Nucléaire : les Länder allemands doivent gérer la prolifération des déchets

Par Pauline Houédé  |   |  927  mots
En gare de Dannenberg, les conteneurs de déchets nucléaires sont transbordés sur des camions qui les acheminent sur 20 km jusqu'au site de stockage de Gorleben, en Basse-Saxe. / DR
L'Allemagne a beau avoir décidé sa sortie du nucléaire, elle ne sait toujours que faire de ses déchets radioactifs, que les régions répugnent à stocker chez elles. Une commission, dont la composition reste à déterminer, devra définir, d'ici à 2015, les critères sur lesquels se fondera le choix d'un site de stockage permanent.

On efface tout et on recommence. Après trente-cinq ans de controverses et de manifestations, la question toujours non résolue du stockage des déchets nucléaires outre-Rhin a pris un tour nouveau au printemps dernier. L'ancienne mine de sel de Gorleben, située en Basse-Saxe et désignée dans les années 1970 pour stocker les déchets hautement radioactifs allemands, a obtenu un sursis : l'État fédéral et le Land de Basse-Saxe ont passé un accord en avril visant à relancer la recherche d'un site de stockage définitif (Endlager) sur l'ensemble du territoire.

Une remise à zéro des compteurs qui a un petit parfum de victoire pour les habitants de la région, devenue un haut lieu du mouvement anti atome outre-Rhin. La nouvelle loi, votée par le Parlement juste avant la pause estivale, prévoit la création d'une commission chargée de définir, d'ici à 2015, les critères qui détermineront le choix du site de stockage permanent, pour un lancement du chantier prévu au plus tard en 2031. Où enfouir les déchets ? Dans l'argile ? Le sel ? Le granit ? Gorleben, option préférée des groupes d'énergie, qui y ont déjà investi 1,6 milliard d'euros, reste donc bien en lice. Du côté des autres Länder, on élève déjà les barricades. Le dirigeant de la Bavière, Horst Seehofer, s'est empressé d'exclure l'installation d'un tel site sur son territoire, pour des raisons géologiques. Mêmes réticences en Hesse, où l'on ne veut pas non plus entendre parler du fameux Endlager.

Douze sites provisoires faute d'un site permanent

Pour Jochen Stay, porte-parole de l'association antinucléaire Ausgestrahlt, ce compromis n'est pas vraiment une bonne nouvelle : « Cette future commission aura trop peu d'influence. À l'issue de ses travaux, ce sont les politiques qui prendront la décision, alors que nous avons besoin d'un grand débat national sur le sujet. » Faute de site permanent, l'Allemagne a homologué 12 sites provisoires (Zwischenlager) en 2002 et 2003 pour un fonctionnement d'une durée de quarante ans. Berlin a donc jusqu'à 2040 pour trouver son site de stockage définitif. « Avec le programme nucléaire, on a fait décoller un avion sans piste d'atterrissage », résume Detlef Matthiessen, député Vert de l'assemblée régionale du Schleswig-Holstein.

Reste maintenant à déterminer qui siégera dans cette commission composée de 33 représentants de la société civile, de la communauté scientifique, de l'Église et des 16 Länder allemands.

L'exercice s'annonce très délicat, notamment en ce qui concerne le choix des experts, alors que les pro et les anti-Gorleben cherchent à nommer des scientifiques qui appuient leurs positions. Des associations écologistes ont d'ores et déjà annoncé qu'elles refusaient d'y participer. Si les négociations ont démarré en août, la décision sur la composition finale de la commission a aussitôt été repoussée après les élections législatives du 22 septembre.

Mais le pays est confronté à un problème plus pressant : que faire des 26 conteneurs de déchets radioactifs actuellement dans les usines de traitement de Sellafield (Grande-Bretagne) et de La Hague (France), et que l'Allemagne doit récupérer à partir de 2015 ? Ces déchets auraient dû finir, comme la centaine d'autres conteneurs allemands traités dans ces deux usines, dans le site de stockage provisoire de Gorleben, établi à proximité du site définitif controversé et jamais achevé. Or, dans le cadre de leur récent compromis, le gouvernement de Basse-Saxe a obtenu de Berlin l'arrêt immédiat des convois de déchets.

C'est donc le branle-bas de combat outre-Rhin pour trouver des sites où entreposer ces déchets d'ici deux ans. Le Bade-Wurtemberg et le Schleswig-Holstein, deux Länder gouvernés par des coalitions de sociaux-démocrates et de Verts, ont offert fin avril d'accueillir une partie de ces 26 conteneurs, à condition de partager le fardeau avec d'autres régions. En Hesse ou en Bavière, les gouvernements conservateurs en pleine campagne électorale régionale se sont faits, eux, très discrets. Avec la proposition du gouvernement de Schleswig-Holstein, la petite ville de Brunsbüttel, située à l'embouchure de l'Elbe, s'est pendant quelques semaines retrouvée en première ligne pour accueillir les conteneurs. La bourgade de 13 000 habitants dispose d'un site de stockage temporaire prévu pour entreposer les déchets radioactifs produits par sa centrale nucléaire, à l'arrêt depuis 2007. Son atout ? La proximité d'un port, situé à deux kilomètres, qui faciliterait le transport des conteneurs en provenance de Sellafield et de La Hague.

Le site doit être à l'abri des attaques terroristes

Mais fin juin, coup de théâtre : le tribunal administratif supérieur du Land a retiré à Brunsbüttel son autorisation de centre de stockage temporaire, jugeant le site insuffisamment protégé contre une attaque terroriste. La décision a sûrement réjoui Wolfgang Kubicki. Le patron des libéraux du FDP dans le Schleswig-Holstein, bruyant opposant à l'accueil des déchets dans la commune, continue de privilégier Gorleben, dont le site de stockage, qui « fonctionne déjà », est « prêt » à accueillir les convois.

Si la décision du tribunal n'est pas encore définitive, elle pourrait cependant bien remettre en cause le compromis fédéral conclu en avril et présenté comme historique. Au lendemain du jugement, le dirigeant de Basse-Saxe répétait à la télévision qu'il n'était pas question que Gorleben accueille les conteneurs de déchets nucléaires. Une décision doit être prise début 2014. L'Allemagne n'en a pas fini avec l'atome.