La convergence franco-allemande à l'épreuve des discours

Par Romaric Godin  |   |  708  mots
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Sur de nombreux points clés, comme le rôle de la BCE ou le contrôle des budgets, le fossé se creuse entre l'Allemagne et la France.

Les discours de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel ont permis, jeudi et vendredi dernier, de constater l'ampleur du fossé qui sépare encore les deux dirigeants qui, ce lundi à Paris, vont pourtant devoir trouver un terrain d'entente et présenter, avant le sommet européen des 8 et 9 décembre prochain. Comparaison des deux discours.

Le style. La mise en scène et le style volontairement dramatisant du texte, tout contribuait à donner au discours de Nicolas Sarkozy un aspect solennel. En s'adressant directement aux Français, le président de la République a donné à cette intervention une forte dimension de politique intérieure. À la fois pédagogue et chef politique, Nicolas Sarkozy a récrit à sa façon l'histoire économique des trente dernières années, insistant sur des sujets sensibles en politique intérieure. Une sorte d'enseignement préparatoire à une nécessaire réforme de la zone euro, sans fournir plus de détails.

Angela Merkel, elle, s'adressait aux députés allemands. Une obligation avant tout sommet européen pour « informer » la représentation nationale. Le propos a été logiquement plus technique, plus court et plus précis. Ainsi, omises par Nicolas Sarkozy, la place de la Cour de justice de l'Union européenne ou la recapitalisation des banques ont été abordées en détail.

Les euro-obligations. Absente du discours français, l'idée des emprunts communs des pays de la zone euro a été clairement repoussée par la chancelière qui n'y voit pas une solution durable à la crise. Il n'est pas pensable pour Angela Merkel d'accepter une responsabilité pour les dettes contractées par les autres pays.

Le rôle de la BCE. Le président de la République a évité la confrontation avec l'Allemagne sur le rôle de la banque centrale, en particulier sur la notion de « prêteur en dernier ressort ». Angela Merkel a donc eu la voie libre pour défendre une BCE « ancrée dans sa tâche de stabilité monétaire ». Et la dirigeante chrétienne-démocrate de rejeter toute comparaison avec les banques centrales américaines ou britanniques « dont les tâches ne sont pas les mêmes ».

L'union budgétaire. Le terme a été prononcé par Angela Merkel. Pour elle, l'Europe n'a « jamais été aussi près d'une telle union », désormais « nécessaire ». La chancelière a cependant assuré que dans ce cas le droit du Bundestag serait préservé, notamment celui de définir le budget fédéral. Mais l'Union devra reposer sur des « règles strictes communes, au moins dans la zone euro ».

Nicolas Sarkozy, lui, s'est bien gardé d'être aussi clair. Ne prononçant pas le mot d'union budgétaire, il a appelé à « examiner » et à « discuter ensemble » les budgets. Quant au contenu de cette union, Angela Merkel a très clairement défendu l'automatisation des sanctions pour les pays à déficit excessif, tandis que Nicolas Sarkozy a seulement défendu l'étrange idée de « sanctions plus automatiques ». En revanche, les deux dirigeants s'accordent sur la nécessité de règles d'or s'appliquant à tous les pays membres et sur la nécessité de réformer les traités.

Les contrôles. C'est encore le grand point de divergence entre Paris et Berlin. À Toulon, Nicolas Sarkozy a défendu une Europe des gouvernements pour dépasser le débat entre « partisans de l'Europe des nations et partisans de l'Europe fédérale ». « C'est par l'intergouvernemental que passera l'intégration européenne », a-t-il martelé. Ce n'est pas l'avis de la chancelière qui a réclamé la possibilité d'une plainte devant la cour de justice européenne contre les mauvais élèves. Une idée que Paris rejette et qui n'a même pas été évoquée à Toulon.

L'axe franco-allemand. Le président de la République a insisté sur la nécessité de la convergence franco-allemande. Mais, en fait, il s'agit plutôt d'un chemin français. Angela Merkel n'a pas évoqué un travail en commun spécifique avec Paris. Elle a indiqué que le projet sera présenté par Herman Van Rompuy, et affirmé que si la République fédérale voulait développer la « culture de la stabilité » en Europe, elle ne voulait pas « dominer ».