Merkel pousserait la Grèce hors de la zone euro

Par latribune.fr  |   |  904  mots
(Crédits : Reuters)
Si le chef de l'opposition grecque Alexis Tsipras (Syriza), actuellement en tête des sondages, parvient au pouvoir, la Grèce devra sortir de la zone euro, estime Angela Merkel, selon le magazine Der Spiegel

La chancelière allemande Angela Merkel est prête à laisser la Grèce sortir de la zone euro, au cas où la Gauche radicale remettrait en cause la politique de rigueur budgétaire dans ce pays, affirme samedi l'édition en ligne du magazine Spiegel.

"Le gouvernement allemand juge quasiment inévitable une sortie (de la Grèce) de la zone euro, si le chef de l'opposition Alexis Tsipras (Gauche radicale, Syriza) dirige le gouvernement après les élections (législatives), abandonne la ligne de rigueur budgétaire et ne rembourse plus les dettes du pays", affirme le site web de l'hebdomadaire, en s'appuyant sur "des sources proches du gouvernement allemand".

Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble (tous deux conservateurs) ont changé d'avis et désormais ils "jugent supportable une sortie du pays de la monnaie unique en raison des progrès accomplis par la zone euro depuis le sommet de la crise en 2012", assure le Spiegel Online, toujours sur la base de ces sources.

Un risque de contagion limité

"Le risque de contagion pour d'autres pays est limité car le Portugal et l'Irlande sont considérés comme assainis. Par ailleurs, le MES (mécanisme européen de stabilité) fournit un mécanisme de sauvetage puissant et l'Union bancaire assure la sécurité des instituts de crédit", auraient encore confié ces sources.

 Des élections législatives le 25 janvier

Le parlement grec a annoncé mercredi sa dissolution et a confirmé l'organisation le 25 janvier d'élections législatives anticipées pour lesquelles la gauche radicale, Syriza, est donnée favorite dans les sondages.

Le leader de Syriza, Alexis Tsipras, veut en finir avec la politique d'austérité imposée au pays par ses créanciers internationaux (la troïka UE, BCE et FMI) en échange de quelque 240 milliards d'euros de prêts. Il souhaite aussi négocier une nouvelle restructuration de la dette publique qui plombe l'économie grecque.
 Lundi, Wolfgang Schäuble avait jugé que la Grèce était tenue de continuer sur la voie des réformes déjà engagées, "sans aucune alternative", quel que soit le résultat du futur scrutin.

Merkel veut faire pression sur les électeurs grecs

Pour les médias allemands, la chancelière et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble (tous deux conservateurs CDU) tentent de faire pression sur les électeurs grecs ou sur M. Tsipras lui-même. Mais la démarche est controversée, y compris au sein de sa coalition gouvernementale, des sociaux-démocrates mais aussi des conservateurs ayant exprimé publiquement leur réprobation.

Interrogés par l'AFP, la chancellerie et le ministère allemand des Finances n'ont souhaité ni confirmer, ni démentir, les informations du Spiegel. "La Grèce a rempli ses obligations dans le passé. Le gouvernement allemand part du principe que la Grèce va continuer à l'avenir de remplir ses obligations envers la troïka" de ses créanciers (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), a simplement déclaré un porte-parole du gouvernement.

"Die Welt" dénonce ce scénario de menace et cette ingérence dans la campagne électorale grecque

Un haut responsable de la CDU, Christian Bäumler, a adressé une mise en garde dimanche : "en cas de sortie de l'euro, les dettes (de la Grèce) ne pourraient pas être remboursées, et l'Allemagne porterait une part significative du fardeau".

"Avec ce scénario de menace (...), le gouvernement se mêle indirectement de la campagne (électorale) grecque. C'est extrêmement risqué et c'est une erreur", commentait dimanche le quotidien Die Welt, proche des conservateurs.

"Cette menace est susceptible d'encore renforcer le mécontentement en Grèce vis-à-vis des Allemands et d'aider ainsi Alexis Tsipras dans sa campagne. (...) Cela pourrait aussi nourrir l'instabilité en Grèce et même conduire" à un mouvement de panique s'accompagnant d'une ruée vers les guichets des banques pour des retraits de dépôts, poursuivait Die Welt.

 "Coup de bluff"

 Enfin, "les élites politiques grecques pourraient voir dans la menace de Merkel un pur coup de bluff et augmenter au contraire la pression sur leurs créanciers européens", ajoutait le quotidien.

En théorie, aucun mécanisme ne prévoit la sortie d'un pays de la zone euro. Mais à Berlin, on imagine que si la Grèce ne remplissait plus ses engagements, la BCE pourrait restreindre les possibilités de refinancement des banques grecques au point de contraindre Athènes à réintroduire la drachme...

Les socio démocrates mécontents

Les sociaux-démocrates (SPD), membres de la "grande coalition" au pouvoir à Berlin, ont publiquement contesté la démarche attribuée à Mme Merkel.

Ainsi, le vice-président du groupe SPD au Bundestag (la chambre basse du parlement), chargé de l'euro, a estimé que les conservateurs avaient, seuls, été à l'origine de cette "fuite". "Un changement de ligne du gouvernement ? Plutôt une grave erreur de la CDU", a-t-il commenté sur son compte twitter.

Dès samedi, le secrétaire d'Etat social-démocrate aux Affaires européennes, Michael Roth, avait pris ses distances. "La Grèce est membre de la zone euro. Et doit le rester", avait-il affirmé via son compte Twitter. La Gauche radicale allemande (opposition), a sans surprise tiré à boulets rouges sur la chancelière. "Avec ce type de chantage public on veut déstabiliser la Grèce avant les élections", a jugé le président de Die Linke, Bernd Riexinger.