En Espagne, il faut sauver le foot quoi qu'il en coûte

Par Grégory Noirot, à Madrid  |   |  547  mots
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Bien que ses propres finances soient dans une situation délicate, la communauté autonome de Valence va devoir voler au secours de plusieurs de ses clubs de football, étranglés par les dettes.

Alors que les finances publiques de l'Espagne sont toujorus dans une situation bien précaire, c'est un euphémisme , la région de Valence s'apprête à venir au secours d'une équipe... de football. Cette collectivité locale autonome - la Communauté valencienne -, située sur la côte méditerranéenne, pourrait éponger une partie de la dette du club local, le Valencia CF. Et se convertir, de facto, en principal actionnaire de l'entité sportive. Plombé par une gestion chaotique et un projet de construction d'un stade gelé depuis 2009, le club est dans l'incapacité de faire face au remboursement d'un prêt de 86 millions d'euros accordé en 2011 par Bankia. Une opération dont la Région s'était portée garante...

Fin janvier, le vice-président de la Generalitat de Valence, José Ciscar, a confirmé que la collectivité ne lâcherait pas cette vitrine sportive: « Nous sommes conscients de l'importance que le Valencia CF a pour la société valencienne et nous allons faire le nécessaire pour que le club continue de la meilleure manière possible. » La Région pourrait faire de même pour deux autres clubs, à Elche et à Alicante, eux aussi asphyxiés par les dettes. Au total, l'ardoise pourrait s'élever à 118 millions d'euros...Alors que, pour remettre ses finances à flot, cette Région, comme d'autres en Espagne, multiplie les coupes budgétaires dans l'éducation et la santé, ce soutien aux clubs de foot a irrité l'opposition, qui s'insurge contre la gestion du Parti populaire (centre droit), en charge de l'exécutif valencien depuis 1995.À gauche, le député de Izquierda Unida, Ricardo Sixto, note : « C'est terrible de le constater, mais c'est le football qui passe en premier, alors qu'on est en plein dans une situation économique et sociale effrayante ». D'autant qu'il s'agit de la deuxième Région la plus endettée du pays aujourd'hui. Autrefois louée pour son dynamisme, qualifiée de « Californie européenne », Valence a longtemps misé sur le sport, décrochant l'organisation d'un Grand Prix de F1 et l'organisation de la Coupe de l'America. Autant d'in-vestissements pharaoniques qui ont plombé ses comptes.
Mais à Valence, le club de football, l'une des meilleures équipes espagnoles derrière le Real Madrid et le Barça, reste une institution « intouchable ». Ce que confirme l'économiste José María Gay de Liébana, spécialiste du football : « En Espagne, les Régions et les mairies estiment qu'il est très important d'avoir un club en première division. Par exemple, la saison dernière, la Galice n'avait aucun club au plus haut niveau, et cela a pénalisé la Région en termes d'image. »

Un appât pour les investisseurs

Pour cet économiste, disposer d'un club fort est un atout pour attirer des investisseurs : « Ça ouvre des portes : pour les politiques, il est plus facile de faire venir des entreprises étrangères à Valence si le club joue la Ligue des champions plutôt qu'en deuxième division. Regardez la Catalogne : elle ne serait pas tout à fait la même si elle n'avait pas le rayonnement du Barça. C'est un outil de promotion. » La Generalitat valencienne a toutefois prévenu que sa « fonction n'est pas de diriger des clubs de foot », rappelant : « Nous avons d'autres obligations de paiement qui sont plus urgentes... »