Le PS doit-il tirer un trait sur les couches populaires ?

Par latribune.fr  |   |  565  mots
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Le club de réflexion de gauche Terra Nova sème l'émoi en suggérant aux socialistes d'abandonner les couches populaires au profit des classes moyennes au moment même où le PS s'interroge sur l'électorat à conquérir pour 2012.

Cesser de chercher à séduire la France d'en bas pour se concentrer sur les classes moyennes... Voilà, pour résumer, ce que suggère au parti socialiste un rapport de Terra Nova. Ce très influent "think tank" considéré comme proche du PS estime que "la classe ouvrière n'est plus le coeur du vote de gauche, elle n'est plus en phase avec l'ensemble de ses valeurs".

Le club de réflexion suggère aux socialistes d'assumer la mue d'une société française caractérisée par un déclin de la classe ouvrière et l'émergence de nouvelles populations - femmes, jeunes, diplômés, minorités des quartiers populaires, non-catholiques, habitants des grandes villes.

"Pour nous, l'élargissement est plus facile à faire en direction des classes moyennes, car c'est un électorat qui apparaît aujourd'hui plus mobile que ne le sont les classes populaires, qui ont davantage basculé vers la droite", dit Olivier Ferrand, président de Terra Nova, dans Le Monde du 11 mai. Une analyse qui a suscité de vives réactions, à l'image d'Olivier Dartigolles, porte-parole du Parti communiste, qui parle de "sabordage idéologique".

Le Front National se frotte les mains

"Cette démission en rase campagne de la fondation Terra Nova augure mal de la campagne électorale de 2012", écrit-il dans un communiqué. "C'est une formidable offrande faite à l'extrême droite qui n'attend que cela en se positionnant masquée sur le terrain social."

De fait, le numéro deux du Front national, Louis Aliot, remarque que "le divorce est bel et bien consommé entre le peuple et ses élites, entre les classes populaires et la caste dirigeante, entre les travailleurs et les syndicats". Et il ajoute : "Dans cette mutation aux allures de révolution démocratique, Marine Le Pen apparaît comme une alternative majoritaire possible."

Copé parle de cynisme électoral

L'analyse de Terra Nova fait aussi débat au PS, où Laurent Fabius juge qu'il n'y aurait "aucun sens" à tourner le dos à l'électorat populaire. "Il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées", déclarait-il mercredi sur Public Sénat, reprenant une formule de l'ancien président François Mitterrand: "Si vous abandonnez les électeurs, vous pouvez faire des choses très intéressantes mais pas de politique". L'ancien Premier ministre du seul Président socialiste de la Ve République prône, lui, un programme "qui concerne à la fois les couches populaires et les couches moyennes".

François Kalfon, délégué général du PS chargé des études d'opinion, table sur un projet présidentiel ciblant à la fois classes populaires, centristes et retraités, qui avaient massivement voté pour Nicolas Sarkozy en 2007. "S'adresser aux jeunes, c'est un marqueur politique majeur, mais les salariés en décrochage représentent un électorat bien plus important, tout comme les seniors", déclarait jeudi dans Libération ce proche de Dominique Strauss-Kahn, potentiel successeur de Nicolas Sarkozy, et co-auteur de "L'Equation gagnante", un livre sur la stratégie électorale pour 2012.

A l'UMP, le secrétaire général Jean-François Copé a fustigé pour sa part le "cynisme électoral qui consiste à sacrifier une partie des Français au nom d'intérêts électoraux et marketing". "Le candidat du PS ne sera pas celui des classes populaires et des classes moyennes, mais celui des études de marché", conclut-il dans un communiqué.