Zone euro : les foyers où le feu pourrait reprendre

Par Romaric Godin  |   |  1652  mots
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Un tour d'Europe des risques qui continuent à peser sur l'avenir de l'Union économique et monétaire.

Le nouveau coup de chaud sur la dette souveraine européenne jeudi dernier a rappelé que le feu couvait toujours sous l'euphorie de ces dernières semaines. Les risques n'ont donc pas disparu.  Latribune.fr a réalisé un tour d'Europe de ces menaces qui pourraient déclencher de nouveaux embrasements.


La Grèce

L'inquiétude sur la Grèce a un peu disparu ces dernières semaines après le succès de sa restructuration. Elle pourrait cependant rapidement revenir au premier plan.

- La semaine dernière, Athènes a prolongé la durée de son offre de restructuration pour les dettes de droit étranger qui n'avait pas été concernées par la restructuration de début mars. Selon le Financial Times du 3 avril, les détenteurs de 6,4 milliards d'euros de ce type de dettes auraient rejeté la restructuration proposée. A priori, la Grèce n'a pas les moyens de payer les créanciers qui refuseraient l'échange puisque l'aide qui lui sera versé ne l'est pas pour rembourser ces dettes. La prochaine échéance viendra le 25 mai prochain et concerne 450 millions d'euros. Il est probable que ces titres ne soient alors pas remboursés. Malgré la faiblesse de ces lignes, ce serait alors le premier défaut effectif du pays.

- Le vrai risque sur la Grèce demeure politique. Alors que les troubles se poursuivent - la semaine passée a encore vu une poussée de violence après le suicide d'un retraité à Athènes - l'issue des élections à venir demeure indécise. Certes, les deux partis qui soutiennent l'actuel gouvernement Papademos, les Conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les Sociaux-démocrates du Pasok, gagnent du terrain. Le dernier sondage leur attribue ensemble 40 % des intentions de voix. L'ennui, c'est qu'ils sont les seuls partis à défendre, pour le moment, le plan de consolidation validé par la Troïka. S'ils n'obtiennent pas la majorité absolue, il va être très difficile de constituer un gouvernement à Athènes après le 6 mai, date la plus probable du scrutin. L'extrême-gauche et l'extrême-droite risquent de jouer le blocage. Et l'avenir du plan européen pour la Grèce pourrait être incertain.

- Ce plan, du reste, demeure lié à un taux de croissance annuel moyen de 4,5 % à partir de 2014. Une perspective encore lointaine alors que la contraction du PIB atteindra 4,4 % cette année. C'est la principale bombe à retardement financière : celle qui conduirait Athènes, si la croissance n'est pas suffisante,  à redemander une aide financière.


L'Espagne

 « Les défis auxquels doit faire face l'Espagne sont sévère ». Le FMI n'a pas caché jeudi dernier son inquiétude envers le royaume ibérique qui, apparaît, dans l'immédiat, comme le maillon faible de la zone euro. En cause : la capacité du gouvernement Rajoy à réformer et à réduire son déficit. La demande de révision de l'objectif de déficit pour cette année, les perspectives médiocres de croissance, les résultats décevants pour le Parti Populaire au pouvoir aux élections régionales et la grève générale du 29 mai ont fait naître des doutes dans l'esprit des investisseurs. Mariano Rajoy n'a fait que mettre de l'huile sur le feu en avouant que son pays « se trouve dans une situation extrêmement difficile ». Les comptes du Royaume souffrent d'un problème de transparence, notamment en raison de la situation des collectivités territoriales qui sont au bord du gouffre. Sur les marchés, on craint que Madrid ne finisse par demander l'aide européenne, ce qui pourrait faire ressurgir la contagion vers l'Italie ou la France. Et comme le FESF, le Fonds d'aide européen,  le Mécanisme européen de solidarité, ne peut faire face à des attaques contre ces trois pays, même avec la mise en place du MES le 1er juillet, la situation pourrait devenir critique...

L'Irlande

- L'ex « Tigre celtique » est sans doute le seul pays en crise à avoir mené une vraie politique de déflation compétitive. Sauf que l'affaissement de la demande mondiale met ses efforts en péril. Sans le moteur des exportations, l'économie irlandaise risque à nouveau de s'écraser tant les efforts de consolidation budgétaire pèsent encore sur la demande intérieure. Du coup, le gouvernement commence à manquer d'air pour boucler son budget. Il a réclamé à la BCE de sauter une échéance dans le remboursement de son aide bancaire. Cette économie de 3,1 milliards d'euros qui constituerait un vrai défaut caché et qui pourrait augurer d'autres mouvements de ce type. Le message serait désastreux : il contredirait le souci de la BCE de limiter la création monétaire et raviverait à nouveau les critiques allemandes sur la politique de l'institution de Francfort. Et la confiance dans la république verte en prendrait un coup.

