« Les banquiers sont des commerçants comme les autres »

Par Propos recueillis par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  576  mots
Monique Goyens, représentante des Unions de consommateurs à Bruxelles et membre du groupe Liikanen, le 11 juillet 2012 à Bruxelles au siège de la Commission européenne. Copyright Reuters
Alors que Bercy planche sur une proposition de réforme structurelle des banques françaises, La Tribune a interrogé Monique Goyens, représentante des Unions de consommateurs à Bruxelles et membre du groupe Liikanen qui fait des recommandations au niveau européen. Elle revient sur ces travaux et sur l'autre chantier du moment : l'accès aux services bancaires de base.

Le groupe Liikanen qui vient de remettre au commissaire européen Michel Barnier son rapport sur la réforme structurelle du secteur bancaire propose d'obliger les banques à filialiser certaines activités de marché. Pourquoi demander aux banques de se restructurer de la sorte ?

Si une banque universelle exerce ces activités de marché risquées au-delà d'un certain seuil - et je pense qu'en France on arrivera à ces seuils -, il n'y a aucune raison que les clients de la banque de détail, ni d'ailleurs les contribuables, soient au risque de devoir aider ou financer ces activités à risque. Il faut cesser de privatiser les profits et de socialiser les pertes, comme l'a dit le président du groupe Erkki Liikanen.

Ne craignez vous pas que cela remette en cause la capacité des banques universelles à apporter aux clients tous les services dont ils ont besoin ?

Dans notre proposition, il y a énormément d'activités de trading qui peuvent être réalisées dans la banque de détail. Les banques universelles sont venues nous voir, nous dire qu'il y a certains services à rendre au client. Cela a vraiment été en considération.

Y compris pour le financement des PME ?

Franchement, avec un peu de bonne foi, on voit que notre rapport ne pose aucun problème pour financer les PME. Il y a eu dans le passé les opérations de financements de la BCE qui étaient sensées servir au financement des PME et dont on ne voit pas l'impact sur l'économie réelle. Actuellement, les grandes entreprises font la banque pour les petites entreprises, forcées par le comportement des banques qui sont en repli. Nous avons des propositions équilibrées sur la table, faisons en quelque chose. Je m'attends à des propositions vers avril 2013.

Vous attirez l'attention depuis des années sur l'accès aux services bancaires de base au sujet duquel la Commission a annoncé des propositions législatives pour la fin de l'année. Quelle est l'ampleur du problème ?

En France, 500.000 personnes n'ont pas accès à ces services. Il y a une obligation mais elle joue quand un consommateur s'est vu refuser l'ouverture d'un compte auprès d'une banque commerciale. Alors il faut ouvrir un compte auprès de la Banque de France. Cela entraîne une certaine stigmatisation. Nous pensons qu'il doit y avoir une obligation générale. Or, aujourd'hui, si je rentre dans une agence bancaire et je veux ouvrir un compte, on me répond que ce n'est pas possible parce que je n'ai pas la bonne nationalité ou la bonne résidence. Ce n'est pas normal. On ne doit pas pouvoir me le refuser, même au motif que je n'ai pas un salaire convenable, sauf évidemment si je veux pouvoir être en découvert.

En quoi consistent ces « services de base » ?

Avoir accès à un numéro de compte, à une carte de banque, pas nécessairement de débit, à une possibilité de virement, avoir un accès en ligne et la possibilité de recevoir des extraits bancaires. Ce compte de base ne doit pas être gratuit mais son coût du compte doit refléter les coûts de la banque, qui sont très faibles. C'est une question économique, une question de marché, pas sociale. Quand vous allez dans un magasin, on ne peut pas refuser de vous servir. Après tout, les banquiers sont des commerçants comme les autres.