Criblé de dettes, le football espagnol broie du noir

Par Pierre Manière  |   |  572  mots
Lionel Messi et Christiano Ronaldo, les stars de FC Barcelone et du Real madrid. Copyright Reuters
Les Bleus affrontent aujourd'hui l'Espagne en match de qualification pour le Mondial 2014. Si la sélection ibérique, au sommet de son art, fait figure d'épouvantail sur le plan sportif, les clubs sont plongés en pleine déprime de l'autre côté des Pyrénées, plombés par des dettes colossales.

L'enfer leur est promis. En quête de certitudes après une récente défaite face au Japon en amical, les Bleus de Didier Deschamps se rendent mardi à Madrid pour y affronter l'armada espagnole, championne d'Europe et du monde en titre. Mais si sur le terrain, la "Roja" fait l'unanimité auprès des supporters et amateurs de beau jeu, les clubs pros espagnols, eux, sont plongés en plein marasme financier, marqués au fer rouge par la crise qui frappe le pays.

En tout et pour tout, la dette globale du football ibérique s'élève à 3,6 milliards d'euros, dont 752 millions dus aux impôts. De quoi faire grincer des dents, alors que la grogne sociale est de plus en plus forte, attisée par l'adoption fin septembre d'un nouveau budget d'austérité par l'équipe de Mariano Rajoy. Problème : les clubs de Liga, l'élite du football espagnol, peinent à éponger leurs propres dettes. Pour l'exercice 2010-2011, ils ont dégagés près de 1,7 milliard d'euros de recettes cumulées, pour des dépenses supérieures à 1,8 milliard...

"Le football est le miroir de l'économie"


Pour le professeur d'économie José Maria Gay de Liebana, spécialiste du ballon rond à l'Université de Barcelone, "le football est le miroir de l'économie générale en Espagne", a-t-il expliqué à l'AFP en mars dernier. "Pendant des années, les clubs ont fait des investissements pharaoniques. Et comme ils n'avaient pas les fonds propres pour financer ces dépenses, ils se sont endettés massivement." De plus, comme l'explique lapidairement à France Info Javier Gomez, journaliste sportif à Sexta, "les propriétaires des clubs étaient les promoteurs immobiliers, donc s'ils n'ont pas d'argent, les clubs n'ont pas d'argent".

En guise d'exception, le Real et le Barça, les deux clubs phares du championnat, se sont réjouis d'avoir dégagé respectivement des bénéfices de 24,4 et 40 millions d'euros pour la saison 2011-2012. Mais ces chiffres sont à mettre en parallèle avec leurs dettes respectives, qui s'élèvent encore à plus de 450 et de 335 millions d'euros. D'autres clubs sont tout aussi dans le rouge, comme Valence et l'Atletico Madrid, deux autres poids lourds du championnat, avec respectivement 382 et 514 millions de dettes d'euros en 2010-2011.

Finis les transferts fastueux

Surtout, à l'instar des autres clubs espagnols, ces deux clubs ont bénéficié d'une aura sur la scène européenne en débauchant des stars à prix d'or. Côté Real, on se souvient de Christiano Ronaldo, transféré de Manchester United en 2009 pour... 93 millions d'euros. Mais dorénavant, le football ibérique se met à la diète, les dépenses de la Liga ayant chuté de 65% (à 128 millions d'euros) cette année. A côté de cette réduction drastique des dépenses, les clubs espagnols ont pu utiliser un autre levier : la "ley consursal", qui permet aux entreprises de diviser leurs dettes de moitié lorsqu'elles sont dans l'impasse. Et à ce jour, pas moins de 22 clubs y ont eu recours pour rééchelonner leurs arriérés.

Mais les problèmes de fond ne sont pas pour autant réglés. Et notamment celui de l'inégale répartition des droits télévisés, puisque le Barça et Real, engrangent près de la moitié de cette enveloppe annuelle de 647 millions d'euros. Miné par ses problèmes financiers, le football espagnol, place forte du ballon rond européen, pourrait bien perdre en attractivité.