateur d'Europe", le président biélorusse Alexandre Loukachenko est ravi de recevoir son homologue russe. Moscou livre son gaz à Minsk à un prix deux fois inférieur au prix qu'il fait payer à l'Ukraine (soit trois milliards de dollars de pertes sèches pour Gazprom en 2012).

Le Belarus se voit offrir des prêts généreux venant des banques d'Etat russes (jusqu'à 5 milliards de dollars). En échange, Alexandre Loukachenko est prié de privatiser toute une série d'actifs industriels (de préférence au profit de groupes russes), ce qu'il refuse de faire. Au final, Vladimir Poutine se contente d'un soutien politique de son petit voisin, dont l'économie dirigée traverse une grave crise. Il faut se souvenir qu'il y a encore quelques mois, les chefs d'Etat biélorusses et russes s'échangeaient encore des insultes.

Etats-clients

Moscou n'a pas de vrais amis, mais des Etats-clients de gaz bon marché. L'Ukraine est très fâchée de devoir payer des tarifs européens et les relations entre le président Viktor Ianoukovitch - pourtant réputé prorusse - et son homologue russe demeurent glaciales. Le Kremlin n'est pas parvenu à rétablir son autorité sur Kiev, et mise dorénavant sur le Belarus et le Kazakhstan pour constituer un bloc économique et politique cohérent. Et tant pis s'ils ne peuvent lui apporter ni nouvelles technologies, ni opportunités de croissance.