L'Argentine a fini de rembourser ses dettes

Par Fabien Piliu, avec l'AFP  |   |  742  mots
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Les derniers porteurs de titres émis par l'Etat argentin en 2001 seront remboursés ce vendredi. La crise de la dette argentine a provoqué de nombreuses plaies, encore béantes, dans la société argentine.

Le compte à rebours s?achève aujourd?hui. Onze ans après la crise de la dette qui a secoué son économie, l?Etat argentin procédera aux derniers remboursements aux porteurs de titres qu?il avait émis en 2001 lors du gel des avoirs bancaires. Un gel à qui le gouvernement avait alors donné le nom de « corralito », c'est-à-dire petit enclos.

Pour célébrer l?événement, un compte à rebours a été installé sur écrans plats au MECON, le ministère de l'Economie. A quelques milliers de kilomètres, en plein centre de Manhattan, à Times Square, un autre panneau affiche depuis 1989 la progression constante de la dette américaine. Un panneau qui a dû être changé en 2011 car il ne pouvait afficher l?intégralité des chiffres?

La page se tourne vraiment  ?

Parmi les inscriptions défilant sur ce panneau installé à quelques centaines de mètres de la place de mai, on pouvait notamment lire « sans dette, nous sommes davantage libres ». « Une période historique se referme. Ce que nous allons rembourser maintenant n'est rien d'autre que ce que les banques auraient dû rembourser aux citoyens », a déclaré jeudi soir Cristina Kirchner, la présidente argentine lors d'un discours prononcé à la Bourse de Buenos Aires.

Concrètement, l'Argentine remboursera aujourd?hui 2,3 milliards de dollars, soit 1,86 milliard d'euros aux porteurs de titres. Le montant total de l?emprunt par émission de titres s?élevait à 19,6 milliards de dollars, soit 15,9 milliards d'euros. La fin du corralito que le gouvernement annoncera ce vendredi ne referme pas pour autant les souffrances que cette dette a provoquées dans la société argentine.

Eviter la fuite des capitaux

« La fin du corralito est un récit officiel. Pour des milliers d'entre nous, il est loin d'être fini », a expliqué à l'AFP Hugo Vazquez, le secrétaire de « l'Association des personnes lésées par le défaut », en référence à tous les procès encore en cours et aux vies brisées.

Entré en vigueur le 3 décembre 2001, le corralito a été mis en place pour stopper les retraits de liquidités des citoyens en 2001. Au total, 22 milliards de dollars ou 18 milliards d'euros avaient été retirés en en moins de trois mois. Le corralito limitait les retraits d'argent à 250 pesos par semaine et interdisait tout envoi de fonds à l'extérieur, pour lutter contre la fuite des capitaux. Prévue à l'origine pour une durée de 90 jours, ce dispositif provoqua la panique, chacun tentant de retirer ses dépôts des banques. Il entraîna la chute du gouvernement de Fernando de la Rúa trois semaines plus tard.

Un lourd tribut pour les Argentins

En gelant les avoirs bancaires dont le montant s?élevait à 70 milliards de dollars, Domingo Cavallo, le ministre de l?Economie a certes empêché la chute des banques mais il a déclenché le plus important défaut de paiement de l'histoire: 100 milliards de dollars (75 milliards d'euros). « C'était une fuite en avant. Au lieu de changer de politique économique, on prend alors une décision désespérée qui ne fait qu'aggraver la situation », a déclaré l'ancien ministre argentin de l'Economie Roberto Lavagna (2002-2005), dans une interview avec l'AFP.

Pour beaucoup d?Argentins, le corralito a eu des conséquences dramatiques. « J'avais été licencié et j?avais placé mon indemnisation sur un compte en dollars à la Scotianbank. Mon épouse avait une maladie rare et je n'ai pas pu retirer un seul cent de dollar pour payer ses traitements. La Scotianbank a quitté l'Argentine sans rembourser ses clients et nous avons dû vendre une petite maison, au pire moment, à la moitié de sa valeur », raconte Alberto Aran à l'AFP.

Tous les comptes ne sont pas soldés

Beaucoup ont récupéré leurs dépôts grâce à des décisions de justice. Mais des milliers d'autres se battent encore. Norma Rodriguez, se bat pour 4.106 dollars (3.371 euros). « J'avais un compte en dollars et on voulait me rendre des pesos. Certains ont accepté des pesos, d'autres des titres, moi ni l'un ni l'autre », explique-t-elle à l'AFP.

"On donnait un titre à un épargnant, mais comme il avait besoin d'argent, il le revendait à une banque : s'il valait 100, on lui en donnait 60. Aujourd'hui, alors que le gouvernement annonce la fin du corralito, ce même titre est payé 100 dollars, mais c'est la banque qui encaisse ! », se souvient Eugenio Artaza, le sénateur radical, membre de l?opposition qui a pris la défense des épargnants.