Le Chili va construire un gigantesque barrage en Patagonie

Par Cécile Barbière, à Santiago du Chili  |   |  527  mots
Le projet de barrage a fait l'objet d'une forte contestation comme ici à Santiago le 20 mai /Copyright AFP
Pour faire face à la crise énergétique, le Chili mise sur les énergies renouvelables, notamment hydrauliques avec la construction de cinq barrages. Mais au détriment de la conservation de son patrimoine naturel.

Hidroaysen, le titanesque projet de cinq barrages hydroélectriques en Patagonie chilienne, vient d'obtenir, après trois ans de procédure, le feu vert de la Court suprême. Cette dernière a finalement rejeté les six recours déposés par diverses organisations citoyennes et de protection de l'environnement, levant ainsi le dernier obstacle légal au lancement de la construction.

L'énergivore production de cuivre

La centrale hydroélectrique aura une capacité de 2.750 MW pour une production annuelle de 18.430 GWh. Mené par le géant italien de l'électricité Enel, via sa filiale Endesa-Chile (51%) en association avec l'entreprise chilienne Colbún (49%), le projet est estimé à 5 milliards de dollars. Et devrait surtout pourvoir à une partie des besoins énergétiques colossaux du premier producteur mondial de cuivre.

Le Chili possède aujourd'hui une capacité de production de 16.970 MW et projette d'augmenter sa capacité de 8.000 MW d'ici 2020. Un défi nécessaire afin de réduire sa dépendance énergétique auprès de ses voisins, l'Argentine ou le Pérou, répondre aux besoins énergivores croissant de ses mines de cuivre et enfin baisser le prix de son électricité, un des plus élevés du monde.

Le pays importe 70% de son énergie

Pour ce faire, les options restent limitées. Le pays, qui doit importer plus de 70% de son énergie, est pauvre en énergies fossiles et hautement sismique. Après le tremblement de terre de force 8,8 survenu en février 2010, mais surtout suite à la catastrophe de Fukushima au Japon, l'option du nucléaire un temps envisagée n'en est plus une.

Le relais de croissance énergétique devrait donc provenir des énergies renouvelables non-conventionnelles (ERNC), notamment solaire, éolien et hydroélectrique. Si elles ne représentent aujourd'hui que 3% de la production nationale, les énergies renouvelables sont au c?ur de la nouvelle stratégie énergétique nationale. Elle fixe comme ambition d'atteindre un taux de 20% de la production d'énergie grâce aux ERNC d'ici à 2020.

Opposition locale et nationale

Mais en dépit de l'urgence énergétique, de nombreuses voix s'élèvent contre Hidroaysen, dénonçant son impact environnemental et son manque d'efficience. Depuis son annonce en 2006, le projet a connu un parcours semé d'embûches, passant péniblement les étapes de validation environnementale et faisant face à une opposition locale et nationale importante. Face à ce chemin de croix, la compagnie Colbún a même fini par émettre des réserves sur la faisabilité du projet dans le contexte actuel.

Près de 6.000 hectares de terre vierge inondés

Construit en Patagonie, à l'extrême nord du pays, les cinq barrages d'Hidroaysen porteront une marque indélébile sur une des régions les plus sauvages et préservées du monde. Ce sont 11 réserves naturelles, 5 parcs nationaux ainsi que 23.000 hectares qui seront touchés par l'implantation de la super centrale. Sans compter les 5.910 hectares de terre vierge inondés.

Autre paramètre, l'acheminement de l'électricité entre la reculée région d'Aysen jusqu'à la capitale Santiago du Chili passera par la construction 5.000 poteaux électriques traversant le pays sur près de 2.200 km. Ce qui provoquerait une perte importante de l'énergie produite (jusqu'à 30%).