Pour l'Espagne, la balle est dans le camp de l'Union européenne

Par Gaëlle Lucas, à Madrid  |   |  658  mots
Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy/Copyright AFP
Appliquant un programme de rigueur sans précédent à l'Espagne, le gouvernement de Mariano Rajoy réclame un soutien de la Banque centrale européenne (BCE) pour contenir sa dette publique.

« Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir (...) Maintenant nous avons besoin de la coopération de toute la zone euro. » Ces déclarations, lundi, du ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos, reflètent le nouvel état d'esprit du gouvernement espagnol cette semaine.

 

Jusqu'à présent, l'équipe de Mariano Rajoy répétait inlassablement que l'Espagne pouvait assumer seule le retour à l'équilibre en appliquant l'austérité. Le retour de la récession confirmé jeudi ainsi que les tensions incessantes sur la dette souveraine semblent avoir eu raison de cet excès de confiance en soi. Désormais, le gouvernement a laissé entendre que la balle est dans le camp de l'Union européenne.

 

Pression constante des marchés

Mariano Rajoy est en effet confronté à la pression constante des marchés, (Moody's a dégradé la note de quatre régions et seize banques espagnoles jeudi) malgré une politique volontariste en matière d'austérité. Depuis son arrivée aux affaires en décembre, il a en effet mené de front une réforme du marché du travail, deux réformes du secteur financier, un budget 2012 comprenant des économies pour 27 milliards d'euros et des réformes destinées à économiser 10 milliards d'euros dans la santé et l'éducation. Enfin, il a imposé la discipline budgétaire aux régions sous peine d'intervenir dans leurs comptes. Le gouvernement a approuvé jeudi les plans d'austérité de seize d'entre elles (sur dix-sept), qui prévoient des économies de plus de 18 milliards d'euros pour 2012.

 

Mais rien ne semble apaiser les marchés. « Le problème, c'est la récession économique et le taux de chômage de près de 25% », explique Rafael Pampillón, économiste à l'IE Business School. Sans parler des doutes qui pèsent sur l'état réel des banques espagnoles. De plus, l'Espagne subit de plein fouet la crise grecque, un problème hors de sa portée.

 

Gagner du temps

Alors Madrid en appelle à l'UE, et particulièrement à la Banque centrale européenne (BCE). Dans un langage alambiqué, le Premier ministre a ainsi réclamé mercredi à l'UE de « lancer un message clair » pour sauver l'euro et un soutien de la dette publique « de tous les pays ». Son secrétaire d'Etat à l'Economie a été plus explicite jeudi en réclamant une « réaction» de la BCE pour calmer les spéculations. La prime de risque espagnole a dépassé les 500 points mercredi. Dans le pays, circule l'idée que la BCE peut aider à gagner du temps en attendant que les réformes de 2012 portent leurs premiers fruits.

 

Une autre plainte du Gouvernement, moins officielle, concerne le manque de soutien récurrent des institutions européennes. Tout en écartant systématiquement tout recours au fonds de secours de la part de l'Espagne, les représentants de l'UE ont eu tendance à assortir les encouragements à des demandes de renseignements complémentaires, ou de rapidité accrue de l'application des mesures, déconcertant ainsi les autorités espagnoles. La communication de Bruxelle semble avoir pris néanmoins un tournant cette semaine. Le porte-parole de la Commission, Amadeu Altafaj, a ainsi déclaré merdredi que « l'Espagne n'a pas à penser à un sauvetage alors qu'elle elle met en ?uvre les réformes nécessaires ».

 

Report des objectifs de déficit

Enfin, plus que la politique de croissance qui sera discutée prochainement au sein de l'UE, un report des objectifs de déficit constituerait un réel soulagement en ce contexte de récession. La Commission européenne a estimé que l'Espagne ne remplirait pas ses objectifs de déficit pour 2012 et 2013. Ce sera d'autant plus difficile que l'étude des plans d'austérité des régions a entraîné une révision des chiffres de 2011. Ainsi Madrid a en fait enregistré un écart de 2,2% du PIB l'an dernier, soit deux fois plus que les premiers chiffres annoncés. Le déficit de l'Etat, de 8,51% en 2011, devrait donc être revisé à nouveau à la hausse.