- Le référendum sur le nouveau traité budgétaire qui aura lieu le 31 mai dans la République d'Eire sera également suivi de près par les marchés. Un « non » de la part d'un pays bénéficiant de l'aide européenne serait un message très négatif. Mais il semblerait, pour le moment, que le « oui » tienne encore la corde. La fin de la campagne sera néanmoins à suivre.
 

Le Portugal

- Officiellement, tout va bien à Lisbonne. Mais dès la fin de la restructuration de la dette grecque, les regards inquiets des marchés se sont tournés vers le Portugal. Mercredi, Oli Rehn, le Commissaire aux affaires économiques et monétaires, a reconnu que le pays pourrait avoir besoin d'un « pont financier » pour permettre son retour sur le marché. Des paroles interprétées comme le signe d'un possible besoin de financement et d'un appel au mécanisme d'aide européen. Bruxelles a rectifié rapidement le tir, mais le doute est resté, malgré le versement de 5,2 milliards d'euros de la part du FMI dans le cadre du plan d'aide.

- La menace est, comme en Espagne, celle des municipalités. Le gouvernement a reconnu mercredi que la « restructuration de la dette de quelques villes » est possible, mais que le chiffre de la dette municipale n'était pas encore connu. Un responsable de l'association des municipalités portugaises avait prévenu que le défaut pourrait atteindre 9 milliards d'euros si le gouvernement ne faisait rien. Certains analystes évoquent 12 milliards d'euros. Si Lisbonne veut éviter ce défaut, il devra sans doute en appeler de nouveau à l'aide de Bruxelles. Et tout ce qui est pris au fonds de soutien est autant d'ôté à sa crédibilité en cas d'attaques sur Madrid ou Rome.

- 70 % de la dette municipale est détenue par les banques nationales. Si Lisbonne laisse couler ses villes, elle devra venir au secours de ses banques. Et donc se tourner vers Bruxelles...


L'Italie

Voici peu, l'Italie était sur le point de devenir une sorte d'Irlande dans l'esprit des investisseurs, un modèle à suivre. Mais Mario Monti doit aussi faire face à une résistance de la population. Les grèves récentes l'ont montré, et le premier ministre a dû revoir sa copie sur la très importante réforme des licenciements. Certes, légèrement, mais les concessions arrachées par le Parti démocrate de centre-gauche, montrent que le gouvernement technocratique n'a pas entièrement les coudées franches. Or, la croissance reste faible et menace toujours d'alourdir la facture budgétaire. Seul point positif : la crise que traverse la Ligue du Nord affaiblit la position du parti, principal opposant à Mario Monti au Parlement. L'Italie ne sera donc sans doute pas le déclencheur d'une nouvelle crise, mais elle pourrait bien être entraînée dans le courant en cas de crise, et donc aggraver la situation.

La France

Les lendemains de l'élection présidentielle seront cruciaux. L'heureux élu du 6 mai devra rapidement montrer sa « bonne volonté » vis-à-vis des marchés et affichant sa solidarité avec l'Allemagne et sa volonté de réduire les déficits. Tout écart à cette ligne de conduite pourrait être payé fort cher, car si les investisseurs peuvent comprendre que la campagne donne lieu à un florilège de promesses, ils ne sont pas prêts à voir ces dernières appliquées. La France sera donc sans doute pendant quelques mois sous haute surveillance. En cas de dérapage, elle pourrait devenir le détonateur de la prochaine crise européenne...
 

L'Allemagne et l'Autriche

- La patience allemande a déjà été mise à rude épreuve. A priori, Berlin a obtenu beaucoup avec le nouveau traité budgétaire. Mais en cas de nouvelle crise aiguë, il ne sera pas simple de convaincre à nouveau le gouvernement Merkel de mettre la main à la poche. Ce week-end, Wolfgang Schäuble a prévenu qu'il n'accepterait pas de donner un euro de plus pour sauver l'euro. Avec l'arrivée de la campagne pour les élections de septembre 2013, les positions vont se durcir.

- Le SPD hésite encore sur son vote concernant le traité budgétaire européen qui aura lieu le 28 mai. Il tente de négocier un volet « croissance ». Si les négociations échouent, ce serait un coup dur pour le nouveau traité. Mais le SPD est très divisé sur le sujet et son aile droite n'acceptera pas de faire échouer le traité.

- L'éternelle épée de Damoclès de la crise européenne, c'est la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe. Die Linke, le parti de gauche, a décidé de porter le nouveau traité devant elle. A priori, le risque d'une annulation est minime, mais une surprise est possible.

- En Autriche, l'opposition devra aussi voter la ratification du nouveau traité et les Verts traînent des pieds. En janvier, la règle d'or budgétaire n'avait pas obtenu la majorité des deux-tiers nécessaire au parlement. Or, ce nouveau traité comporte cette même règle d'or.