Pour les États-Unis, l'Union européenne traverse une crise humanitaire grave

Par Romain Renier  |   |  749  mots
Des Grecs sans emploi faisant la queue devant un bureau de recrutement à Athènes - Copyright Reuters
Avec 26 millions de chômeurs, l'Union européenne traverse une crise humanitaire grave, selon l'ambassadeur des États-Unis nommé par Barack Obama à Bruxelles. Le diplomate s'est dit frappé par l'incapacité de l'UE à agir malgré des idées parfois visionnaires. A la Commission européenne, certaines voix s'élèvent en ce sens, face à la montée des euroscepticismes et des populismes dans l'opinion publique européenne, particulièrement après les élections italiennes. Mais les espoirs de voir la situation évoluer sont limités.

L'Europe souffre d'une crise humanitaire dans des proportions énormes s'est alarmé jeudi l'ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'Union européenne à Bruxelles. Et d'appeler à la méfiance face au chômage massif des jeunes qui leur fait perdre toute foi et ne voient plus dans l'Europe une solution pour leur avenir. La « chose la plus importante à faire, a insisté William Kennard, serait de reconnaître que 26 millions de chômeurs relève d'une énorme crise humanitaire », lors d'une conférence organisée par le think-tank bruxellois Lisbon Council.

L'UE visionnaire mais impotente

Très vif, le diplomate s'est fendu d'un compliment en forme de critique à l'égard des institutions du Vieux Continent. Pour lui, l'UE sait être visionnaire. Mais le représentant de Barack Obama à Bruxelles s'est dit « frappé en constatant à quel point elle est incapable de mettre ses idées en ?uvre ».

Ces déclarations d'une vigueur peu commune pour un diplomate interviennent un peu plus d'une semaine après des élections italiennes qui ont surpris l'ensemble des observateurs. De Syriza (extrême gauche) à Aube dorée (extrême droite) en Grèce, au Mouvement cinq étoiles de Beppe Grillo et au retour de Silvio Berlusconi en Italie, en passant par la percée symbolique dans une élection législative partielle du petit parti eurosceptique UKIP au Royaume-Uni, les signaux en provenance de l'opinion publique se multiplient sur le continent.

Pourtant, les propos de l'ambassadeur américain n'ont pas trouvé écho dans l'assemblée. Ainsi Holger Schmieding, chef économiste de la banque allemande Berenberg Bank a-t-il demandé instamment aux politiques d'éviter les « non sens », particulièrement en Italie. Cette dernière « ne doit pas revenir sur les réformes Monti » a-t-il martelé, défendant la politique d'austérité mise en place par l'ancien commissaire européen. « La zone euro a besoin de se montrer patiente, nous devons simplement mettre en place les réformes, la reprise économique est dans l'air » a tenté de rassurer le banquier.

Certaines voix s'élèvent à la Commission

A la Commission européenne, certaines voix s'élèvent. Si officiellement c'est Olli Rehn qui est à la man?uvre, défendant bec et ongle, malgré un discours qui se veut nuancé, les politiques d'austérité mises en place dans les pays en difficulté de la zone euro, pour d'autres, il y a urgence à agir.

« La situation politique est très inquiétante, c'est pourquoi nous devons absolument introduire un volet social dans notre budget, car il y a une montée des mouvements anti-démocratiques et fascistes » a ainsi relevé le commissaire européen aux relations interinstitutionnelles Maros Sefcovic, lors d'un entretien accordé à La Tribune. « Nous nous rendons compte que l'on peut perdre une génération. Les jeunes ne croient plus dans le système démocratique », s'est alarmé le social-démocrate slovaque. Et de souligner, évoquant la garantie de l'emploi pour les jeunes décidée par l'UE en décembre sur le modèle de ce qui est fait en Autriche et dans les pays nordiques, que des efforts ont été faits.

Mais elles se heurtent à la volonté des gouvernements, selon la Commission

Mais les discussions avec les États-membres sur la question de savoir si cette garantie de l'emploi sera une vraie garantie ou non et sur son financement sont toujours en cours. Pour le commissaire, ce sont les gouvernements qui y mettent de la mauvaise volonté. « La situation politique actuelle sera un argument pour les gouvernements afin d'en faire une véritable garantie », espère Maros Sefcovic. Le problème est que les pays du nord de l'Europe ne sont pas enclins à libérer des fonds supplémentaires pour financer cette politique. Pourtant, force est de reconnaître qu'il y a urgence. Le taux de chômage des jeunes (moins de 25 ans) en Grèce atteint le record de 57.6%, suivi par l'Espagne avec 56.5%, le Portugal avec 38.7% et l'Italie avec 37.1%. En moyenne, un jeune actif européen sur quatre est sans emploi.

Autre piste évoquée par le Commissaire, la politique de croissance. « Nous sommes conscients que c'est très dur pour les citoyens et les jeunes, donc nous voulons tout mettre en ?uvre pour repartir vers la croissance », a-t-il insisté. Un v?u pieu, au regard du pacte de croissance étriqué obtenu par François Hollande au printemps dernier, et de la volonté partagée par le Royaume-Uni, l'Allemagne, et ses alliés du nord de l'Europe d'appliquer la rigueur budgétaire à la Commission comme aux États-membres en difficulté.