Grèce, Espagne... : une facture qui tutoie déjà les 100 milliards pour la France

Par Romaric Godin  |   |  862  mots
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Après la Grèce, l'Irlande, le Portugal, c'est au tour de l'Espagne, traversée par une grave crise bancaire, de faire appel à l'aide européenne. L'occasion de faire un bilan de ce que la France a déjà payé ou apporté en garantie. Et de ce qu'elle pourrait avoir encore à payer... On approche les 100 milliards d'euros qui théoriquement doivent être remboursés. Un jour.

Avec le plan d'aide à l'Espagne, la question de la facture de la politique sauvetage de l'euro pour la France se pose à nouveau. Tour d'horizon des montants en jeu.

Les prêts bilatéraux à la Grèce

Premier volet de la facture : les prêts accordés dans le cadre du premier plan d'aide à la Grèce. 110 milliards d'euros ont ainsi été attribués aux Grecs, dont 30 milliards venant du FMI et 80 milliards partagés entre les 26 autres pays de l'Union économique et monétaire au prorata de leur participation au capital de la BCE. Pour la France, ce prorata s'élève à 20,91 %, soit 16,73 milliards d'euros. Une partie de la somme n'a pas encore été versée et sera intégrée au second plan d'aide pris en charge par le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Pour la France, la facture s'élève aujourd'hui à 11,4 milliards d'euros. Cette somme, qui a pris la forme de prêts bilatéraux à 5 % à la République hellénique, a alourdi la dette française, mais n'a pas influé jusqu'à présent sur le déficit public, car la contrepartie existe encore, autrement dit, la Grèce n'a pas fait défaut. C'est seulement en cas de défaut que la somme perdue sera portée au déficit français.

Le FESF

Le sauvetage du Portugal et de l'Irlande ont été pris en charge par le FESF et par le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) qui est un fonds de 60 milliards d'euros adossé au budget de l'Union européenne, donc sans conséquence directe sur les finances françaises. Ce MESF a prêté 22,5 milliards d'euros à l'Irlande et 26 milliards d'euros au Portugal. Le FESF a, lui, pris en charge 43,7 milliards d'euros. Ces sommes sont levées sur les marchés par le FESF avec la garantie des Etats au prorata de leur participation dans le capital de la BCE. Elles sont considérées comme de la dette, mais pas comme du déficit puisque les sommes ne sont pas concrètement versées. Le FESF est enfin l'instrument du deuxième plan de sauvetage de la Grèce. En tout, le FESF pourrait lever 144,6 milliards d'euros pour ce plan. L'ensemble des sommes à garantir pour le FESF est donc de 192 milliards d'euros. La contribution française se montera à 21,83 % (puisque Grèce, Irlande et Portugal ne peuvent participer) de cette somme, soit un total de 41,9 milliards d'euros.

Le MES

Le successeur du FESF, le MES, aura une structure différente. Il disposera d'un capital permanent en cash de 80 milliards d'euros versé par les Etats à hauteur de leur participation au capital, là encore calqué sur le capital de la BCE. Ce capital permettra ensuite au MES de lever jusqu'à 500 milliards d'euros sur les marchés. Ces emprunts du MES, qui sera une institution permanente, ne seront donc plus « garantis » directement par les Etats, même si ces derniers devront éponger d'éventuelles pertes et ne seront donc plus comptabilisés comme de la dette. Mais il faudra donc payer d'abord. Le capital du MES sera constitué en trois phases : 32 milliards d'euros en 2012, autant en 2013 et 16 milliards d'euros en 2014. Pour la France, l'ensemble de sa contribution sera de 16,24 milliards d'euros, dont 6,5 milliards d'euros dès cette année.

Ce qui ne peut pas (encore) être chiffré

Vient ensuite la facture qui ne peut être chiffrée : celle liée à une éventuelle recapitalisation de la BCE pour faire face à des pertes sur ses rachats d'obligations souveraines sur le marché, celle liée à des pertes des aides versées par le MESF auxquelles le budget européen ne pourrait faire face, celle liée aux pertes éventuelles du MES et enfin celle liée au système de paiement interbancaire européen Target 2. Dans ce dernier cas, le contribuable français ne mettrait la main à la poche qu'en cas de sortie d'un pays débiteur de la zone euro. Le montant de ce débit sera partagé entre les banques centrales restant dans l'Union économique et monétaire.

L'inconnue espagnole

Enfin, dernier point, l'aide à l'Espagne. Le FESF ou le MES verserait 100 milliards d'euros au Royaume pour aider ses banques. Selon les calculs actuels, la contribution de la garantie française serait de 20,31 milliards d'euros. Mais si l'Espagne ne participe pas à sa propre aide, il faudra recalculer les contributions sans celle du Royaume ibérique qui est de 12,75 % aujourd'hui. Dans ce cas, la contribution de la France passerait à 25 %, soit 25 milliards d'euros. Les négociations entre l'UE et l'Espagne permettront de déterminer la part de l'Espagne et donc celle de la France. Il faudra également déterminer si le Royaume entend continuer à assumer sa garantie sur les prêts précédemment accordés par le FESF. Dans la négative, la France pourrait "récupérer" 6,1 milliards d'euros d'engagement supplémentaire.

La facture finale

Au final, la facture est composée d'élément très divers. Si l'on ajoute la contribution au MES, les prêts accordées à la Grèce et les garanties du FESF, la dette française pourrait au final grossir jusqu'à 94,54 milliards d'euros, soit pas moins de 4,73 % du PIB hexagonal.