Bruxelles soutient Karel de Gucht, son commissaire accusé de fraude fiscale

Par latribune.fr  |   |  644  mots
Les discrètes négociations entre Karel De Gucht et l'administration fiscale belge. Mais celles-ci n'ont pas abouti à un accord à l'amiable.
La Commission européenne ne poussera pas le commissaire européen au Commerce à la démission, estimant qu'il s'agit d'une "affaire privée".

Voilà qui tombe plutôt mal, en pleines négociations transatlantiques. Le Commissaire européen au Commerce, le belge Karel de Gucht, est soupçonné de fraude fiscale par les autorités de son pays. La Commission européenne a toutefois exclu de demander sa démission, arguant qu'il s'agissait d'une "affaire privée".

Bruxelles ne veut en effet pas "préjuger" de l'issue du procès qui débutera le 25 novembre devant le tribunal de première instance de Gand (nord-ouest), au cours duquel l'Inspection spéciale des Impôts (ISI) va réclamer quelque 900.000 euros au haut responsable européen et à son épouse, selon les journaux économiques belges L'Echo et De Tijd.

Une plus-value de 1,2 million d'euros non déclarée ?

L'affaire de fraude fiscale présumée, rendue publique en 2005, a fait ces derniers mois l'objet de discrètes négociations entre Karel De Gucht et l'administration fiscale belge. Mais celles-ci n'ont pas abouti à un accord à l'amiable.

Le fisc, qui s'interroge sur les conditions d'achat par le couple De Gucht d'une résidence secondaire en Toscane, dans le centre de l'Italie, a mis au jour une opération de revente d'actions de la société d'assurance belge Vista au Britannique Hill & Smith. L'administration fiscale reproche au Commissaire d'avoir "fraudé" en omettant de déclarer une plus-value de 1,2 million d'euros réalisée lors de la revente de ces actions en 2005. Il aurait ainsi échappé aux impôts dus.

Mais pour l'avocat de Karel De Gucht, l'usage du terme "fraude" par l'ISI est "scandaleux" . Selon lui, la plus-value a été réalisée en 2001, lors de l'entrée des Britanniques dans le capital de Vista, et elle était à l'époque exonérée d'impôts.

Sachant que Karel De Gucht, membre du parti libéral flamand Open VLD, avait déjà été accusé d'avoir bénéficié d'informations confidentielles lors de la vente d'actions du bancassureur Fortis, peu avant le démantèlement du groupe en octobre 2008. Mais il a été blanchi par la justice en 2009 des soupçons de délit d'initié qui pesaient sur lui. Il a insinué que les enquêteurs du fisc s'acharnaient contre lui pour des raisons "politiques".

"La position de Karel de Gucht est-elle encore politiquement tenable" ?

Quoi qu'il en soit, pour la Commission, le problème est ailleurs. Une source interne a ainsi déclaré à l'AFP:

"La bonne question aujourd'hui est de savoir si la position de Karel De Gucht est encore politiquement tenable".

En effet, à sept mois des élections européennes, qui pourraient voir une percée des partis populistes, l'affaire embarrasse Bruxelles. La Commission s'était d'ailleurs séparée sans ménagement du commissaire à la Santé, le Maltais John Dalli, mis en cause dans une enquête de l'organisme anti-fraude de l'UE (Olaf), en octobre 2012.

L'enquête n'avait pourtant pas apporté la preuve d'une participation directe de John Dalli comme instigateur ou comme commanditaire d'une demande d'argent pour influencer la législation européenne sur le tabac. Mais il avait été poussé à la démission par le président Barroso car sa position était devenue "politiquement intenable", avait expliqué en avril la porte-parole de la Commission.

Karel de Gucht "rempilerait volontiers" pour cinq ans à Bruxelles

Or Karel De Gucht a indiqué qu'il "rempilerait volontiers" pour cinq ans à la Commission à l'issue de son mandat actuel, qui s'achève fin 2014. Le Belge vise un "beau" portefeuille, car, a-t-il expliqué à des journalistes belges, "quand on a été en charge du Commerce, on n'a pas envie de se retrouver au Multilinguisme".

De son côté, la porte-parole de la Commission Pia Ahrenkilde-Hansen a assuré qu'il n'y avait "aucun parallèle" à faire avec l'affaire Dalli, "qui concernait ses fonctions de commissaire", alors que le dossier De Gucht vise une période où le responsable belge n'était pas membre de la Commission, qu'il a rejoint en 2009.