Le triple A néerlandais menacé

Par Sabine Cessou, à Amsterdam  |   |  540  mots
Mark Rutte, à gauche, le premier ministre néerlandais. Copyright AFP
L'agence de notation internationale Fitch a lancé le 19 avril un avertissement très clair aux Pays-Bas, handicapés par leur dette privée, la plus forte de la zone euro, mais aussi par leur situation politique complexe.

L'une des économies les plus performantes de la zone euro pourrait perdre sa note AAA, "si le gouvernement ne pratique pas un plan d'austérité ou s'il laisse le conflit politique faire ingérence dans la gestion économique", selon l'agence Fitch. Dès juin, La Haye pourrait avoir une mention négative sur ses perspectives, même si le triple A est maintenu.

Dette privée immense

Au coeur du problème économique du pays : la dette privée des Pays-Bas, passée de 190 % à 223 % du PIB entre 2000 et 2010, selon une lettre du ministère des Finances adressée en octobre au Parlement néerlandais. La dette publique est elle aussi élevée, excédant, à 64 % du PIB, le seuil de 60 % fixé par le pacte de stabilité dans la zone euro."Cette dette privée bloque l'efficacité de l'économie néerlandaise, estime Chris Buijink, le secrétaire général du ministère de l'Economie. Cet argent n'est pas disponible pour les entreprises". 

Débat sur les mesures à prendre

Les débats sont vifs sur les mesures à prendre. A commencer par la suppression d'une particularité néerlandaise : le remboursement par le fisc des intérêts sur les emprunts immobiliers de long terme (jusqu'à 30 ans) contractés par les ménages pour acheter leur résidence principale. La seule dette privée sur les emprunts immobiliers s'élève à 128 % du PIB. Voilà plusieurs années que la Commission européenne demande aux Pays-Bas de supprimer cette mesure. Du coup, l'incertitude plane sur les réformes que pourrait prendre la coalition de droite menée par le Premier ministre libéral Mark Rutte. Le marché de l'immobilier se trouve en pleine récession. Les prix baissent, et le nombre de logements à vendre dépasse largement la demande.

"Mauvaise posture"


"Les Pays-Bas sont en mauvaise posture, note un éditorial du quotidien économique Financieele Dagblad. Après avoir donné des leçons de gestion à la Grèce, ils doivent maintenant balayer devant leur porte". Bernard Wientjes, le patron des patrons, estime que le gouvernement doit endiguer le deficit budgétaire, en le maintenant inférieur à la norme de 3 % fixée pour la zone euro, afin de garder son triple A. En 2011, le déficit s'est situé au-dessus de 4 % du PIB. "Nous devons prendre des mesures draconiennes", estime-t-il. Seul problème: des coupes de 18 milliards d'euros ont déjà été faites dans le budget 2012, ce qui met à mal le pouvoir d'achat et l'emploi. Le chômage s'élève à 5,9 % en mars. L'un des plus bas niveaux de la zone euro, certes, mais un chiffre à relativiser, compte tenu du nombre croissant de travailleurs précaires et indépendants.

Débats politiques

Les partenaires de la coalition au pouvoir négocient des coupes suplémentaires de 9 millions d'euros cette année. La donne est compliquée par la présence des populistes de droite au sein de cette coalition, qu'ils soutiennent depuis le Parlement. Le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders fait peser le risque d'une chute de la coalition et de législatives anticipées, si le gouvernement ne tient pas compte de ses exigences. Pour Wilders, il n'est pas question de toucher à la déductibilité des intérêts sur les emprunts immobiliers.